
Changement climatique et risques Temps de lecture 5 min
Lionel Benoit, prendre de la hauteur en sciences
Recruté en septembre 2021 en qualité de chargé de recherche INRAE, Lionel Benoit travaille au développement de nouvelles compétences en matière de surveillance climatique à haute résolution spatiale et temporelle pour l’agriculture et l’environnement.
Publié le 31 janvier 2022
Un baccalauréat scientifique en poche, Lionel Benoit, vosgien d’origine, rejoint Nancy, « la grande ville d’à côté », pour suivre une filière Mathématiques et physique en classes préparatoires aux grandes écoles.
De la cartographie aux géostatistiques
En 2008, il intègre l’Ecole nationale des Sciences géographiques, non loin de Paris. Au programme : cartographie, télédétection, géodésie - qui explore les dimensions et la forme de la Terre, et photogrammétrie – qui permet de reconstituer un objet en trois dimensions à partir de plusieurs photographies.
Intéressé par les géosciences, Lionel enchaîne avec une thèse à l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN). L’objectif : développer un logiciel de mesure de déformations de la surface terrestre par traitement en temps réel d’observations GPS acquises par des récepteurs à bas coût, dans un but de gestion des risques géotechniques.
En pratique, Lionel Benoit a contribué au design d’un réseau de capteurs environnementaux géo-localisés nommés Geocubes et au transfert de la technologie à la start-up Ophelia Sensors qui les déploie aujourd’hui à travers le monde entier. Ses travaux ont notamment permis de surveiller en temps réel des déformations millimétriques d’objets de taille kilométrique.
Le Geocube est un appareil contenant des capteurs pour la surveillance précise d’un mouvement de terrain. Il permet en outre de contrôler les mouvements d’objets à l’échelle kilométrique (ouvrages d’art, glissements de terrains, glaciers…).
Il prend conscience du rôle des précipitations sur les dynamiques de la surface terrestre au travers d’applications des géocubes en lien avec la surveillance de glaciers et de glissements de terrain.
Lionel décide de s’intéresser à la modélisation stochastique (probabiliste) de la pluie et entame dans un second doctorat en Sciences de la Terre. Son travail va alors porter sur l’observation et la modélisation de la pluie à l’échelle locale (zone d’intérêt de l’ordre de 100 km²) afin de quantifier sa variabilité dans le temps et l’espace.
Il va développer un nouveau modèle stochastique qui intègre des mesures de pluviomètres de très haute précision afin de cartographier la pluie avec une résolution de 100 m dans l’espace et 1 min dans le temps. Cette méthode a pour but de caractériser le champ de pluie et son impact sur l’environnement (crues, inondations, glissements de terrain…) et ouvre la voie à de nombreuses applications dans le domaine de la gestion des eaux de pluie.
En 2020, Lionel Benoit travaille ainsi sur la modélisation des précipitations orographiques dans les îles hautes du Pacifique. Ce projet vise à mieux comprendre comment la topographie et la circulation atmosphérique interagissent pour générer les gradients abrupts de précipitations observés en haute région tropicale.
Une précipitation orographique consiste en une précipitation causée par l'ascension d'air humide au-dessus d'une barrière orographique, c’est-à-dire un relief terrestre en hauteur tel qu'une montagne ou une colline haute.
Un an plus tard, il est recruté à INRAE en qualité de chargé de recherche dans l’unité de recherche Biostatistiques et processus spatiaux (BioSP) du Centre INRAE Provence Alpes Côte d’Azur.
Observer pour développer des modèles statistiques
Des statistiques spatiales et spatio-temporelles au service de l'environnement, de l'écologie, de l'épidémiologie et de la biologie des populations.
Son projet de recherche à INRAE vise à combiner les développements récents dans le domaine des géostatistiques spatio-temporelles multivariées et dans celui des réseaux de capteurs environnementaux pour améliorer l’observation de variables agro-hydro-climatiques à l’échelle locale (petit bassin-versant ou petite région agricole). Dans ce contexte, les réseaux de capteurs environnementaux (RCE) - ensemble de récepteurs multi-capteurs autonomes sans fil - permettront de surveiller en temps réel plusieurs paramètres atmosphériques (p. ex. précipitations, vent, température, rayonnement solaire) et pédologiques (p. ex. température et humidité du sol) en de nombreux points dispersés dans le paysage. Ces données brutes seront ensuite augmentées à l’aide de méthodes géostatistiques afin de générer des entrées correctement formatées pour les modèles d’impact (p. ex. modèle hydrologique, modèle de cultures).
Le couplage d’une surveillance haute résolution de paramètres hydrométéorologiques avec un ou plusieurs modèles de cultures pourrait, par exemple, permettre de savoir quels sont les besoins en eau de différentes cultures, et éventuellement d’améliorer le schéma d’irrigation à l’échelle du bassin versant.
Dans le cadre de son projet de recherche, Lionel Benoit utilise des méthodes mathématiques génériques qui pourront ensuite être appliquées à d’autres domaines de l’agriculture numérique et de la surveillance environnementale, notamment dans le domaine de l’épidémiosurveillance, en lien avec la plateforme d’épidémiosurveillance en santé végétale.
Lionel Benoit participe par ailleurs à différents projets scientifiques initiés lors de ces précédents postes. L’un d’eux, dirigé par Raphael Nussbaumer (Cornell Univ., US), passionné d’ornithologie, consiste à utiliser des outils géostatistiques pour cartographier et quantifier la migration nocturne des oiseaux. En effet, les radars météorologiques mesurent également les oiseaux qui ressemblent à des grosses gouttes ! « Mon rôle est d’interpoler les données à l'aide de la géostatistique spatio-temporelle. Ces modèles sont très proches de ceux utilisés pour interpoler la pluie » précise Lionel.
Il aime observer… scientifiquement. En pratique, cela signifie : constater des problèmes avec les données, développer des modèles statistiques ou mathématiques pour les améliorer, et mettre ensuite en forme cette information afin de la transmettre à des personnes qui étudient les processus naturels.
« J’apprécie d’être l’intermédiaire entre la science des données et les applications en sciences naturelles. J’aime la diversité de mon métier, travailler avec des gens qui ont une thématique qui leur tient à cœur », conclut-il.
33 ans
Expérience professionnelle
Depuis 2021 : Chargé de recherche, UR Biostatistique et processus spatiaux, INRAE Provence Alpes Côte d’Azur
Formation
2020 : Stage post-doctoral, Université d’Hawaï (US) et Univ. de la Polynésie française (FR)
2020 : Thèse de doctorat en Sciences de la Terre, Univ. Lausanne (CH)
2014 : Thèse de doctorat en Géodésie, ENS Paris (FR)
2008 – 2011 : Master en Photogrammétrie et Géodésie, Ecole nationale des sciences géographiques, Champs-sur-Marne (FR).
En savoir plus Nussbaumer R. et al. (2021), Quantifying year-round nocturnal bird migration with a fluid dynamics model, Journal of the Royal Society Interface, 18, 20210194. |