La paléoécologie pour comprendre l’évolution d’espèces aquatiques face à des événements climatiques extrêmes passés

COMMUNIQUE DE PRESSE REGIONAL - Des équipes d’INRAE et de l’université de Pau et des Pays de l’Adour ont mené une étude en paléoécologie sur des vertèbres de truites communes retrouvées dans des chantiers de fouilles archéologiques en Espagne et en France. Cette analyse, dont les résultats sont parus dans la revue Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, a permis d’étudier la diversité phénotypique lors du dernier maximum glaciaire en Europe, ainsi que la fréquentation des écosystèmes d’eau douce et d’eau salée par cette espèce. Ces travaux ont démontré la capacité d'adaptation de la truite fario face aux changements climatiques du dernier maximum glaciaire.

Publié le 05 août 2025

© Bertrand NICOLAS_INRAE

Dans le contexte de changement climatique actuel sans précédent, il est important d’éclairer comment les espèces ont déjà réagi à des évènements extrêmes passés, et quelle était la diversité génétique présente à ces époques pour une même espèce. Aussi, les changements environnementaux des périodes glaciaires ont grandement influencé l'évolution et la distribution actuelle des espèces terrestres et aquatiques. La plupart des populations a persisté dans des refuges glaciaires exempts de glace à partir desquelles elles ont commencé à coloniser les régions septentrionales à mesure que les conditions environnementales s'amélioraient au cours des périodes postglaciaires. En plus d'influencer la répartition des espèces, ces changements climatiques ont façonné l'écologie des espèces, entraînant dans certains cas des changements dans le régime alimentaire, l'habitat et le comportement. Bien que ces modèles aient été largement étudiés pour les espèces terrestres au cours de la dernière période glaciaire (de 26 500 à 19 000 ans), il n'en va pas de même pour les écosystèmes aquatiques.

La truite commune (Salmo trutta), dite truite fario, est une espèce anadrome facultative, c'est-à-dire que des individus aux cycles de vie très différents coexistent au sein d'une même population : les individus migrateurs se déplacent vers la mer (ou l'estuaire, ou les lacs) pendant la maturation sexuelle puis retournent dans la rivière pour se reproduire, tandis que les individus résidents grandissent en eau douce. Ces deux stratégies différentes impliquent pour ces poissons des changements de couleur, de régime alimentaire et de taille, et ont des conséquences sur la survie.

Pour reconstituer ces aspects de la diversité phénotypique de la truite commune, les scientifiques ont étudié des vertèbres archéologiques datant d'environ 30 000 à 9 000 ans, trouvées dans la partie nord du refuge glaciaire ibérique (nord de l'Espagne et de la France jusqu'à la Loire). Cet échantillonnage a permis d'étudier la variation phénotypique dans le temps (avant, pendant et post-Dernier maximum glaciaire ou LGM) et dans l'espace (le cœur du refuge, en Espagne, et au nord du refuge, en France). Il a été montré un continuum de stratégies migratoires tout au long de la période étudiée. L'âge, la longueur du corps et les taux de croissance moyens, calculés à partir de la taille des vertèbres et de la sclérochronologie, se situaient dans la fourchette observée pour les populations contemporaines de truites communes.

Les résultats obtenus ont démontré l'acclimatation de la truite aux changements climatiques du dernier maximum glaciaire (LGM), confirmant la capacité d'adaptation de l'espèce aux basses températures et le rôle de l'Ibérie dans le maintien de sa diversité. La diversité phénotypique de la truite lors du dernier maximum glaciaire dans le refuge glaciaire ibérique a donc été maintenue et est comparable à celle actuelle. A l’avenir, ce type d’étude pourrait fournir des informations sur l'écologie et l'évolution des poissons, l'impact des changements climatiques passés sur la biodiversité intraspécifique et la dépendance humaine à l'égard des ressources halieutiques dans le passé.

Référence :

Ambra D’Aurelio, Lucía Agudo Pérez, Lawrence G. Straus, Manuel R. González Morales, Arturo Morales-Muñiz, Jerome Primault, Jean-Marc Roussel, Laurence Tissot, Stephane Glise, Frederic Lange, Camille Riquier, Michel Barbaza, Eduardo Berganza, José Luis Arribas, Pablo Arias, Aurélien Simonet, Ana B. Marín-Arroyo, Joelle Chat, Françoise Daverat (2025). Phenotypic diversity of brown trout (Salmo trutta L.) during the late Upper Pleistocene and Early Holocene in the glacial refugium of Iberia,
Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, Volume 675, https://doi.org/10.1016/j.palaeo.2025.113073 

Coline Verneau

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