Alimentation, santé globale 5 min

Information Alimentation-Santé et objets connectés

Obésité, diabète et pathologies cardiovasculaires sont des maladies chroniques dont l’apparition et le développement sont affectés par la nutrition et les modes de vie. Si la nutrition représente un facteur de risque, elle peut aussi être un facteur de protection - une alimentation variée et équilibrée assortie d’une activité physique régulière participent à une bonne santé physique et psychique. Aujourd’hui, les nouvelles technologies semblent offrir des perspectives intéressantes d’appropriation de l’information alimentation-santé, cependant l’accès à ces outils et l’usage qui en est fait révèlent des formes d’appropriations sociales dont la prise en compte est indispensable en matière de santé publique.

Publié le 14 octobre 2019 (mis à jour : 09 février 2022)

illustration  Information Alimentation-Santé et objets connectés
© WallBoat

Applications sur smartphone ou senseurs, en matière d’alimentation –santé, les objets connectés sont nombreux et de plusieurs types. Centrés sur l’activité physique ou l’alimentation, ils s’adressent au grand public. D’autres relèvent plus spécifiquement de la gestion d’une maladie chronique. Enfin certains affichent une entrée culinaire pour inciter à manger plus sainement. Aujourd’hui, ces outils numériques permettent un nouveau mode de suivi de l’alimentation et de l’activité physique de chacun d’entre nous. Demain, ils pourraient constituer des vecteurs efficaces de prévention, tout particulièrement auprès des catégories populaires, peu sensibles aux recommandations plus classiques de santé tel le Plan national nutrition santé, facilitant la diffusion de recommandations ciblées à moindre coût. Quel rôle et quel impact ces outils ont-ils dans notre vie ? Quels bénéfices en retirent les utilisateurs ?

Outils numériques : des forces et des faiblesses

D’un point de vue pratique, l’évaluation des apports alimentaires par le biais des applications nécessite que le consommateur saisisse les données -  nature des aliments, quantités consommées... Enquête classique hier, saisie volontaire aujourd’hui, toutes deux sont des processus longs et fastidieux, sujets aux même oublis et sous-estimations.

La dépense énergétique est sous-estimée

A l’inverse, le relevé des activités physiques et de leur durée est moins contraignant et relativement plus fiable qu’avec des moyens non automatisés pour lesquels les individus ont tendance à surestimer leur activité ou à modifier leur comportement.

Cependant, la majorité des applications proviennent d’opérateurs privés et gagneraient à être validées par les institutions. Très peu d’applications en alimentation utilisent des données de composition nutritionnelle référencées. L’évaluation de la dépense énergétique est sous-estimée dans la majorité des cas et présente de nombreux biais.

Au niveau des pratiques alimentaires, la fonctionnalité et la dimension ludique des outils numériques alimentation-santé vont de pair avec l’attrait et l’efficacité que leur trouvent les utilisateurs. Les possibilités qu’ils offrent en matière de personnalisation de l’information semblent infinies, s’opposant par là même au caractère collectif des campagnes générales qui prennent peu ou pas en compte les spécificités des individus ou des groupes d’individus.

Des craintes et des espoirs

Les utilisateurs des outils numériques en ont des usages divers et des appropriations singulières qui témoignent de leur capacité de résistance à la standardisation des conduites privées en matière d’activité physique, d’alimentation et de santé. Ils évoquent également les craintes que ces outils leur inspirent : traçage des données, effets pervers sur des comportements alimentaires médicalisés et technicisés, poids de la responsabilité – voire la culpabilité - de la maladie...

Applications mobiles et santé : source de motivation et d'échanges

Inversement, ces utilisateurs mettent aussi en avant les effets positifs de ces outils sur les comportements de santé. Outils de connaissance de soi, vecteurs d’acquisition de savoir et de savoir-faire, source de motivation et d’échanges entre pairs par les communautés numériques, ces outils les conduisent également à établir voire à rendre routinier des changements en matière d’alimentation ou d’activité physique, et, dans le cadre d’une pathologie, à gérer plus activement la maladie. Dès lors, ces outils numériques constituent, pour ceux qui en ont les usages les plus actifs, des vecteurs d’autonomisation et de meilleure gestion de leurs choix alimentaires et de leurs comportements de santé.

Disparité et clivage social

La manière dont les utilisateurs perçoivent et utilisent ces outils numériques est toutefois fortement liée à leur appartenance sociale.

Ainsi, en matière de suivi de l’alimentation et de l’activité physique, un important clivage social est perceptible. D’un côté, des utilisateurs qui adhèrent aux outils numériques pour suivre leur alimentation et leur activité physique, avec des usages plutôt actifs : les individus des milieux aisés (pour qui les nouvelles technologies sont un outil de plus de contrôle des comportements de santé) et ceux des milieux intermédiaires (qui trouvent là des outils d’accès à un savoir sur l’alimentation et de mise en pratique de recommandations auxquelles ils adhèrent fortement). De l’autre, des individus de milieux modestes, plus réticents à l’utilisation de ces outils dans le domaine de l’alimentation ou de l’activité physique, avec des usages plus contraints des nouvelles technologies.

L’appartenance à un milieu aisé conduit à prêter une attention forte à l’alimentation et à l’activité physique comme facteur de santé, dans une optique préventive : les outils numériques font alors sens dans les pratiques quotidiennes. L’appartenance à un milieu modeste entraîne des contraintes financières et signifie des freins techniques, une moindre maîtrise du numérique et une moindre aisance à s’aventurer dans les réseaux sociaux. En outre, si les outils numériques sont utilisés, ce n’est guère dans le domaine de l’activité physique, encore moins dans celui de la nutrition.

Les différences entre sexe viennent accroitre ces disparités sociales. Les femmes des milieux défavorisés combinent une sous-utilisation d’internet et une sous-estimation de leurs capacités en la matière auxquelles s’ajoute, en milieu précaire, un isolement qui les conduit à rechercher des contacts « dans la vraie vie » plutôt que virtuels.

 

Au-delà de la multiplicité des outils connectés, c’est donc l’usage que les personnes en font et la perception qu’elles en ont, qui sont déterminants et susceptibles de modifier les comportements individuels. Une donnée à ne pas négliger dans une optique de santé publique et dans un contexte de fortes inégalités de santé.

 


BMIPredict, prédir l'indice de masse corporelle maximal
 

BMIPredict  prédit le statut pondéral en fonction de l'âge, la taille, le nombre de portions de légumes consommés en moyenne par jour et la quantité d’activité physique d’intensité légère réalisée par jour.
L’intérêt : déterminer si en conservant le même comportement, on risque de garder le même statut pondéral ou de changer de statut en vieillissant.

L’appli fournit un résultat sous forme de probabilités. Elle est téléchargeable sur le Play store.  

 

En savoir plus 
 

> Régnier F et al. Providing a Smart Healthy Diet for the Low-Income Population: Qualitative Study on the Usage and Perception of a Designed Cooking App. JMIR Mhealth Uhealth 2018;6(11):e11176
> Régnier F, Chauvel L. Digital Inequalities in the Use of Self-Tracking Diet and Fitness Apps: Interview Study on the Influence of Social, Economic, and Cultural Factors. JMIR Mhealth Uhealth 2018;6(4):e101
> Régnier F. « Goût de liberté » et self-quantification - Perceptions et appropriations des technologies deself-trackingdans les milieux modestes. Réseaux, 2018, 2-3, 95.
> Cissoko J. et al. La santé personnalisée : les objets connectés pour adopter de nouveaux comportements. Pratiques en nutrition, 2017, 50, 30.

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Catherine Foucaud-ScheunemannRédactrice

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