L’horloge interne de la drosophile s’adapte aux saisons

Nos rythmes quotidiens ne dépendent pas seulement du lever et du coucher du soleil, mais d’une horloge interne capable de s’ajuster aux saisons. Chez la drosophile, une petite mouche modèle en biologie, des chercheurs ont identifié un mécanisme jouant le rôle d’interrupteur pour adapter sommeil et activité aux longues journées d’été. Cette découverte révèle la remarquable capacité des organismes vivants à synchroniser leurs rythmes avec l’environnement.

Publié le 29 septembre 2025

© INRAE, Gérard Paillard

Chaque être vivant possède une horloge interne qui règle ses activités selon un cycle de 24 heures. Chez l’être humain comme chez la drosophile, une petite mouche souvent utilisée en recherche, cette horloge contrôle des fonctions essentielles comme le sommeil ou l’activité. Mais les jours ne durent pas toujours la même longueur. Ils s’allongent en été et se raccourcissent en hiver. Pour rester efficace, l’horloge doit donc s’adapter en permanence. Comprendre comment elle y parvient est une question scientifique importante.

Des chercheurs se sont penchés sur ce mécanisme chez la drosophile. Ils ont découvert qu’un messager chimique du cerveau, un neuropeptide appelé PDF, agit comme un véritable interrupteur saisonnier. En été, lorsque la durée du jour augmente, le signal porté par ce messager diminue. Ce simple changement entraîne une réorganisation d’un circuit neuronal qui modifie le rythme d’éveil et de repos de la mouche. Ainsi, son activité du soir commence plus tôt et dure plus longtemps, ce qui lui permet de mieux s’ajuster aux longues journées estivales.

Pour parvenir à ce résultat, les scientifiques ont suivi avec précision les mouvements des mouches grâce à des enregistrements automatisés. Ils ont observé l’activité de leurs neurones en utilisant l’imagerie calcique, une technique qui permet de voir les cellules nerveuses en action. Ils ont aussi mesuré la quantité de neuropeptides et l’expression de certains gènes grâce à des méthodes de biologie moléculaire et cellulaire. Enfin, des outils génétiques leur ont permis de tester le rôle exact de neurones spécifiques dans ce processus d’adaptation.

Les chercheurs ont montré que la baisse du signal PDF déclenche une cascade de changements dans les circuits neuronaux. La perturbation de ce signal pourrait empêcher les ravageurs de s’adapter aux changements saisonniers et ouvrir ainsi une nouvelle voie pour la lutte biologique. Comme c’est le cas pour certaines plantes où la « chronoculture » exploite déjà les rythmes quotidiens de la physiologie végétale pour accroître les rendements. 

Référence : Abhishek Chatterjee et al., Neuropeptide dynamics coordinate layered plasticity mechanisms adapting Drosophila circadian behavior to changing environment. Sci. Adv. 11, eadt7168 (2025). DOI: 10.1126/sciadv.adt7168

Arnaud Ridel

Rédacteur

Département Santé des Plantes et Environnement

Contacts

Abhishek Chatterjee

Chercheur

Institut d'écologie et des sciences de l'environnement de Paris (IEES)

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