Quelles recommandations pour le prochain programme national nutrition santé ?

Suite à la saisine de la Direction générale de la santé, le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) publie ses recommandations pour l’élaboration du 5ème programme national nutrition santé (PNNS). Intégration de la durabilité environnementale, importance de l’environnement alimentaire, rôle du sommeil et de l’activité physique et lutte contre la sédentarité sont les nouvelles ambitions du futur PNNS. Caroline Méjean, directrice de recherche au sein de l’unité MOISA à Montpellier, est co-pilote du travail d’expertise ayant conduit à l’élaboration de ces recommandations. Nous l’avons interrogé sur les enjeux et les messages clés de ces nouvelles recommandations.

Publié le 22 septembre 2025

© INRAE

Quels sont les enjeux de santé publique qui amènent à revoir le plan national nutrition santé ?

Le PNNS a joué un rôle important dans l’amélioration des habitudes alimentaires et de l’état de santé de la population française au cours des dernières décennies. Cette nouvelle version doit s’inscrire dans les orientations de la Stratégie Nationale Alimentation Nutrition Climat (SNANC), intégrant ainsi de nouveaux enjeux. En particulier, les enjeux environnementaux face au changement climatique nécessitent une approche plus holistique de notre alimentation basée sur une approche « système alimentaire ». Face à la dégradation du temps et de la qualité du sommeil, et de son impact sur la santé des populations, le PNNS se doit également d’intégrer une composante sommeil.

Comment ont travaillé les experts pour élaborer ces nouvelles recommandations ?

Nous avons tout d’abord organisé en octobre 2024 un séminaire réunissant 41 participants, académiques, de la société civile, et des institutions pour dégager des pistes de travail prioritaires. Puis, le HSCP a mis à contribution 18 experts qui se sont réunis à plusieurs reprises en sous-groupes thématiques et ont auditionné des experts extérieurs. Le rapport établi par les experts a été validé en juin 2025 par la commission spécialisée « Déterminants de santé et maladies non transmissibles » du Haut Conseil de la santé publique.

Pourquoi inclure le sommeil dans le PNNS ?

Le sommeil est un comportement de santé essentiel qui concerne un tiers de notre vie. Chez les enfants et les adolescents, le sommeil contribue à la croissance et au développement. Chez les adultes, les personnes qui ne dorment pas suffisamment ou qui se réveillent souvent la nuit présentent un risque accru d’hypertension artérielle, d’obésité, de maladie coronaire, d’arythmie cardiaque et d’accident vasculaire cérébral. Le sommeil affecte également le système immunitaire : les personnes qui ne dorment pas suffisamment sont plus susceptibles de contracter des infections. Il est aussi observé un risque accru de cancer chez les travailleurs de nuit. Les données du Baromètre de Santé publique France de 2017 montre une dégradation quantitative et qualitative du sommeil est observée depuis des décennies chez les adultes comme chez les enfants. Le temps de sommeil moyen est inférieur aux 7 h recommandées pour les plus de 18 ans et plus d’un tiers des Français dorment 6 h ou moins. Nous recommandons donc d’associer le mot DORMIR à ceux symboliques des PNNS précédents MANGER et BOUGER et d’élaborer des recommandations de comportements sur 24h combinant activité physique, sédentarité et sommeil.

Quelles mesures préconise le rapport pour une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux ?

Dans le PNNS4, outre la recommandation d’aller vers des régimes moins riches en viande rouge et charcuterie pour des raisons de santé et de limiter la consommation de produits laitiers à 2 par jour, les repères du PNNS intégraient quelques éléments relatifs à la durabilité environnementale ; il était préconisé d’aller vers plus de produits issus de l’agriculture biologique pour limiter l’exposition aux pesticides ou de privilégier des aliments de saison et locaux. Pour autant, si les derniers repères ont permis une meilleure prise en compte de ces enjeux, ils ne considéraient pas l’impact environnemental en tant que tel dans leur élaboration. De même, les spécificités liées aux populations d’Outre-mer n’étaient pas prises en compte.

En comparant les recommandations du PNNS aux 16 principes durables de la FAO, la France obtient une note faible, au contraire par exemple de la Belgique, du Danemark ou de l’Italie. Il existe donc une marge de progression pour aller vers des recommandations françaises adéquates nutritionnellement mais aussi plus durables en matière environnementale.

Ainsi, nous avons recommandé d’utiliser l’approche « combinaison de stratégies » (modélisation, avis experts, ajustement des apports modélisé aux données scientifiques sur la santé et l’environnement) des Pays-Bas et du Danemark pour la mise à jour des prochains repères alimentaires et d’inclure un grand nombre de critères de durabilité environnementale comme le climat, l’écotoxicité, l’usage des sols, l’utilisation d’eau, l’eutrophisation, ou la biodiversité. Il s’agit aussi de définir un seuil maximal de consommation pour l’ensemble des viandes.

Enfin, nous avons recommandé d’adopter une approche régime alimentaire dans le cadre de la promotion des recommandations en fournissant des informations claires sur la place de la viande et des produits animaux dans l’assiette.

Comment améliorer l’environnement alimentaire pour favoriser des comportements plus sains ?

Nous avons particulièrement insisté sur l’importance d’agir sur l’environnement d’activité physique et alimentaire, en complément des actions en matière d’information et d’éducation, pour faciliter les changements de comportements. Le rapport recommande de réglementer le marketing et d’interdire les communications commerciales, les ventes promotionnelles d’aliments de faible qualité. Il recommande également d’envisager une taxe d’accise dépendant de la qualité nutritionnelle des produits et d’affecter les recettes fiscales à des mesures de promotion de la santé nutritionnelle, en particulier les mesures bénéficiant aux populations les plus modestes et aux enfants (coupons fruits et légumes, chèque alimentaire, prévention en milieu scolaire). Il est également nécessaire de mettre en place des démarches plus volontaristes de reformulation des produits alimentaires transformés, pour permettre une réduction des apports en sel, en sucre et en acides gras saturés au sein de la population. Nous recommandons aussi d’impulser de façon plus volontariste des actions visant à favoriser des choix plus sains et durables dans les points de vente avec l'ensemble des acteurs du commerce et de la distribution (distribution, restauration commerciale, plateformes de commande en ligne et livraison,..), y compris en recourant à la réglementation en cas d'échec, via le placement des produits alimentaires  et l'encadrement des offres promotionnelles sur l’ensemble des supports promotionnels des distributeurs et des restaurateurs. Nous avons également fait de nombreuses recommandations concernant la restauration collective.

Quelles solutions proposez-vous pour lutter contre la précarité alimentaire ?

La précarité alimentaire a des impacts significatifs tant sur la santé physique que psychique des personnes concernées, entraînant des problèmes de malnutrition et un sentiment de stigmatisation. Les chiffres disponibles montrent que la précarité alimentaire toucherait une part croissante de la population française : on estime que 16 % des Français sont en situation de précarité alimentaire en 2022 contre 9 % en 2016. Le modèle français de lutte contre la précarité a besoin d’évoluer. Les produits distribués ne peuvent plus seulement être ceux délaissés par les consommateurs les plus favorisés. Il faut passer d’un système de don à un système d’achat avec un refléchage des moyens publics déjà engagés vers le tiers-financement[1] et le groupement d’achats, voire la sécurité sociale de l’alimentation si les expérimentations s’avèrent concluantes. Il s’agit aussi de mettre en place un guichet budgétaire unique mais avec une organisation, une gestion et une gouvernance territoriale locale afin d’ajuster aux besoins et ressources des territoires.

Pour réussir, le PNNS 5 devra articuler objectifs de santé publique, équité sociale et durabilité environnementale.


 


[1] Mécanisme dans lequel un acteur tiers (ni le bénéficiaire final, ni le fournisseur direct) prend en charge une partie ou la totalité du coût.

Pour en savoir plus

Recommandations pour l'élaboration du 5e programme national nutrition santé (PNNS) - Haut conseil de la santé publique : https://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=1445 

Contacts

Julia baudry

CRESS EREN

Le département

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