Agroécologie Temps de lecture 2 min
Et si l’assurance verte pouvait aider à réduire les produits phytosanitaires dans les vignobles…
ARTICLE REDIGÉ AVEC THE CONVERSATION – Dans le cadre d’un living lab viticole aquitain, des producteurs, une compagnie d’assurance et un acteur public ont conçu une nouvelle forme d’« assurance verte ». L’objectif : permettre l’expérimentation d’un nouvel outil d’optimisation de la protection phytosanitaire des vignes, par la couverture des pertes potentielles. Aux côtés de professeurs et chercheurs issus des universités de Bordeaux et d’Angers, Yann Raineau, chercheur en économie au sein de l'unité de recherche Environnement, territoires en transition, infrastructures, sociétés (ETTIS) du centre INRAE Nouvelle-Aquitaine Bordeaux, propose quelques explications.
Publié le 06 mars 2025

De nouvelles technologies sont régulièrement mises au point pour optimiser la performance de l’agriculture, tout en réduisant son impact sur l’environnement. Mais les agriculteurs ne sont pas toujours prêts à prendre le risque de les tester ou de les mettre en œuvre à grande échelle.
Avec le soutien d’une « assurance verte » intervenant en cas de pertes, deux caves coopératives viticoles se sont portées volontaires pour participer à une expérimentation. L’idée ? Tester et améliorer un outil d’optimisation de la protection phytosanitaire proposé par l’Institut technique de la filière (IFV). Résultat : sur quatre années, les fongicides ont été réduits de 30 à 55 %. Cette approche a été permise par une approche living lab adoptée au sein du territoire d’innovation VitiREV.
Des travaux complémentaires, menés cette fois auprès de 412 viticulteurs français, montrent que ce dispositif pourrait en fait intéresser un grand nombre de viticulteurs. À l’heure d’imaginer nos futurs systèmes agricoles et alimentaires, cette initiative allie deux leviers plus que jamais d’actualité : les dispositifs living lab pour faire émerger des solutions nouvelles, et la nécessaire prise en compte du risque vécu par les producteurs au moment de les expérimenter.
Risque d’expérimenter
Dans la réalisation des transitions attendues par la société, un sujet trop peu évoqué est celui du risque encouru par les agriculteurs au moment d’expérimenter de nouvelles pratiques. En l’absence d’informations fiables, de mauvaises anticipations peuvent freiner la phase d’expérimentation nécessaire avant toute tentative de déploiement. L’utilisation d’un outil d’aide à la décision visant à limiter les produits phytosanitaires en est l’illustration. Supprimer un traitement ou réduire une dose comporte toujours une grande part d’incertitude, avec des conséquences parfois dramatiques sur les récoltes. Une approche globale couplant problématiques agronomiques et financières est nécessaire.
L’ambition de l’initiative aquitaine tient justement à cette approche living lag choisie pour traiter l’enjeu de la réduction des pesticides. Celle-ci consiste à associer une diversité d’acteurs concernés – agriculteurs, chercheurs, mais aussi administrations, associations, entreprises, consommateurs, etc. Ensemble, ils conçoivent et expérimentent des solutions dans les conditions réelles des fermes et de leur territoire. Cette approche a été déterminante pour impliquer d’autres acteurs clés de l’équation : une collectivité (la Région Nouvelle-Aquitaine) et une compagnie d’assurance (Groupama). Car ceux-ci pouvaient soutenir, au moins temporairement, la prise de risque associée à l’adoption d’un outil de réduction des traitements phytosanitaires.
Si les risques climatiques font actuellement l’objet de contrats d’assurance subventionnés dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) – l’assurance multirisque climatique –, les pertes de récolte dues aux maladies et nuisibles ne sont, elles, pas assurées. L’utilisation de produits phytosanitaires reste un outil majeur pour se prémunir des risques de maladies et de nuisibles avec des effets secondaires conséquents sur la santé et les écosystèmes.
L’assurance maladie de la vigne
Au cours des quatre années d’expérimentation, les partenaires ont affiné le « protocole de traitement assurable » à suivre en fonction des prescriptions de l’outil d’aide à la décision testé. Ils ont également affiné les conditions de l’assurance. Avec quels résultats ? Une baisse de 30 à 55 % de fongicides sur les parcelles en expérimentation – 75 hectares en moyenne par an –, par rapport aux autres parcelles suivies en parallèle. Et ce, sur des parcelles conduites en agriculture biologique comme en agriculture conventionnelle.
Les pertes de production attribuables aux maladies ont été limitées à moins de 5 % les trois premières années. Ces bons résultats ont incité les coopératives à mettre progressivement davantage d’hectares en jeu, et l’assureur à réduire les cotisations d’assurance. Néanmoins, une des parcelles a connu des pertes importantes au cours de la dernière année ; ce qui a donné lieu à des versements d’indemnités par l’assureur. Cet épisode a rappelé que les recommandations de l’outil étaient très dépendantes de la qualité des données fournies en amont des préconisations : observations des agriculteurs, prédictions météorologiques, etc.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original publié le 27 février 2025.