Biodiversité Temps de lecture 2 min
Une équipe internationale dévoile le catalogue complet des gènes et caractéristiques agronomiques de l’aubergine
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Une équipe internationale, dont fait partie INRAE, publie le catalogue complet des gènes (le pangénome) et des caractéristiques agronomiques (panphénome) de l’aubergine. Plus que le génome, il s’agit de l’ensemble des variations des gènes retrouvés chez cette espèce, comme ceux déterminant la formation des épines. En s’appuyant sur une collection de plus de 3 400 variétés d’aubergines cultivées et sauvages, les scientifiques ont identifié plus de 20 000 familles de gènes et 218 caractéristiques agronomiques incluant la résistance à une maladie fongique ou la teneur en composés antioxydants des fruits. Accessible librement, ce catalogue est une mine d’or pour les sélectionneurs pour produire des variétés sur-mesure, adaptées aux conditions locales de culture et aux variations climatiques en cours. Ces résultats sont publiés dans Nature communications.
Publié le 12 novembre 2025
Au sein d’une espèce, chaque individu possède des gènes qui lui sont propres et le déterminent. Ainsi chez les humains, il existe plusieurs variations du gène déterminant la couleur des yeux ou des cheveux. Le pangénome est le catalogue qui décrit la gamme complète des gènes d’une espèce et de leurs variations entre individus. Pour les plantes cultivées comme l’aubergine, ces variations sont issues de plusieurs milliers d’années de sélection par les humains. Durant plus de 8 ans, les scientifiques ont étudié une collection mondiale de plus de 3 400 variétés d’aubergines cultivées et de leurs ancêtres sauvages : variétés anciennes et modernes inscrites au catalogue, variétés non inscrites qui peuvent être cultivées très localement, variétés sauvages… Parmi ces variétés, près de 700 proviennent du Centre de ressources biologiques légumes d’INRAE à Avignon. Cette collection leur a permis de retracer l’histoire de la domestication et de la dispersion de l’aubergine dans le monde (voir encadré plus bas). Par la suite, les scientifiques ont mené une étude de terrain pour identifier, dans les différentes variétés, les gènes qui définissent les caractéristiques agronomiques associées.
Des études en champ pour caractériser les gènes de l’aubergine
L’équipe de recherche s’est concentrée sur 368 variétés d’aubergines représentatives de la diversité mondiale rencontrée chez cette plante cultivée ainsi que sur 2 de ses ancêtres sauvages : Solanum insanum et Solanum incanum. Le génome de chacune de ces variétés a été séquencé et les scientifiques ont étudié en champ 218 caractères agronomiques, incluant la résistance à la sécheresse, aux maladies ou la composition des fruits. Les 3 essais en champ ont été menés à Valence (Espagne), Montanaso Lombardo (Italie) et Antalya (Turquie), 3 localités aux conditions climatiques différentes avec leurs propres pratiques culturales. Grâce à des analyses bio-informatiques de pointe, les scientifiques ont montré que le génome de l’aubergine contient 16 300 familles de gènes dites essentielles, qui se retrouvent chez toutes les variétés, et 4 000 familles de gènes dites facultatives, qui ne sont présents que chez certaines variétés. De même, lors des essais en champ certains traits ont été retrouvés dans tous les essais, tandis que d’autres traits n’apparaissaient que dans des zones de cultures localisées, suggérant que ces traits sont fortement influencés par l’environnement.
Trois caractères agronomiques d’intérêt
Les résultats ont révélé plus de 3 000 associations entre des traits agronomiques et des gènes ainsi que, pour la plupart, les mutations de l’ADN responsables de ces traits. Dans cette publication en particulier, les scientifiques décrivent 3 caractères d’intérêt pour l’agriculture et les gènes associés :
- la résistance au fusarium, une maladie fongique grave qui affecte la productivité des aubergines,
- la teneur en acides isochlorogéniques, qui sont des composés antioxydants présentant un intérêt pour la santé mais également associés à l’amertume et au brunissement de la chair des fruits,
- la formation d’épines.
Les 215 autres caractères feront l’objet de futures publications.
Alors que la production mondiale de l’aubergine avoisine 60 millions de tonnes par an, la publication du catalogue complet des gènes et caractères agronomiques de ce légume est une avancée majeure permettant non seulement de mieux comprendre le passé, mais aussi de se projeter dans le futur. Toutes ces données, accessibles publiquement, permettront aux sélectionneurs de produire des variétés d’aubergine sur mesure, adaptées aux contraintes environnementales et climatiques locales et aux habitudes de culture et de consommation. Ces résultats soulignent également l’importance de la conservation de la biodiversité génétique des espèces et le rôle crucial des centres de ressources biologiques pour faire progresser les recherches en génétique végétale et construire l’agriculture de demain.
Retracer l’histoire de l’aubergine
L’étude de cette collection mondiale a permis de retracer l’histoire de la domestication des aubergines qui a débuté en Inde et en Asie du Sud-Est, puis de leur dispersion vers le Moyen-Orient, l’Europe et l’Extrême-Orient (Chine et Japon), probablement par les routes commerciales arabes et chinoises. Les scientifiques ont analysé les caractéristiques façonnées à la fois par la sélection humaine et par les contraintes de l'environnement dans les principales régions de culture de l’aubergine. Par exemple, les variétés originaires d'Inde et d'Asie du Sud-Est ont conservé la couleur non violette de leur peau et les feuilles épineuses typiques de leurs ancêtres sauvages, tandis que ces traits ont progressivement disparu dans d’autres régions du monde.
Référence
Gaccione L. et al. (2025). Graph-based pangenomes and pan-phenome provide a cornerstone for eggplant biology and breeding. Nature communications, DOI : https://doi.org/10.1038/s41467-025-64866-1
Étude réalisée dans le cadre des projets européens G2P-SOL et PRO-GRACE
Les centres de ressources biologiques (CRB) explorent, collectent, caractérisent et conservent la diversité biologique et génétique des espèces d’animaux domestiques, de plantes modèles ou cultivées, des espèces sauvages apparentées, des microorganismes d’intérêt agronomique ou agro-alimentaire, des microorganismes et organismes de l’environnement. INRAE gère ou co-gère 28 CRB dont le CRB légumes à Avignon qui assure la gestion et l’enrichissement des collections de 5 espèces légumières : l’aubergine, la tomate, le piment (incluant aussi le poivron), le melon et la laitue. La collection d’aubergines comprend près de 2 000 variétés cultivées, inscrites et non inscrites au catalogue, et sauvages. Les variétés non commercialisées sont accessibles au public sur demande en échange d’une contribution financière.