L'épigénétique, quand vos gènes s'expriment

Si vos gènes pouvaient parler, ils vous diraient de prendre soin de vous et de votre hygiène de vie, car cela peut influencer leur expression. Comment ? Par l'épigénétique. C'est elle qui gouverne quels gènes s'expriment, et quels gènes n'ont pas voix au chapitre !

Et si vos gènes pouvaient parler ?

À vrai dire, c’est en quelque sorte ce qu’ils font. Quand un gène est activé, on dit qu’il s’exprime. Mais tous ne s’expriment pas de la même façon, ni en même temps. Et certains, les plus timides d’entre eux, ne s’expriment même jamais. Cela peut dépendre de l’âge, de l’environnement, des habitudes de vie, ou tout simplement du hasard ! Mais dans cette cacophonie génétique, comment les gènes savent-ils s’ils sont libres de s’exprimer ou non ? Et bien c’est l’épigénétique qui leur donne la parole. Comme un chef d’orchestre dirige ses musiciens, l’épigénétique régule l’expression de nos gènes. Comment ? Approchez-vous, on vous montre !

"Approchez-vous" est notre web série qui dévoile l'invisible, voir toutes les vidéos

Comment ça marche ?

Avant l'épigénétique, la génétique

L’épigénétique se traduit littéralement par « ce qui est au-dessus des gènes ». Mais en fait, un gène, c’est quoi ? Les gènes, les chromosomes, l’ADN… On en entend souvent parler, mais savez-vous réellement ce que c’est ?

Pour bien comprendre tout ça, reprenons les bases. Car c’est bien de cela qu’il s’agit quand on parle d’ADN : de bases. L’ADN est une très grande molécule qui mesurerait près de 2 mètres de long si on la déroulait, et qui est constituée d’une succession d’environ 3 milliards de bases dites azotées. Il en existe 4 sortes : A, T, G et C. Et cette suite de bases est propre à chaque individu, ce qui le rend unique. En fait, le génome d’une personne, constitué de l’ensemble de la molécule d’ADN, c’est comme un immense livre qui serait écrit avec un alphabet de seulement 4 lettres. Et 3 milliards de lettres, ça représenterait un livre de poche d’environ 1,5 millions de pages. Une sacrée histoire !

Les gènes, ce sont des portions de l’ADN, donc des portions de cette suite de bases. Dans ce grand livre du vivant, les gènes seraient des paragraphes qui sont lus par des enzymes pour permettre la fabrication de protéines, des molécules qui constituent et font fonctionner tout organisme vivant.  Et chaque gène a une fonction bien spécifique.

Et les chromosomes alors dans tout ça ?  Et bien de la même façon qu’un livre est divisé en chapitres, cette grande molécule d’ADN est divisée en plusieurs morceaux sous forme de chromosomes.  Dans chacun des chromosomes se trouve de l’ADN enroulé autour de protéines que l’on appelle des histones. C’est un peu comme un collier de perles tout emmêlé où les perles seraient les histones, et le fil serait l’ADN. Chez l’être humain, on compte 23 paires de chromosomes contenues dans le noyau de chaque cellule de notre corps. Ainsi, l’ensemble de nos cellules contient la même molécule d’ADN.

Et pourtant, pour faire un corps fonctionnel, il faut des types de cellules différents : des cellules de cœur, des cellules de peau, des neurones, etc. Et c’est là qu’intervient l’épigénétique. Si toutes les cellules contiennent le même génome, toutes n’expriment pas pour autant les mêmes gènes. Ce sont les marques épigénétiques qui permettent d’activer ou non la lecture de nos gènes.

3 questions pour approfondir le sujet

Comment les marques épigénétiques fonctionnent-elles ?

Pour qu’un gène soit activé, il doit pouvoir être lu. C’est comme un rouleau de parchemin. Si le parchemin est enroulé sur lui-même, on ne pourra pas le lire, et ce n’est qu’une fois déroulé que l’information qu’il contient sera accessible. Et le rôle des marques épigénétiques est justement de réguler l’accessibilité des gènes en jouant sur l’enroulement de l’ADN autour des histones. Ces marques épigénétiques sont des petites molécules qui peuvent se fixer soit sur les histones pour donner l’ordre d’enrouler ou de dérouler l’ADN, soit sur certaines bases de l’ADN en agissant comme un cadenas qui bloque la lecture du gène. C’est de cette façon que « la machinerie épigénétique », constituée d’un groupe d’enzymes, active ou inactive nos gènes selon les cellules et les besoins de notre corps. Mais attention, comme toute machinerie, elle peut parfois se dérégler… Et oui, notre environnement et notre hygiène de vie peuvent influencer le fonctionnement de nos marques épigénétiques. Et ce n’est pas négligeable car certaines de ces marques, qu’elles soient en bon ou en mauvais état de marche, peuvent être transmises à notre descendance.

Lecture de l'ADN

Est-ce totalement réversible ?

Et bien non, pas totalement… et heureusement ! Il est même essentiel que certaines modifications épigénétiques soient permanentes, par exemple dans le cas de la différenciation cellulaire. La différenciation cellulaire c’est quand une cellule se spécialise pour devenir une cellule de foie par exemple. Cette spécialisation se fait sous l’action des marques épigénétiques pour que les gènes caractéristiques de la cellule de foie s’expriment mais pas ceux d’un autre type de cellule. Il est donc important que ces modifications épigénétiques soient irréversibles pour qu’une cellule de foie reste une cellule de foie, ou qu’une cellule d’œil ne se transforme pas en une cellule osseuse… pas franchement pratique. Mais d’autres modifications épigénétiques peuvent, elles, être réversibles, se mettre ou s’enlever selon les besoins, les fonctions et la vie d’une cellule, notamment celles influencées par nos habitudes de vie. 

L'épigénétique, c'est que chez les êtres humains ?

Non ! Les mécanismes épigénétiques sont présents chez tous les organismes eucaryotes, c’est-à-dire les êtres vivants dont les cellules possèdent un noyau. Les animaux, les végétaux, les champignons, sont soumis à l’épigénétique. Logique quand on sait le rôle que l’épigénétique peut avoir dans l’évolution du vivant. Et oui ! En étant influencée par des facteurs extérieurs comme l’alimentation, le milieu, ou les conditions de vie en général, l‘épigénétique a son rôle à jouer dans l’adaptation et l’évolution des individus d’une espèce. Elle est d’ailleurs très présente et particulièrement étudiée chez les plantes qui, faute de pouvoir se déplacer pour fuir un environnement défavorable, ont développé d’extraordinaires stratégies d’adaptation extrêmement variées.

À vous de jouer !

Prenez soin de votre épigénétique !

Nos habitudes de vie peuvent influencer le fonctionnement de nos marques épigénétiques. Une mauvaise alimentation, un manque d’activité physique ou trop de stress par exemple peuvent dérégler la machinerie épigénétique. Comment ? Et bien on ne le sait pas encore vraiment, il reste de nombreux mystères à résoudre autour de l’épigénétique. Mais ce que l’on sait c’est que, comme tout dans notre corps, la machinerie épigénétique a besoin en permanence et en quantité suffisante d’éléments constitutifs pour fonctionner correctement. Et ces éléments sont notamment apportés par une alimentation équilibrée. Pour ce qui est du reste, une bonne hygiène de vie générale contribue au bon fonctionnement de l’ensemble de notre métabolisme, dont les marques épigénétiques. Alors prenez soin de vous.

La notion en plus

C'est quoi les épi-médicaments ?

Certaines maladies sont d’origine épigénétique. C’est notamment le cas de nombreux cancers. Le cancer apparaît lorsque des cellules développent la capacité de se multiplier très rapidement et indéfiniment. C’est la conséquence d’une anomalie de l’expression des gènes, donc potentiellement des mécanismes épigénétiques. Mais malheureusement, ça ne s’arrête pas là. L’épigénétique peut aussi permettre aux cellules cancéreuses de s’adapter aux chimiothérapies utilisées pour lutter contre la maladie et ainsi les rendre résistantes au traitement.

Mais les scientifiques ont réussi à développer des médicaments ciblant précisément les marques épigénétiques. On les appelle les epi-drugs, ou épi-médicaments en français. En jouant sur ces marques épigénétiques, certains épi-médicaments permettent de bloquer les gènes responsables de la prolifération des cellules ou d’activer des gènes suppresseurs de tumeur. D’autres épi-médicaments encore en phase de test tentent de réprimer les marques épigénétiques qui rendent les cellules cancéreuses résistantes à la chimiothérapie.

Des thérapies ciblant les marques épigénétiques sont également à l’étude dans le cas de certaines maladies métaboliques ou neurodégénératives, potentiellement causées par des erreurs épigénétiques survenues au cours du développement de l’embryon.

L'info surprenante

L'alimentation des futurs papas a un impact sur la santé de leur futur bébé 

C’est assez surprenant, mais figurez-vous que l’alimentation des pères avant de concevoir un enfant a aussi une influence sur la santé du futur bébé ! C’est d’ailleurs l’un des sujets d’étude de l’Unité Mixte de Recherche Physiopathologie des Adaptations Nutritionnelles (PhAN) d’INRAE.

Par exemple, un enfant d’un père ou d’une mère obèse a plus de risques de devenir obèse et de développer des maladies liées à l’obésité. Outre l’implication possible de la génétique et de l’environnement, cela peut aussi être lié aux marques épigénétiques. Car lorsque l’on fait un enfant, on ne lui transmet pas seulement ses gènes mais aussi certaines de ses marques épigénétiques, les « bonnes » comme les « mauvaises ».

Il est donc important pour les futurs papas, comme pour les futures mamans, d’avoir une bonne alimentation, d’abord pour leur propre santé, mais aussi pour celle de leurs enfants à venir !

Rédaction : Déborah Bourgeau
Pilote scientifique : Valérie Amarger et Patricia Parnet
Avril 2025