Agroécologie 3 min

Lapins au pâturage : à la recherche d'un compromis entre performances

Donner aux lapins un accès à l’extérieur leur permet d’exprimer une plus grande diversité de comportements naturels, mais cela peut réduire légèrement leur croissance et leur survie, et ce quelle que soit la densité des animaux.

Publié le 15 février 2022

illustration Lapins au pâturage : à la recherche d'un compromis entre performances
© Manon Fétiveau

Les conditions de vie des animaux d’élevage interpellent de plus en plus les citoyens européens. Ils dénoncent notamment l’utilisation des cages, l’absence d’accès à l’extérieur ainsi que les fortes densités animales utilisées dans les systèmes d’élevage intensifs. Les lapins sont particulièrement concernés car, en France, plus de 95 % d’entre eux sont élevés dans des cages grillagées, sans accès à l’extérieur et sans enrichissement du milieu de vie.

Les chercheurs de l’UMR GenPhySE travaillent à la conception de systèmes d’élevage plus agroécologiques. Dans ce cadre, ils ont conçu un système d’élevage cunicole, qui permet l’accès des animaux à un parcours herbagé. Pour évaluer son intérêt, ils ont étudié le comportement, la santé et la croissance des lapins après le sevrage, ainsi que l’utilisation du parcours selon le niveau de densité des lapins.

Un abri mobile de 30 m2 a été placé dans un pâturage et contenait 8 parcs intérieurs. Les parois longitudinales de l'abri mobile ont été percées de trappes permettant l'accès à 8 parcours herbagés. Aucun éclairage artificiel n'était appliqué dans le bâtiment. Au sevrage (31 jours d’âge), 299 lapins ont été répartis en 4 groupes (schéma factoriel 2 × 2) différant sur l’accès ou non à un parcours de 23 m² et sur la densité animale (H, Haute : 17 lapins/m² intérieur ou B : Basse : 9 lapins/m² intérieur). Les lapins qui avaient accès au parcours en ont bénéficié de façon continue à partir du jour 6 de l’expérience (37 jours d'âge). L'aire extérieure était protégée des prédateurs par un grillage métallique, une clôture électrique à 3 fils et un filet de volière. La prairie était composée d’un mélange d’espèces fourragères. Tout au long de l'essai, les lapins ont eu accès à un aliment d’origine commerciale, formulé pour des lapins en croissance.
Les chercheurs ont étudié la croissance et l'état de santé de chaque animal chaque semaine pendant 42 jours (de 31 à 73 jours d'âge) et effectué des tests de réactivité à un nouvel environnement (accès à l’extérieur pour la première fois), à l’homme et à un objet nouveau (approche et contact). Ils ont également étudié le comportement des lapins aux jours 26 et 40 par observation directe à intervalles réguliers.

La mortalité des lapins a été supérieure quand ils ont eu accès à l'extérieur : 7,0 %, contre 3 % sans accès : leur vitesse de croissance a été légèrement plus faible (- 3,6 g/j), sans effet de la densité sur ces deux paramètres. Le délai le plus court avant la sortie des lapins dans les parcours a été observée le premier jour de l'essai : 50 sec, contre 10 min au 3e et au 31e jour de l’essai. La proportion d’animaux à l'extérieur, après 20 min de réactivité à l’environnement nouveau, était plus élevée pour les lapins B (basse densité) que pour les lapins H (haute densité) : +24 % au 3e jour et +11  % au 20e jour de l’essai.

Les lapins sans accès extérieur ont davantage touché la main de l'expérimentateur que les autres (27 % contre 16 %) et un objet nouveau (34 % contre 20 %). La fréquence d’inactivité était plus forte dans les bâtiments que sur les parcours (en moyenne, 70,0 % vs 34,2 %), tandis que la fréquence des déplacements était supérieure sur les parcours (en moyenne, 20,0 % versus 7,2 % dans les bâtiments). La densité n’a pas eu d’effet sur l’expression des comportements. La biomasse présente sur les parcours a été entièrement consommée, de façon logique, plus rapidement lorsque la densité était élevée (17 jours pour les lots H contre 27 jours pour les lots B).

L’accès à un parcours extérieur permet aux animaux d’exprimer des comportements spécifiques qui ne sont pas exprimés à l’intérieur (sautiller, se lever, brouter, interactions positives entre eux, etc.) ; les animaux sont plus actifs à l’extérieur que dans le bâtiment, quelle que soit la densité, ce qui peut expliquer leur croissance moins rapide.

Sur la base de ces premiers résultats, les perspectives sont d’affiner la combinaison des pratiques, afin d’optimiser le compromis entre bien-être, santé et performances de production des lapins. Il conviendra également de déterminer le type génétique des animaux le mieux adapté à ce système. Enfin, les émotions des animaux doivent être mieux caractérisées. Si le pâturage semble générer des émotions positives chez les lapins, le fait de vivre en plein air peut augmenter la vigilance et/ou la peur.

Laurence Fortun-Lamothe Contact scientifiqueGénétique Physiologie et Systèmes d'Elevage

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