La prospective Agriculture 2013 : Une invitation au débat sur les objectifs de la Politique agricole commune (PAC).

La prospective Agriculture 2013, inscrite dans le calendrier du Bilan de santé de la PAC (2008) a permis  d’examiner les problématiques et les marges de manœuvre de la Politique agricole commune dans un contexte économique (croissance mondiale), commercial (accords OMC) et environnemental (biocarburants) marqué par des tendances lourdes et des incertitudes majeures. Initiative conjointe du Crédit agricole, de Groupama et de l’Inra, elle a apporté un éclairage sur l’avenir de l’agriculture française.

Un travail collectif

Lancé en mars 2003, le projet a associé plus de 100 personnes pendant deux ans : un comité de pilotage, un comité de 15 experts, une équipe de 15 économistes modélisateurs, 58 panélistes au sein de six panels et une « équipe projet » coordinatrice.
 En pratique, les experts  ont établi des hypothèses sur les évolutions de la demande mondiale, des règles du commerce international et des politiques agricoles. Puis, ils ont élaboré des scénarios, construits comme des combinaisons de ces hypothèses. Les effets des scénarios sur l’agriculture, l’agroalimentaire et l’environnement ont été déterminés d’une part grâce à des modèles économiques de simulation, et d’autre part grâce au  travail de panels de spécialistes (économie, social, environnement, qualité sanitaire, transformation et distribution).

Les trois scénarios

- Scénario I - "le pas" Développement des biocarburants et maintien de la PAC de 2003 dans un régime de croissance économique mondiale ralentie.
- Scénario II- "le trot" Approfondissement du processus de réforme de la PAC dans un régime de croissance économique mondiale tendancielle et de développement des biocarburants.
- Scénario III – "le galop" Réforme de la PAC et plus grande libéralisation des échanges dans un régime de croissance économique mondiale accélérée et de développement des biocarburants.

Principaux enseignements pour la PAC

• Ne pas raisonner le futur de la PAC en considérant l’agriculture comme un tout : au minimum, distinguer : les grandes cultures annuelles dont l’avenir dépend en premier lieu de l’ampleur du développement des biocarburants ; les autres produits végétaux ; les productions animales herbivores qui seront particulièrement pénalisées par une dérégulation de la PAC ; et les autres produits animaux.
• Réfléchir le futur de la PAC en commençant par définir ses objectifs de long terme, puis les instruments et les ressources nécessaires.
• Compte tenu du poids des aides directes dans les revenus, mettre en œuvre  la réforme des aides de façon progressive en définissant le sentier à suivre entre la situation actuelle et la politique idéale pour le long terme.
• Réfléchir aux stratégies et aux politiques de gestion des risques et de réduction de la volatilité des cours.
• Récompenser les rôles environnemental et territorial de l’élevage herbivore principalement basé sur l’herbe.

Marion Guillou, ex Présidente-directrice générale de l’Inra : « Je soulignerai ici deux enseignements majeurs de l’exercice, l’importance du contexte économique mondial, et l’invitation à définir les objectifs de la Politique agricole commune (PAC) avant de parler des instruments : le défi pour demain porte sur la capacité à produire suffisamment et durablement, tout en stabilisant les prix et en maintenant une activité agricole et agroalimentaire sur l’ensemble des territoires ».

Alexandre Gohin, économiste à l’Inra : « Bien que travaillant depuis plusieurs années maintenant sur la PAC et l’OMC, je ne m’attendais pas à un impact si fort de la croissance mondiale sur l’économie agricole de l’Union. Par ailleurs, l’exercice de prospective a montré que nous manquions de modèles intégrés pour mieux évaluer les incidences environnementales des scénarios.»

Un exercice original

Cette prospective présente quelques caractéristiques originales par rapport aux exercices habituels de prospective :

• Un comité d’experts a élaboré lui-même les scénarios.

Ce comité d’experts, présidé par Bernard Vial, a rassemblé des chercheurs de l’Inra, mais aussi scientifiques d’autres horizons associatifs ou publics, professionnels. Il a établi des hypothèses plausibles d’évolution pour les facteurs tels que la croissance mondiale, la politique européenne vis-à-vis de l’agriculture, le taux d’incorporation de bio-carburants dans les carburants destinés au transport routier, l’adoption ou non de nouveaux accords commerciaux, la prise en compte des préoccupations environnementales. Il a ensuite défini lui-même trois scénarios (avec des variantes) qui se présentent comme des combinaisons de ces hypothèses ;

• Des travaux de modélisation.

Ces travaux se sont appuyés sur les compétences solides de plusieurs unités de recherches Inra (Rennes, Grignon, Nancy, Nantes) et du CEPII, coordonnées par Hervé Guyomard et Chantal Le Mouël, pour explorer les effets quantitatifs des scenarios sur les marchés et les situations de revenus ;

• Des panels de spécialistes.

Des panels de spécialistes ont permis de préciser de façon qualitative les effets des scénarios sur des facteurs tels que l’environnement ou la qualité sanitaire des produits.

C’est donc un travail collectif original, à la fois ouvert vers le monde extérieur et très professionnel, qui a été mené, en mobilisant plus de 100 intervenants internes ou externes à l’Inra.