Feu bactérien et vagues de chaleur : comment protéger les vergers ?

COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Des recherches menées par INRAE et l’Institut Agro Rennes Angers apportent un nouvel éclairage sur l’immunité du pommier face à une maladie redoutée. Une publication parue sur la Wiley Online Library - Plant Cell & Environment.

Publié le 19 novembre 2025

© INRAE - Catherine Tailleux

Le feu bactérien est une maladie dévastatrice pour les pommiers et poiriers, pouvant conduire à l’arrachage des vergers touchés. Comment les plantes peuvent-elles s’en sortir face à ce fléau ? 
Deux nouvelles études menées par INRAE et l’Institut Agro Rennes Angers décryptent les mécanismes permettant d’immuniser le pommier contre le feu bactérien. Elles montrent également qu’une vague de chaleur peut rendre une plante immunisée plus vulnérable. Alors que les vagues de chaleur vont se multiplier avec le changement climatique, ces découvertes permettent de mieux comprendre la sensibilité des vergers et d’orienter les stratégies de lutte à venir.

Des protéines capables d’étouffer le feu bactérien

Les vergers sont exposés à de nombreux agresseurs, responsables d’une forte utilisation de pesticides. Le pommier, culture fruitière emblématique en France, subit l’assaut d’insectes (comme le carpocapse ou le puceron cendré), de champignons (notamment ceux qui sont responsables de la tavelure ou du chancre européen) et de bactéries, dont Erwinia amylovora, agent du feu bactérien. Cette maladie est particulièrement redoutée des arboriculteurs, qui ne disposent d’aucun traitement efficace une fois la maladie déclarée et doivent souvent arracher les arbres contaminés pour préserver le reste du verger. À Angers, une équipe de recherche s’intéresse aux conditions qui permettent à cette bactérie de se développer, afin de proposer de nouvelles pistes pour freiner la maladie.

Développer des variétés résistantes constitue une stratégie prometteuse, mais très longue lorsqu’il s’agit d’introduire des résistances présentes seulement chez des pommiers sauvages. 
Plusieurs gènes de ce type sont déjà à l’étude, mais ces résistances restent fragiles : elles reposent sur la reconnaissance d’un seul antigène bactérien, facilement contournable par mutation de la bactérie. 
Une autre voie, moins explorée, consiste à activer les mécanismes de défense « dormants » du pommier. L’équipe avait déjà identifié une catégorie de protéines de défense végétales, les agglutinines, capables d’engluer Erwinia amylovora et de circonscrire l’attaque en immobilisant la bactérie. 
Problème : ces protéines sont souvent produites trop tard, quand l’infection est déjà installée. Grâce à une nouvelle technique génomique (NGT), les chercheurs ont réussi à créer un pommier capable de produire ces agglutinines dès le moment où la bactérie s’introduit, le rendant ainsi plus résistant au feu bactérien. Pour cela, ils ont accolé le gène codant pour une agglutinine au promoteur d’un autre gène du pommier, connu pour s’exprimer rapidement en présence de la bactérie. 
Cette découverte montre que le pommier, même sensible, dispose dans son ADN d’un potentiel génétique pour contrer la maladie, à condition qu’il soit activé au bon moment.

Une protection qui fond après une vague de chaleur

Pour stimuler ces défenses sans modifier le génome, les chercheurs se sont également tournés vers des stimulateurs de défense, des produits capables de préparer la plante à réagir avant l’attaque. Ces produits, alternatifs aux pesticides, sont capables de préparer le système de défense de la plante en amont d’une attaque, à l’image des vaccins chez les animaux mais de manière beaucoup plus transitoire. 
L’ASM (acibenzolar-S-méthyl), par exemple, mime une hormone végétale naturelle, l’acide salicylique, connue pour son rôle protecteur contre les agents pathogènes. L’équipe, qui utilise ce composé pour étudier les mécanismes d’immunité du pommier, avait déjà montré que l’ASM pouvait immuniser partiellement les arbres contre le feu bactérien, la tavelure ou encore le puceron cendré, en activant de nombreux gènes impliqués dans la défense – dont ceux qui conduisent à la production d’agglutinines.

Cependant, une nouvelle étude publiée par les chercheurs montre que l’ASM perd son efficacité après une vague de chaleur. Le stress thermique engendré ne profite pas directement à la bactérie, mais empêche le pommier stimulé à l’ASM de déployer efficacement toutes les composantes de son système immunitaire. Il s’agit de résultats majeurs, les vagues de chaleur étant appelées à devenir plus fréquentes, plus intenses et plus longues avec le changement climatique. 
Fait étonnant : l’ASM continue bien d’activer les gènes de défense. Mais la chaleur modifie d’autres aspects du métabolisme, rendant la plante plus accueillante pour la bactérie. Autrement
dit, la plante vulnérabilisée offre à Erwinia amylovora un environnement plus favorable à sa prolifération.

Vers une immunité agroécologique du verger

Considérées ensemble, ces deux études montrent qu’une connaissance fine des mécanismes de défense du pommier permet de mieux cibler les leviers d’action contre le feu bactérien. Elles confirment aussi que l’immunité végétale ne dépend pas seulement des gènes de défense, mais aussi de l’état physiologique de la plante et de son environnement. Ces travaux encouragent à mobiliser le potentiel génétique naturel du pommier dans les programmes de sélection vers des variétés plus résistantes au feu bactérien, et à adapter les traitements stimulateurs selon les conditions climatiques. Ils sont les fruits des recherches menées par l’IRHS (Institut de Recherche en Horticulture et Semences), qui s’intéresse notamment à l’immunité du pommier et du poirier face à leur cortège de bioagresseurs. Publiées dans les revues Horticulture Research et Plant, Cell & Environment, elles contribuent à la conception d’une arboriculture plus durable, moins dépendante des pesticides et mieux armée face au changement climatique.

Article à retrouver : Wiley Online Library - Plant, Cell and Environnement.

Publications

Bodelot A, Dousset N, Ravon E, Heintz C, Brisset M-N, Degrave A, Vergne E (2025) Inducible MdAGG lectins in apple immunity toward Fire Blight: CRISPR/Cas9 validation and their potential for intragenesis approaches. Horticulture Research. DOI: 10.1093/hr/uhaf262 
Chavonet E, Nguyen B, Heintz C, Cournol R, Široká J, Novák O, Larbat R, Gaucher M, Brisset M-N, Pantin F, Degrave A (2025) Welcome pathogens: transient heat dampens immune responses to acibenzolar-S-methyl in apple plants. Plant, Cell & Environment. Accepté le 15/10/2025 et disponible sur bioRxiv

CP_feu_bacterienpdf - 597.76 KB

Contacts scientifiques

Emilie Vergne

IRHS (Institut de Recherche en Horticulture et Semences – UMR INRAE, L’Institut Agro, Université d’Angers).

Alexandre Degrave

IRHS (Institut de Recherche en Horticulture et Semences – UMR INRAE, L’Institut Agro, Université d’Angers).

Florent Pantin

IRHS (Institut de Recherche en Horticulture et Semences – UMR INRAE, L’Institut Agro, Université d’Angers).

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