Alimentation, santé globale 3 min
La sarcopénie : l’ennemie de la mobilité et de l’indépendance chez la personne âgée
Le Centre INRAE Auvergne-Rhône-Alpes est un acteur majeur de la prévention des maladies liées à l’âge. Il bénéficie en région d’un environnement en pointe sur cette thématique, avec la présence de l’Unité de Nutrition Humaine (UNH), du CRNH Auvergne, d’une industrie développée, du projet d’avenir Cap 20-25 clermontois soutenu par l’Etat, et du soutien dynamique de la Région Auvergne-Rhône-Alpes.
Publié le 28 septembre 2017 (mis à jour : 04 décembre 2017)
La sarcopénie résulte de la perte progressive et involontaire de la masse et de la fonctionnalité musculaire au cours du vieillissement. Ce phénomène qui touche toutes les personnes âgées, même si elles sont considérées en bonne santé, n’est pas répertorié comme « maladie » et n’est pas diagnostiquée systématiquement. Pourtant il y a danger ! Un tiers des personnes âgées semble concerné.
Quelle est l’origine de la perte de protéines musculaires ? Il ne faut pas oublier que nos protéines corporelles sont en perpétuel renouvellement, et bien que les mécanismes impliqués dans le développement de la sarcopénie soient multiples, ils ont tous pour conséquence un déséquilibre entre la synthèse et la dégradation des protéines musculaires. Après la prise alimentaire, on a normalement une période de stimulation de la synthèse protéique musculaire. A consommation alimentaire équivalente ce phénomène devient moins efficace en vieillissant. La personne âgée finit donc par perdre progressivement de la masse musculaire. C’est pour cela que les recommandations d’apport protéique des personnes âgées ont été réévaluées maintenant en France par rapport à celles d’un adulte actif, de manière à compenser cette inefficacité alimentaire (1 à 1,2g /kg /jour contre 0,8g/ kg / jour).
En France on considère que la sarcopénie touche 15% des personnes de plus de 45 ans et entre 20 et 35% pour les plus de 75 ans. Le pourcentage peut augmenter encore chez toutes les personnes âgées en situation de fragilité (institutions, hospitalisations).
Il existe des variations entre les individus : notamment, plus le capital musculaire de départ est important, plus le temps à atteindre le seuil minimum est grand (comme pour l’ostéoporose : voir le lien proposé dans l'encadré). Mais cela dépend aussi de l’activité physique, des maladies survenues pendant la vie, des habitudes alimentaires… Bref de différents facteurs environnementaux, qui font qu’à âge équivalent les personnes se retrouvent sarcopéniques ou non, à des degrés divers.
Que peut-on faire ?
Une des stratégies préconisées est d’augmenter la quantité de protéines ingérées, ce qui n’est pas forcément facile pour les personnes âgées (problème d’appétence, matrices dures…), en essayant de maintenir un apport de l’ordre de 1g/kg/jour de protéines (voir définition d'une protéine dans l'encadré). C’est un objectif raisonnable et réalisable en maintenant dans son alimentation quotidienne une portion de viande ou de poisson, qui apporte de 20 à 25 g de protéines et qui sera complété par les protéines des végétaux et des produits laitiers.
Des travaux menés à l’UNH ont également montré qu’un apport de protéines augmenté sur le repas de midi (repas de « charge ») optimise l’efficacité alimentaire sur la reconstruction du muscle. Si l’apport protéique du soir reste modeste, l’organisme évitera ensuite de dégrader les protéines du muscle pendant la nuit. Mais cela ne veut pas dire non plus qu’il ne faut pas consommer de protéines le soir : là encore,variété, bon sens et bonne cuisine sont de mise !
On peut également favoriser certains aliments contenant des protéines rapidement digérées, ce qui concentre la quantité d’acides aminés présents dans le sang après le repas et favorise la synthèse protéique musculaire. Dans la vie de tous les jours, on doit éviter les apports mono-produits et varier les sources même si la composition des protéines en acides aminés n’est pas anodine puisque chez la personne âgée, un optimum d’effet semble exister pour celles riches en leucine (un des 20 acides aminés constitutifs des protéines).
La vitesse de digestion des protéines alimentaires est cependant un critère difficile à utiliser dans la pratique, d’une part parce qu’elle va être influencée par le mode de préparation des aliments, d’autre part en raison de possibles interactions avec les autres aliments du repas. Par exemple pour les protéines de lait, la gélification (acidification ou présure) induit une diminution de la vitesse de digestion. On pourrait donc faire le classement suivant : Lait > yaourt > fromage blanc. De même pour les protéines de viande, il existe un optimum pour la cuisson car elle agit sur la conformation des protéines et leurs degrés d’oxydation. Le classement est alors le suivant : Cru < cuisson modérée (75°C) > cuisson importante (95°C) type pot au feu.
Les variations d’efficacité d’assimilation des protéines alimentaires s’expliquent également par la physiopathologie du consommateur : âge, maladies… Le vieillissement s’accompagne souvent d’une altération de la santé bucco-dentaire et de la perte de dents, ce qui va conduire à la déglutition de bols alimentaires moins bien déstructuré. Les travaux de l’UNH ont montré que ceci impacte directement la vitesse de digestion des aliments solides. Ainsi, chez des personnes porteuses d’une prothèse dentaire complète, le ralentissement de la vitesse de digestion des protéines de la viande se traduit par une moins bonne utilisation des acides aminés pour la synthèse protéique corporelle.
Enfin, maintenir un niveau d’activité correct est un facteur important pour éviter la fonte musculaire. L’exercice permet non seulement de stimuler de la fabrication et le renouvellement des fibres musculaires, mais aussi de maintenir la sensibilité de la synthèse protéique musculaire à l’effet du repas.
Les pistes de recherches actuelles
Une des principales pistes explorées actuellement est d’essayer de jouer sur les mélanges pour arriver à un optimum en tirant avantage de plusieurs types de protéines (rapide-lent-végétal-animal). De même, on cherche à optimiser les procédés technologiques appliqués aux aliments dans le but de maitriser la vitesse de digestion des protéines.
Pour des populations ciblées, par exemple les personnes âgées, la fabrication d’aliments spécifiques apporte un plus indéniable. Plusieurs projets vont dans ce sens, comme le projet AlimaSens, dans lequel on essaie d’augmenter l’appétence du repas de différentes manières : environnement du repas, nombre de plats proposés, couleurs, olfaction/gustation. En jouant aussi sur les textures des aliments optimisés (par exemples des structures « feuilletées » légèrement croustillantes, ou des structures « filetées » tendres) et en mettant au point des matrices mieux acceptées par les personnes âgées. Des équipes de recherches du Centre ARA sont impliquées dans ce projet.
On s’intéresse également à la période de nuit en termes d’alimentation: en effet, chez les personnes âgées en institution le repas du soir est vers 18h15, alors que le petit déjeuner est vers 7h30. La grande période de jeûne nocturne est physiologiquement délétère pour la personne âgée. Pour contourner le problème d’une prise alimentaire nocturne, une collation énergétique avant de se coucher pourrait permettre d’épargner les protéines corporelles. Des projets de recherche démarrent pour explorer cette piste.