Alimentation, santé globale Temps de lecture 6 min
Quand les cellules souches transforment le lapin en animal modèle performant
Des chercheurs INRAE ont réussi à implanter chez le lapin des cellules souches reprogrammées qui ont été transmises à leur descendance. Ce résultat constitue une avancée majeure dans la perspective du traitement de certaines maladies humaines. Ces chimères germinales posent ainsi les bases du développement de modèles animaux adaptés à l’étude des pathologies génétiques complexes.
Publié le 02 septembre 2025

L’obtention de chimères germinales nécessite des cellules souches pluripotentes (iPSC), c’est à dire capables de donner tous les types de cellules du corps, y compris les cellules reproductrices (ovules et spermatozoïdes). L’intérêt de ces cellules souches est qu’elles peuvent transmettre leur ADN à la descendance. Le modèle est bien maîtrisé chez la souris ou le rat, mais il n’est pas adapté à l’étude de toutes les maladies humaines. Les équipes de l’USC SBRI et de l’UMR BREED viennent de franchir une étape décisive en obtenant pour la première fois ce résultat chez un animal non-rongeur, en l’occurrence le lapin, ouvrant de nouvelles perspectives notamment pour l’étude de maladies humaines complexes.
Pour y parvenir, les chercheurs ont utilisé 3 gènes (KLF2, ERAS et PRMT6), qu’ils ont identifiés comme des facteurs clés de la pluripotence. Ces 3 gènes ont été utilisés pour reprogrammer des cellules iPSC de lapin vers l’état dit « naïf » (stade très précoce du développement), plus propice que l’état « amorcé » (stade plus tardif) pour l’intégration embryonnaire et pour la colonisation des tissus au cours du développement.
Injectées dans des embryons à un stade précoce du développement, les iPSC reprogrammées (et marquées par le gène de la GFP, une protéine fluorescente verte) ont progressivement colonisé tous les tissus, y compris les organes reproducteurs. Elles ont contribué jusqu’à 100 % à la formation de certains organes, notamment le cœur, le pancréas, la peau ou encore les ovaires. Les lapereaux issus de ces embryons se sont développés normalement et une fois à l’âge adulte, deux lapines en bonne santé ont pu transmettre l’ADN modifié des cellules iPSC à leur descendance, montrant un chimérisme germinal fonctionnel.
Les chercheurs attribuent ce succès au choix des 3 gènes clés, qui jouent un rôle déterminant dans le maintien de l’état “naïf” des cellules souches : KLF2 contrôle l’expression de gènes impliqués dans le cycle cellulaire, ERAS renforce la signalisation favorisant le caractère naïf des cellules et PRMT6 module l’épigénome pour stabiliser cet état. Ensemble, ils ont ainsi permis de lever le verrou qui empêchait jusque-là la contribution germinale des iPSC chez le lapin.
Ce travail a permis de franchir une étape majeure consistant à créer des chimères germinales chez le lapin en utilisant un trio de gènes efficace (KLF2, ERAS, PRMT6). Cela élargit considérablement les perspectives de création de modèles animaux mieux adaptés que les rongeurs à l’étude des maladies humaines complexes.
Références : Pham, H.T.; Perold, F.; Pijoff, Y.; Doerflinger, N.; Rival-Gervier, S.; Givelet, M.; Moulin, A.; Ressaire, M.; Fernandes, E.D.; Bidault, V.; Jouneau, L.; Duranthon, V.; Wianny, F.; Pain, B.; Plotton, I.; Joly, T.; Afanassieff, M.; Savatier, P.; Beaujean, N., 2025. Efficient generation of germline chimeras in a non-rodent species using rabbit induced pluripotent stem cells. Nature Communications, 16 (1): 21. https://doi.org/10.1038/s41467-025-60314-2