Alimentation, santé globale Temps de lecture 2 min
Résistance aux antimicrobiens : et si l’animal n’était pas le principal responsable ?
On considère souvent que l’utilisation d’antibiotiques chez les animaux contribue fortement à la résistance observée chez l’humain. Mais un commentaire publié dans The Lancet Microbe par un groupe de travail de l’ANSES, associant des scientifiques du centre INRAE Occitanie-Toulouse, appelle à reconsidérer cette idée en France.
Publié le 06 novembre 2025
En France, les plans ÉcoAntibio menés depuis 2011 ont permis de réduire de 47 % l’exposition globale des animaux d’élevage aux antibiotiques, avec des baisses spectaculaires pour certains médicaments clés (jusqu’à 90 % pour les fluoroquinolones et la colistine). Cette politique a entraîné une diminution mesurable des résistances bactériennes dans le cheptel français.
Cependant, les études réalisées chez l’animal montrent que les souches résistantes d’origine animale contribuent peu aux infections multirésistantes humaines en France : les bactéries prioritaires, comme résistants aux fluoroquinolones ou Staphylococcus aureus résistants à la méticilline, ne présentent pas de lien épidémiologique fort entre animaux et humains. Certaines résistances majeures, notamment celles des entérobactéries aux carbapénèmes (une classe d’antibiotique), restent absentes du cheptel français et n’ont été détectées que sporadiquement chez des animaux de compagnie.
Présidé par Éric Oswald, professeur à l’Institut de recherche en santé digestive (IRSD – Inserm/INRAE/Université de Toulouse/ENVT) et co-présidé par Etienne Giraud, chercheur INRAE au laboratoire Innovations Thérapeutiques et Résistances (INTHERES – ENVT/INRAE), le groupe de travail souligne que les principaux moteurs de la résistance aux antibiotiques en santé humaine se trouvent dans le secteur médical : prescriptions inappropriées, manque de prévention des infections et transmission interhumaine. Les voyages, échanges commerciaux et hospitalisations à l’étranger favorisent également la diffusion de bactéries multirésistantes.
Le rôle des animaux et des pratiques d’élevage dans l’apparition de souches multirésistantes reste néanmoins d’actualité dans les pays n’ayant pas mis en place les mêmes mesures qu’en France. Cela concerne aussi les pays à revenu bas ou intermédiaire, où la situation est aggravée par la faiblesse des systèmes de santé, la mauvaise qualité des médicaments et la contamination environnementale (eaux usées, effluents industriels, lisiers).
Enseignements et recommandations
Le cadre « Une seule santé » (One Health) reste essentiel, mais il doit être adapté au contexte local : le risque n’est pas symétrique entre humains, animaux et environnement. Les succès du secteur vétérinaire montrent l’efficacité de politiques coordonnées, mais ne suffit pas à modifier les tendances globales de la RAM humaine. Il est nécessaire d’investir davantage dans la santé humaine et environnementale, renforcer la surveillance génomique intégrée, et favoriser la transparence et la coopération internationale. Enfin, les auteurs appellent à abandonner les discours accusatoires envers le secteur animal pour adopter une approche équilibrée, fondée sur les preuves et adaptée à chaque pays.
Référence :
Khamisse E., Bertrand X., Bouchard D., Collineau L., Fortineau O., Haenni M., Madec J.-Y., Saegerman C., Giraud E., Oswald E. “Rethinking the role of animals in antimicrobial resistance.” The Lancet Microbe, octobre 2025.
Voir l’article sur le site de l’École nationale vétérinaire de Toulouse