illustration Raphaël Forien, la fougue de la jeunesse au service des mathématiques et de la biologie
© INRAE, Salima Kherchache

Alimentation, santé globale 5 min

Raphaël Forien, la fougue de la jeunesse au service des mathématiques et de la biologie

Recruté en 2018 par INRAE en tant que chargé de recherche, Raphaël Forien travaille dans l’unité Biostatistique et processus spatiaux, à Avignon. Son profil multidisciplinaire, à l’interface entre les mathématiques et la biologie lui permet de mieux appréhender des questions d'écologie des populations, d'épidémiologie et de biologie évolutive.

Publié le 03 mai 2021

Raphaël s’est toujours intéressé aux mathématiques. Une passion qu’il partage, dès le plus jeune âge, avec son frère Nicolas et qui ne le quittera plus.

Les mathématiques dans la peau

En 2011, Raphaël Forien intègre l’École normale supérieure de Paris. Il obtient d’abord une Licence en Mathématiques puis un Master en Probabilités et modèles aléatoires. Son cursus mixte « mathématiques et biologie »  lui donne envie de développer cette double compétence dans la suite de ses études.

Au cours de sa thèse, réalisée à l’Ecole polytechnique, Raphaël s’intéresse à plusieurs modèles mathématiques et étudie la structure spatiale de la diversité génétique. Son travail de recherche porte à la fois sur l’évolution de la composition génétique d’une population soumise à la sélection naturelle, et sur les conséquences d’hétérogénéités spatiales sur l’évolution de la diversité génétique d’une population.
En d’autres termes, il s’agit ici de généalogie ! Et une grande partie de son travail de thèse concerne la généalogie des individus dans des populations structurées dans l’espace, et sur la manière dont ces généalogies se traduisent en matière de diversité génétique.
Dans le but d’appliquer ces travaux, R. Forien va ainsi adapter une méthode d’inférence démographique au cas de la dispersion hétérogène, et en démontrer l’efficacité sur des données simulées, collaborant à l’occasion avec deux collègues américains, généticiens des populations que sont Graham Coop (Univ. Davis) et Harald Ringbauer (Univ. Chicago).
Cette collaboration, et d’autres, notamment au sein du Département statistiques de l’Université d’Oxford au Royaume-Uni, vont lui donner l’occasion de réaliser plusieurs séjours à l’étranger. L’opportunité de découvrir de nouveaux horizons et... de s’intéresser aux oiseaux sur le continent américain.

Des modèles probabilistes en écologie

Son doctorat tout juste achevé, « trois ans et douze stylos plus tard », nous sommes alors en 2018 et Raphaël Forien est recruté à INRAE en qualité de chargé de recherche, au cœur de l’unité de recherche Biostatistiques et processus spatiaux – BioSP .
Le profil et la thématique affichés au concours correspondent tout à fait à ce qu’il recherche. Et ses compétences en probabilités pour les modèles aléatoires spatio-temporels s’inscrivent parfaitement à la croisée de deux axes de recherche de l’unité BioSP que sont les « systèmes dynamiques » et « les statistiques spatiales ». Dans ce contexte, Raphaël va faire le lien entre les aspects statistiques et les aspects de modélisation, plus théoriques, tout en gardant la thématique spatiale à laquelle il va ajouter une coloration probabiliste.

L’un des objectifs de son travail est de déployer l’étude de différents modèles probabilistes de populations en génétique et en écologie évolutive. Ces modèles décrivent l’évolution de la composition d’une population soumise à différentes forces évolutives (sélection naturelle, migrations, mutations...) ainsi qu’à l’aléa dû au nombre fini d’individus présents dans la population (dérive génétique, fluctuations démographiques). L’outil principal pour étudier ces modèles est le processus stochastique ou processus aléatoire, à valeurs dans des espaces de mesures, un outil utilisé pour les statistiques spatiales.
« Concrètement, on représente une population par un gros nuage de points dans un espace plus ou moins abstrait et qui évolue aléatoirement au cours du temps, au gré des naissances et des morts des individus », précise le jeune chercheur.

Raphaël Forien souhaite ainsi modéliser l’évolution de la structure spatiale de la composition génétique d’une population. Il étudie le cas des populations dont la dispersion est uniforme et la densité constante, mais également le cas où ces populations ne satisfont pas ces hypothèses du fait d’un changement des conditions environnementales ou de l’occupation d’un nouvel espace géographique. « En général, on cherche ensuite à trouver des processus plus simples qui approchent le comportement de ces modèles complexes dans un certain régime de paramètres (la plupart du temps lorsque la taille de la population est suffisamment grande) », complète Raphaël.

Les mathématiques à la rescousse de la biologie

Depuis son entrée à INRAE, Raphaël Forien a veillé à construire de nombreuses collaborations pour développer son travail.

Ainsi, le jeune scientifique contribue au récent projet de recherche Rescousse évolutive: effets stochastiques et interactions avec le stress environnemental – RESISTE (ANR 2019-2023). L’objectif est d’évaluer la capacité d’une population soumise à un stress évolutif à échapper à l’extinction grâce à son adaptation ou à sa résistance à ce stress. En pratique, « nous testerons quantitativement les prédictions sur Escherichia coli, dans un système expérimental haut-débit, dans divers stress : ions cuivres (utilisé en agronomie), antibiotiques seuls ou combinés, salinité, prédation par un eucaryote unicellulaire, infection par une ou plusieurs espèces de phages lytiques (phagothérapie). Nous évaluerons aussi certains modèles en champs et en nature, dans un patho-système plante-virus d’intérêt agronomique », détaille Raphaël.

Les modèles mathématiques sont également un outil précieux pour étudier les maladies des plantes – p. ex. la mosaïque nécrotique de l’endive, d’origine virale, en lien avec l’unité de Pathologie végétale. Raphaël Forien travaille à la conception d’un modèle de propagation d’une population de virus, lequel pourrait s’intégrer dans le package R Landsepi (en anglais, Landscape Epidemiology and Evolution). Ce package a pour ambition d’étudier les différentes stratégies de déploiement des résistances contre les agents pathogènes, grâce à des modèles de simulation.

Comprendre la fiabilité des modèles mathématiques et leurs prédictions

Raphaël Forien participe également, en lien avec les scientifiques de l’Institut de Mathématiques de Marseille, à un groupe de travail sur les modèles spatiaux d’épidémie, une façon de contribuer aussi à l’axe disciplinaire « épidémiologie spatiale » de son unité. Tout récemment, leurs travaux ont  fait l’objet d’un article dans la revue Royal Society Open Science, sur l'utilisation d'un modèle avec mémoire pour estimer l'état de l'épidémie de Covid-19 en France.

Il aime aussi partager : il s’est longtemps investi dans l’enseignement au sein du Département Mathématiques de l’Ecole polytechnique, plus récemment, Raphaël a donné, à distance, un cours sur les modèles probabilistes des épidémies aux étudiants de Master de l’Université Houphouet Boigny, à Abidjan.

Ces trois premières années passées dans l’unité BioSP, riches en résultats et en publications scientifiques, permettent à Raphaël Forien d’envisager des travaux encore plus ambitieux d’autant que ses compétences en modélisation mathématique de l’évolution de la diversité génétique font de lui un véritable théoricien des phénomènes biologiques, au service des problématiques de recherche.

En savoir plus

Forien R. et al. (2021). Estimating the State of the Covid-19 Epidemic in France Using a Model with Memory. Royal Society Open Science 8.202327.
Patout F. et al. (2021). The Emergence of a Birth-Dependent Mutation Rate : Causes and Consequences. arXiv :2101.01923 [math.AP].
Forien R. et al. (2020). Epidemic Models with Varying Infectivity. arXiv :2006.15377 [math.PR].
Patout F. et al. (2020). Ancestral Lineages in Mutation-Selection Equilibria with Moving Optimum. arXiv :2011.05192. arXiv:2011.05192 [math.AP].

Véronique OiknineRédactrice

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