Agroécologie Temps de lecture 2 min
Des recherches sur chaque composante de l’agriculture de conservation
Plusieurs études et expertises collectives d'INRAE donnent un éclairage sur trois problématiques très différentes, mais toutes en lien avec l’agriculture de conservation : les cultures intermédiaires, qui permettent une couverture du sol entre deux cultures principales, les variétés tolérantes aux herbicides (VTH), couplées à certains systèmes sans labour largement développés dans le monde, et la diversification des cultures.
Publié le 13 novembre 2013

Les cultures intermédiaires, un atout à optimiser
Dans l’agriculture de conservation, dont l’un des grands principes est la couverture des sols, les cultures intermédiaires revêtent un rôle clé. Ces cultures, qui n’ont pas vocation à être exploitées commercialement (au contraire des cultures dites « dérobées »), rendent des services écosystémiques, qui ont été analysés par une étude rendue en 20121. Le principal service étudié dans cette expertise est l’effet piège à nitrates2. Mais d’autres services sont particulièrement importants dans les systèmes sans labour : un enrichissement du sol en matière organique, qui participe à son amélioration structurale, et un contrôle partiel des adventices. L’expertise montre qu’il faut parfois arbitrer entre ces différents avantages et adapter la conduite des cultures intermédiaires aux systèmes sans labour, entre autres si l’on veut pratiquer le faux-semis.

Les VTH, à utiliser avec modération
Une expertise collective conduite en 2011 par INRAE et le CNRS 3 a fait le point des connaissances acquises sur les variétés tolérantes aux herbicides (VTH). En Amérique du nord et du sud, il s’agit de variétés de coton, soja, maïs, colza ou betterave transgéniques tolérantes au glyphosate, un herbicide total de classe G. Ces variétés permettent un désherbage efficace qui peut être couplé avec la pratique du non-labour, et notamment du semis direct. En France, ce sont des variétés obtenues par mutation - spontanée ou provoquée -, tournesol et colza essentiellement, qui présentent des tolérances à des herbicides sélectifs de classe B (imidazolinones et sulfonylurées).
Seule une utilisation limitée dans le temps et l’espace permettra d’en préserver l’efficacité.
Dans tous les cas, l’expertise souligne qu’un développement massif de ces VTH présente des risques si cet outil est utilisé de manière exclusive à l’échelle de la rotation. Seule une utilisation limitée dans le temps et l’espace permettra d’en préserver l’efficacité, grâce à la mise en place de rotations diversifiées et l’emploi concomitant d’autres stratégies de désherbage. En effet, après dix ans d’utilisation intensive aux Etats-Unis, où le coton et le soja TH ont conquis 80% des surfaces, les enquêtes récentes ont montré qu’il y avait une augmentation des quantités d’herbicides utilisées, pour endiguer les espèces devenues moins sensibles, voire résistantes au glyphosate.
En France, les surfaces cultivées avec des VTH sont moindres (environ 13% des surfaces en 2013 pour le tournesol), mais ces VTH sont tolérantes à des herbicides qui sont déjà très employés pour les céréales. Ce qui augmente les risques d’apparition de résistances chez les adventices dans les rotations céréales-oléagineux. Les conseils actuels préconisent l’emploi de plusieurs herbicides sur la culture TH, avec le risque de dépasser dans certains cas la consommation d’herbicides enregistrée dans les cultures non-TH. Il y a aussi des risques de transmission du gène de tolérance par croisement avec des espèces adventices apparentées, comme le tournesol « sauvage », caractérisé par un port ramifié et une forte dispersion des graines. Enfin, des plantes envahissantes comme l’ambroisie peuvent acquérir la résistance par mutation spontanée : des cas de résistance de l’ambroisie à des herbicides de classe B ont déjà été répertoriés dans d’autres pays.
La diversification des cultures
Une étude de 20134a permis d’identifier les principaux freins et leviers à la diversification des cultures, au niveau des acteurs des filières agro-industrielles et des exploitations agricoles, en considérant que son introduction peut venir bousculer les schémas productifs très spécialisés des filières agro-industrielles et en créer de nouveaux.
1 Etude conduite par INRAE à la demande des ministères chargés de l’Agriculture et de l’Ecologie, dans le cadre de la directive européenne « Nitrate ».
2 Cipan : cultures intermédiaires pièges à nitrates. L’étude a montré que les Cipan sont efficaces dans la plupart des situations expérimentées, pour réduire la lixiviation de nitrate et donc sa concentration dans l’eau de drainage. A partir de 2012, couvrir le sol avant une culture de printemps est devenu obligatoire dans les zones vulnérables répertoriées par la directive nitrates.
3 Expertise conduite par le CNRS et lNRAE à la demande des ministères chargés de l’Agriculture et de l’Ecologie.
4 Etude conduite par INRAE à la demande des ministères chargés de l’Agriculture et de l’Ecologie.
- Interculture : période, dans la rotation culturale, qui se situe entre la récolte d’une culture principale et le semis de la suivante. Une culture intermédiaire peut être implantée pendant cette période.
- Culture intermédiaire : culture implantée entre deux cultures principales de rente, de façon à rendre un certain nombre de services agronomiques et écologiques, sans exportation de la biomasse produite.
- Culture dérobée : culture intermédiaire dont la finalité est la production de graines ou de fourrages sur un temps réduit.
- Couverture permanente : pratique qui consiste à laisser le sol couvert toute l’année à l’aide de végétaux vivants (cultures principales ou intermédiaires) ou de leurs résidus (mulch).
- Couvert permanent : couvert obtenu avec une espèce pérenne, en général de la famille des graminées ou des légumineuses (luzerne, trèfle, fétuque …), maintenue vivante au moins deux campagnes grâce au semis direct qui permet de la maintenir en place.