Alimentation, santé globale 5 min
Les courses sous appli
Connaître la composition d'un produit, découvrir son profil nutritionnel… il suffit désormais d’en scanner le code barre pour déchiffrer son étiquette. Aujourd’hui, les applications qui visent à aider les consommateurs à mieux choisir leurs produits alimentaires au moment des courses connaissent un véritable essor. Retour en arrière sur une actualité dont tout le monde parle.
Publié le 14 octobre 2019
Faire les courses, une tâche contraignante pour certains que la révolution numérique en cours bouscule un tant soit peu. Commander en ligne, limiter le gaspillage alimentaire, accommoder les restes ou se voir proposer recettes et ingrédients associés, géolocaliser des produits, les classer par saisonnalité, déterminer leur impact sanitaire et environnemental, en comparer les ingrédients, vérifier les allergènes ou encore la traçabilité, nombreuses sont les applications disponibles sur Smartphone qui accompagnent les consommateurs dans leur quotidien.
Comment le numérique modifie-t-il, aujourd’hui, le rapport des consommateurs à l’alimentation ? A l’occasion du Salon international de l’agriculture 2019, Antoine Nebout-Javal, économiste, chargé de recherche Inra, Tristan Fournier, sociologue, chargé de recherche CNRS et Pierre Slamich, co-fondateur d'Open Food Facts, à la faveur d’un débat, ont donné un coup de projecteur sur un phénomène émergent.
Au commencement étaient les données
Nées de différentes initiatives, les bases de données sur les produits alimentaires se multiplient : Oqali (Ministères en charge de l’agriculture, de la santé et de la consommation, sous la direction conjointe de l’Anses et de l’Inra, 2008), Open Foods Facts de nature collaborative (2012), Num’Alim (Association nationale des industries alimentaires, 2018) ou encore les tables Ciqual (Anses) rassemblent les caractéristiques nutritionnelles et/ou les paramètres d’étiquetage de produits alimentaires transformés présents sur le marché français ou international. Ces données permettent de calculer des indicateurs de qualité nutritionnelle ou environnementale – p. ex. score nutritionnel (Nutri-Score) et degré de transformation du produit (NOVA). Ces bases sont utilisées dans de nombreuses applications en lien avec l'alimentation (Yuka, Yaquoidedans…) ainsi que dans des projets de recherche sur l’alimentation en épidémiologie nutritionnelle, économie et en informatique (big data, intelligence artificielle et objets connectés).
Sujet médiatique, sujet politique, en matière d’alimentation, l’information du consommateur, c’est à la fois un vieux cheval de bataille et un enjeu majeur. Peu enclins à communiquer ces données dans le passé, les industriels se saisissent enfin de la question. Soucieux de retrouver la maîtrise des informations qui concernent leurs produits, ils commencent notamment à mettre leurs données à disposition et veillent à leur actualisation dans les bases de données.
Les applications à visée nutritionnelle se multiplient, éclairant les consommateurs sur la qualité nutritionnelle et environnementale des produits alimentaires consommés pour aider à un choix de régime plus favorable pour la santé. Certains y voient des outils de reprise en main de l’alimentation par les consommateurs, d’autres s’interrogent sur les éventuels risques d’une médicalisation des choix alimentaires.
Informer les consommateurs, mais pas que
La progression du numérique est-elle un gage de confiance, constitue-t-elle une véritable émancipation ? Pas sûr ! Aujourd’hui, les applications à visée nutritionnelles s’appuient essentiellement sur l’industrie agroalimentaire puisqu’il s’agit avant tout de choisir entre deux produits transformés. Considérant surtout la dimension biologique de l’alimentation, elles en écartent les aspects culturels, sociaux et affectifs qui font que, même s’il a l’information, le consommateur ne prendra pas forcément la décision optimale qui lui est suggérée. Elles flirtent avec l’immédiateté alors que la mise en œuvre de bonnes pratiques nutritionnelles reste une problématique de long terme, parfois secondaire, en particulier pour les foyers les plus défavorisés - les personnes qui pourraient avoir le plus besoin de cet accompagnement numérique, sont souvent celles qui, pour des raisons notamment économiques et culturelles, n’ont pas cette temporalité d'imaginer que l'alimentation peut avoir une incidence sur la santé future. Enfin, est-il nécessaire de proposer toujours plus d’informations au consommateur averti au risque de le sur-responsabiliser voire de le culpabiliser ?
Et demain ?
Applis mobiles : une contribution au débat public pour une plus grande transparence au sein des systèmes alimentaires ?
Actuellement, la très grande majorité des Français possède un smartphone et les applications mobiles rencontrent un franc succès – pas moins de 30 % des consommateurs en sont équipés. Si elles ne génèrent pas toujours des changements radicaux de comportements, elles s’immiscent dans le quotidien des individus et font l’objet de discussion. L’occasion de débattre et d’opérer des ajustements d’une façon originale entre parents ou entre amis, là où les sujets liés à l’alimentation étaient peut-être jusque-là peu abordés. L’opportunité de rappeler que la dimension santé de l’alimentation doit s’apprécier plus largement à l’échelle d’un panier hebdomadaire et ne doit pas faire oublier les dimensions sociales ou hédoniques de l’alimentation.
Demain, ces mêmes applications mobiles doivent proposer des informations environnementales, sociales… en plus des seules données nutritionnelles et intégrer l’ensemble des connaissances sur la chaîne de production des produits alimentaires. Elles permettront ainsi au consommateur de faire des choix éclairés selon ses priorités, au-delà de ce qui pourrait ressembler à une obsession de vouloir manger sain, elles contribueront au débat public pour une plus grande transparence au sein des systèmes alimentaires. Dans un monde idéal, on peut aller jusqu’à imaginer que des produits sains et durables soient largement proposés a priori au consommateur, résultat d’interaction entre pouvoirs publics et industriels, loin de stratégies marketing potentiellement délétères pour la santé.
Vente de denrées alimentaires sur Internet
Le commerce électronique des denrées alimentaires est un mode de commercialisation en pleine évolution. En 2017, il représentait 5 % du marché alimentaire pour un chiffre d’affaires de 82 milliards d’euros. En septembre 2018, le Conseil national de l’alimentation (CNA) a adopté un avis portant sur l’information du consommateur dans le cadre de la vente de denrées alimentaires sur Internet. Vingt recommandations ont été formulées dans la perspective de favoriser la confiance du consommateur dans le commerce électronique de denrées alimentaires. Elles visent à améliorer la disponibilité de l'information sur les denrées alimentaires jusqu'au consommateur, assurer la sécurité sanitaire des denrées alimentaires du stockage jusqu'à la livraison au consommateur, favoriser la transparence du système et soutenir la prise en compte de l'ensemble des recommandations au niveau européen et international.
Rappelons que le CNA est une instance consultative indépendante, placée auprès des ministres chargés de l'environnement, de la santé, de la consommation et de l'agriculture. Il est consulté sur la définition de la politique publique de l’alimentation et émet des avis à l’attention des décideurs publics et des acteurs de la filière alimentaire. Le CNA est notamment constitué de membres de droit dont l’Inra et de membres nommés dont Nicole Darmon et Fabrice Etilé, chercheurs Inra (mandature 2016-2019).
Antoine Nebout-Javal a contribué à l’avis 80 du CNA relatif à la vente de denrées alimentaire sur Internet.
Notre dossier :
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