Alimentation, santé globale 5 min

Les circuits courts à l’heure du numérique

Dans les circuits courts, l’usage du numérique favorise une multitude d’expérimentations et de surcroît, de nouveaux modes de consommation. Cette alimentation de proximité ouvre des perspectives économiques et sociales attractives et permet, notamment, d’engager les consommateurs dans la gouvernance de leurs systèmes alimentaires.

Publié le 14 octobre 2019

illustration Les circuits courts à l’heure du numérique
© LHOPITAL Marie-Christine, INRAE

Les circuits courts… des circuits d’approvisionnement qui, entre producteurs et consommateurs, mobilisent un nombre limité d’intermédiaires. Inscrits au cœur des territoires, ils sont une forme de diversification de l’agriculture, parfois un projet de société et revêtent de multiples apparences au sein desquelles le numérique a toute sa place. Enjeux, atouts mais également limites, en quoi le numérique contribue-t-il à la durabilité des systèmes alimentaires dont font partie les circuits courts ?

 

Des usages progressifs

Les usages du numérique dans les circuits courts sont graduels

Minimaliste, le premier type d’usage du numérique dans les circuits courts tricote site Web, généralement réalisé à peu de frais, et messagerie électronique, assortie d’une liste de destinataires. Il permet de présenter l’exploitation et de gérer plus facilement le projet au sein de réseaux souvent militants. Des utilisations, que l’on qualifierait d’intermédiaires, reposent sur l’utilisation d’outils commodes d’accès, qui facilitent l’activité et favorisent une communication large : tableurs et documents ; outils marketing ; sites Web, quelque peu complexes associant des données SIG ; outils de gestion des métiers. Un dernier type d’usage repose sur l’utilisation d’outils technologiquement avancés, permettant de gérer davantage de complexité : logiciels e-commerce, plateformes, outils de gestion collaboratifs ou encore dispositifs connectés de distribution de produits alimentaires.

Des objectifs multiples

Les usages du numérique dans les circuits courts poursuivent des objectifs variés, avant tout économiques. Ils contribuent pour les uns, à structurer et à fidéliser une clientèle généralement engagée. Ils facilitent, pour d’autres, l’organisation et la stabilisation d’un débouché. Ils permettent en effet d’atteindre une taille critique favorable à la viabilité économique de la structure et des exploitations associées. Ils aident également à coordonner la structure intermédiaire, lorsqu’il y en a, et à l’organiser de façon pratique. Enfin, ils contribuent à optimiser les coûts.

Renforcer les liens entre producteurs et consommateurs

Les enjeux sont aussi d’ordre social. Les usages du numérique dans les circuits courts concourent à renforcer les liens entre producteurs et consommateurs et plus encore, à créer et/ou à maintenir une relation de confiance entre eux - d’autant plus s’il y a un intermédiaire. Dans un contexte où les expectatives des consommateurs vis-à-vis de produits « plus naturels » ou « sans » progressent, ils peuvent permettre de répondre à des attentes spécifiques, facilitant par exemple l’accès aux données relatives aux produits – origine, composition, modes de production…. Au-delà des freins rencontrés individuellement par les acteurs, ils ouvrent de nouvelles possibilités de coopération et de mutualisation : p. ex. plateforme de commande commune à plusieurs drives fermiers, plateforme de covoiturage partagée entre producteurs dans le but de mutualiser les livraisons de produits tout en réduisant le coût carbone et le temps passé, partage de liste de producteurs ou de clients au-delà des situations de concurrence...

Si les circuits courts doivent avant tout proposer des outils faciles d’accès, pour les producteurs et les intermédiaires comme pour les consommateurs, leurs limites questionnent l’autonomie des utilisateurs lorsque l’outil fixe les règles de fonctionnement, représente un coût important et qu’il est difficile de le modifier. De plus, la charge de travail des producteurs augmente lorsqu’ils doivent saisir, pour chaque plateforme, les informations destinées aux acheteurs ou aux consommateurs et en assurer l’actualisation. Sans oublier que tous doivent maîtriser la nécessaire et réglementaire protection des données personnelles.

Développement des circuits courts, progression de l’usage du numérique, les valeurs que portent les circuits courts doivent également perdurer face à ce changement d’échelle.

Et si on parlait durabilité ?

Avec le numérique, l’accès au circuit de vente se démocratise. De la vente à la ferme au groupement d’achat souverain, des plus traditionnels aux plus innovants, les circuits courts se diversifient et se diffusent tandis qu’ils s’ouvrent à de nouveaux publics. Dans ce contexte, certains outils numériques facilitent la participation des citoyens à la construction du circuit, à son fonctionnement et à sa gestion.

Certains outils numériques facilitent la participation des citoyens à la construction du circuit, à son fonctionnement et à sa gestion

Loin de l’archétype agro-industriel dominant actuel, un nouveau modèle de gouvernance se dessine en effet progressivement à partir des circuits courts - p. ex. Ici.C.Local est une démarche participative simple qui consiste à signaler les produits en circuits courts dans les lieux de vente au détail. Gérée dans chaque territoire par un comité associant des consommateurs, elle peut être utilisée par tous les acteurs économiques des circuits courts : commerçants, artisans, agriculteurs, producteurs-transformateurs. Interactif, participatif, favorisant la transparence ou permettant des apprentissages, il est en phase avec l’idée que les citoyens reprennent la main sur leurs systèmes alimentaires, c’est-à-dire sur la façon d’organiser dans le temps et dans l’espace la production, la transformation, la distribution et la consommation de leur alimentation. Le numérique devient, dans ce cadre, un élément clé en faveur du développement d’une démocratie alimentaire, étudié par l’Inra comme un des leviers de transition des systèmes alimentaires vers plus de durabilité, sociale, économique et environnementale.

Le RMT Alimentation locale
 

Depuis plusieurs années, la distribution alimentaire connaît de profondes mutations. Le renouveau des circuits courts et de l’approvisionnement local en est une illustration.
L'objectif du Réseau mixte technologique Alimentation locale est de fédérer l’ensemble des acteurs de la recherche, de la formation et du développement impliqués dans l’analyse et/ou l’accompagnement des circuits rapprochant producteurs et consommateurs à l’échelle d’une même région, avec un nombre d’intermédiaires limité.

Piloté par la Réseau Civam - Centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural, co-piloté par l’Inra et affilié à l’Acta - Association de coordination technique agricole, il s’articule autour de trois axes de travail :

  • capitaliser les connaissances disponibles et approfondir les thèmes prioritaires dans la perspective d'une alimentation durable ;
  • former, transférer pour favoriser l'appropriation du savoir-faire individuel et collectif ;
  • diffuser les connaissances sur les chaînes alimentaires courtes de proximité et proposer des études prospectives.

En savoir plus

Chiffoleau Y, Bouré M, Akermann G. Les circuits courts alimentaires à l’heure du numérique: quels enjeux ? Une exploration. Innovations agronomiques, 2018, 67, 37.

 

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