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Des sols équestres plus durables et respectueux du cheval
Et si on remplaçait le sable des carrières équestres par des matériaux plus durables tels que le bois ? C’est l’innovation développée dans le cadre du projet SOLORGA, porté par l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) en partenariat avec INRAE.
Publié le 25 septembre 2025

Des sols qui posent question
En France, il existe plus de 15 000 carrières équestres
En France, selon une estimation, 70 % des carrières utilisées pour l’entraînement, le loisir et la compétition dans les sports équestres sont composées de sable. Le problème ? Pour limiter la poussière et pour assurer une bonne cohésion du terrain, les sols en sable nécessitent un arrosage très fréquent et impliquent une consommation d’eau importante difficile à justifier dans un contexte de sécheresses récurrentes. Au-delà de l’arrosage, le ramassage des crottins et des feuilles ainsi que le hersage et le roulage doivent être régulièrement effectués. Cela entraine des charges de main d'œuvre et de matériel non négligeables dans l'économie des entreprises de la filière, en plus des impacts environnementaux.
Pour s’affranchir des problèmes liés à l’arrosage, certains centres équestres utilisent des sols qui intègrent des matériaux synthétiques contenant du plastique susceptible de libérer des microplastiques dans l’environnement. Une pratique vouée à disparaitre, conformément aux évolutions réglementaires européennes de 2023 qui contraignent l'usage de ce type de matériaux.
Les alternatives existantes – sols en copeaux de bois, plaquettes ou enherbés – restent marginales. Elles sont souvent coûteuses, exigeantes en entretien, ou présentent des défauts techniques (glissance, durabilité limitée). Quant aux carrières sub-irriguées (irriguées par le sous-sol), elles nécessitent moins d’eau qu’un arrosage classique mais elles sont coûteuses et utilisent tout de même des quantités d’eau non négligeables. Elles participent par ailleurs à l’artificialisation des sols.
La filière équestre se retrouve alors face à un double défi : réduire son empreinte environnementale tout en maintenant des surfaces de travail sûres et confortables pour les chevaux.
Un nouveau sol inspiré de la forêt
Le projet SOLORGA, porté par l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) en partenariat avec INRAE et de nombreux partenaires propose une innovation radicale : remplacer les sols de sable par des sols totalement organiques. Après avoir fait un inventaire de toutes les possibilités de sols biosourçés, le projet a identifié un bon candidat, le buis, et développe cette innovation en lien avec l’entreprise Buxor SAS. Le principe de ce nouveau sol est d’avoir une fondation de la carrière constituée d’un plancher de bois avec au-dessus une couche de travail faite de broussailles de buis préparé. L’objectif : recréer un sol proche de l’humus forestier, naturellement souple, absorbant, évolutif et qui dure. Autre avantage, plus besoin de ramasser les crottins et les feuilles !
Ce choix permet de s’affranchir des ressources non renouvelables et d’éviter tout apport d’eau. La recherche de ressources locales limite aussi l’impact du transport. Ce nouveau type de sol a aussi l’avantage de participer au stockage du carbone et de ne générer aucun déchet (sables et fibres usagés, bâches plastiques, drains des sols sub-irrigués, etc.). Enfin, ce sol 100 % bois peut être facilement valorisé en fin de vie.
L’enjeu est de diversifier les essences utilisées pour ne pas dépendre d’une seule ressource et garantir un sol résistant, non glissant et durable. Le soin apporté au broyage du bois est déterminant pour obtenir une texture régulière, dans le sens des fibres du bois à l’inverse des « plaquettes forestières classiques », sans morceaux grossiers qui pourraient gêner le travail des chevaux.
Expérimentation en condition réelle

En 2025, une carrière de démonstration a été réalisée au Pôle international du cheval de Deauville afin de tester grandeur nature ces nouveaux sols à base de buis sur plancher bois. Ont été mis en place des protocoles de mesures scientifiques pour identifier les atouts et limites de ces sols alternatifs : comment évolue le matériau ? Quels sont ses impacts sur l’environnement ? Est-ce qu’il émet des aérosols ? Des prélèvements réalisés par l’unité INRAE Biogéochimie des écosystèmes forestiers de Nancy ainsi que des tests menés par l’université de Caen vont permettre de répondre à ces questions.

Et le bien-être du cheval ? L’innovation technique ne suffit pas, encore faut-il s’assurer que ces sols respectent la santé et la locomotion des chevaux. C’est la mission de l’unité INRAE Bien-être et locomotion (BEL, ex. BPLC), partenaire du projet SOLORGA. Les chercheurs ont mis au point un appareil unique, l’Equine Track Tester (ET2), capable de simuler l’appui du pied d’un cheval en mouvement. Cet outil permet de mesurer objectivement l’élasticité, la dureté et la stabilité du sol. Des capteurs embarqués sur les chevaux complètent ces mesures en conditions réelles, en enregistrant leurs mouvements et leurs efforts lors de séances de travail. Une nouvelle carrière, de plus grandes dimensions, devrait voir le jour en 2026 dans le parc de L’Isle Briand au Lion d’Angers pour permettre des mesures sur les chevaux à l’exercice (galop, sauts, etc.).
Les premiers résultats sont prometteurs, et confirment que ce sol présente bien les caractéristiques d’un bon sol équestre. Quant au confort pour les chevaux, les premiers tests avec l’Equine Track Tester montrent que l’absorption des chocs est supérieure à ce qui est observé avec les sables traditionnels. Aussi, ce nouveau sol est plus souple, mais cette propriété doit encore être étudiée en conditions réelles.
À terme, ces recherches pourraient ouvrir la voie à une nouvelle génération de carrières équestres, plus sobres en ressources, alignées avec les réglementations, et surtout conçues pour le bien-être des chevaux.

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Le projet SOLORGA, « Étude des performances sportives et environnementales des sols organiques à base de bois ou de broussailles ligneuses, maturées ou non », est porté par l’IFCE (Institut français du cheval et de l’équitation), financé par le conseil scientifique de la filière équine, labellisé par 2 pôles de compétitivité : Hippolia (filière équine) et Xylofutur (filière bois). La construction de la carrière de démonstration du Pôle international du cheval de Deauville a été soutenue par la Région Normandie et le Fonds Éperon. INRAE est partenaire du projet SOLORGA.