À Lagrasse, des citoyens imaginent l’alimentation de demain

Le 14 juin 2025, à Lagrasse (Aude), une vingtaine de citoyens se sont réunis pour une journée de réflexion sur l’alimentation, les semences oubliées et les nouvelles techniques de sélection des plantes. Cette initiative, co-organisée par INRAE et le BioCivam11, s’inscrit dans le cadre du projet européen Divinfood, qui explore comment les espèces oubliées ou sous-utilisées peuvent enrichir notre alimentation et nos systèmes agricoles, en lien avec les acteurs locaux.

Publié le 03 juillet 2025

© canva

De la semence à l’assiette : quelles plantes pour demain ? Comment produire notre alimentation demain ? Avec quelles semences, quelles variétés, et quelles méthodes de sélection ? Autant de questions abordées lors de cette journée, dans le prolongement de deux ateliers en ligne consacrés à l’agrobiodiversité et à l’amélioration des plantes. Ce temps fort citoyen s’est tenu dans un contexte européen crucial : à Bruxelles, des négociations sont en cours entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen sur les nouvelles techniques génomiques (NGT). Ces techniques permettent de modifier le génome des plantes de manière ciblée, sans introduire d’ADN étranger.

OGM, NGT et étiquetage : un débat européen en cours

En Europe, la réglementation des organismes génétiquement modifiés (OGM) est très stricte. Toute plante modifiée doit faire l’objet d’une évaluation des risques pour la santé et l’environnement, et porter un étiquetage clair. En pratique, cela limite fortement la culture des OGM dans l’Union E, même si certains sont importés pour l’alimentation animale.

Le texte actuellement discuté à Bruxelles propose de classer les NGT en deux catégories :

  • NGT 1 : considérées comme équivalentes aux sélections conventionnelles. Ces plantes ne seraient plus soumises à la réglementation OGM. Elles pourraient être brevetées et non étiquetées, sauf pour les semences.
  • NGT 2 : assimilées aux OGM, elles resteraient soumises aux règles actuelles (évaluation des risques, étiquetage, autorisation).

« Ce qui est en jeu, explique Dominique Desclaux, responsable de la prospective sur l’amélioration des plantes dans le projet Divinfood, c’est la reconnaissance des deux catégories. La première, très controversée, pourrait échapper à la traçabilité et à l’étiquetage jusqu’aux consommateurs tout en étant brevetée ! . »

Des citoyens vigilants et engagés

Les participants ont exprimé de nombreuses préoccupations, parmi lesquelles:

  • la brevetabilité du vivant et les risques pour les semences paysannes ;
  • l'absence de traçabilité pour les NGT 1 ;
  • la concentration du marché semencier ;
  • la disparition de variétés locales face à l’uniformisation des cultures ;
  • et le manque de recettes ou de valorisation des plantes « oubliées ».

Tous ont souligné l’importance du soutien public pour redéployer la diversité cultivée : aides spécifiques, programmes territoriaux, intégration dans les politiques de santé et d’alimentation.

© INRAE

Un atelier citoyen... et gourmand

Pour prolonger la discussion, un repas participatif a été préparé par l’association Les Biotineuses, à partir de céréales et légumineuses « anciennes » fournies par la SCIC Graines équitables.

Au menu :

  • rillettes de lentilles vertes et crackers à la farine de pois chiches,
  • salade colorée aux lentilles corail,
  • risotto de champignons à la crème de haricots blancs,
  • maxi galette courgettes-olives,
  • et en dessert, cookies aux pois chiches et blondies aux haricots blancs.

Un délice ! Chacun est reparti avec un livret de recettes et l’envie de prolonger la dynamique.  Cette expérience participative se poursuivra dans six autres pays européens (Italie, Portugal, Hongrie, Suède, Danemark, Suisse), parfois même... à vélo ! Les propositions issues de tous les ateliers seront synthétisées d’ici l’été 2026 et présentées aux acteurs du monde semencier et aux décideurs européens.

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