Biodiversité 3 min
L’histoire de la domestication des abricotiers retracée par la génomique
COMMUNIQUE DE PRESSE - INRAE, les universités de Bordeaux et Paris-Saclay et le CNRS ont analysé les séquences du génome entier de plus de 900 abricotiers cultivés et espèces apparentées sauvages, provenant de différentes origines géographiques. Les résultats permettent d'améliorer l’état des connaissances sur les processus d'adaptation et d’identifier des régions génomiques importantes pour la sélection et la culture des arbres fruitiers. Publiée dans Nature Communications le 25 juin 2021, cette étude retrace les événements de domestication, datant de 2 000 à 3 000 ans, des abricotiers cultivés aujourd’hui en Europe et en Chine. Malgré leurs caractéristiques similaires, ces abricotiers issus de populations sauvages distinctes d’Asie centrale ont connu des chemins de domestication indépendants. Le cycle de vie, la qualité du fruit, et la résistance aux maladies sont autant de caractères associés aux gènes affectés par la sélection humaine de ces arbres.
Publié le 25 juin 2021
Au cours de la domestication des arbres fruitiers, la sélection humaine a agi sur leurs caractères reproductifs et végétatifs (comme la période de floraison), sur les caractères de leurs fruits (par exemple leur taille, acidité, fermeté, saveur), ainsi que sur leur réponse aux stress biotiques (comme les bactéries et insectes ravageurs) et abiotiques (par exemple la sécheresse, le froid). Cette sélection humaine laisse des empreintes récentes et fortes dans le génome, plus faciles à détecter que celles laissées par la sélection naturelle.
L'abricotier est un bon modèle d’étude pour identifier les gènes qui ont été sélectionnés pendant la domestication et pour étudier les processus d'adaptation des arbres fruitiers : il possède un petit génome (~220 Mb[1], soit moins de deux fois celui de l’arabette des dames, Arabidopsis thaliana et 70 fois plus petit que celui du blé), et des populations sauvages partageant un ancêtre commun avec l’abricotier cultivé sont disponibles. Pour reconstituer l'histoire de leur domestication, INRAE, l’université de Bordeaux, l’Université Paris-Saclay, et le CNRS ont assemblé quatre génomes de haute qualité[2] à partir de l’espèce domestiquée et de ses espèces apparentées et ont analysé les séquences de plus de 900 accessions[3] provenant de différentes origines géographiques, de par le monde entier.
Différents évènements de domestication
Prunus armeniaca L. désigne à la fois l'ancêtre sauvage de l’abricotier et l'espèce cultivée commune. Ses populations naturelles existent encore uniquement en Asie centrale[4]. Outre les abricotiers cultivés et sauvages, les chercheurs ont également étudié les quatre autres espèces apparentées de la section Armeniaca : trois endémiques de l’Asie de l’Est[5], principalement de Chine, et une présente dans les Alpes françaises et italiennes[6].
L’étude montre que les abricotiers cultivés chinois et européens forment deux groupes génétiques différenciés, qui résultent d'événements de domestication indépendants. Longtemps considéré comme originaire de Chine, l’abricotier cultivé européen est originaire de la population sauvage du nord de l'Asie centrale, tandis que les abricotiers cultivés chinois ont été domestiqués à partir de la population du sud de l’Asie centrale. Les abricotiers cultivés en Europe et en Chine partagent aujourd’hui des caractéristiques analogues (forme et taille des fruits, phénologie des arbres, etc.), ce qui suggère une adaptation convergente au cours d’évènements de domestication parallèles. Se pose alors la question : cette adaptation convergente se produit-elle par des changements dans les mêmes régions génomiques ?
Différentes régions génomiques impactées
Malgré leurs caractères similaires, les empreintes de sélection humaine chez les abricotiers cultivés européens et chinois ont été relevées dans des régions différentes de leur génome. Cela indique que différentes modifications génomiques peuvent conduire au même phénotype adaptatif. Dans les deux groupes, les gènes affectés par la domestication humaine avaient des fonctions prédites impliquées dans le cycle de vie pérenne, la qualité du fruit et la résistance aux maladies. La grande taille des populations d’abricotiers, le cycle de vie long[7] des cultures pérennes, et le flux génétique ultérieur observé entre les populations sauvages et cultivées ont permis de maintenir chez les abricotiers domestiqués une diversité génétique élevée et une proportion relativement faible du génome affecté par la sélection (0,42 % et 0,22 % chez les abricots européens et chinois, respectivement).
Par rapport aux cultures annuelles comme le maïs ou le riz, les impacts de l'évolution de ces caractères adaptatifs chez les arbres fruitiers sur leur génome, en réponse à la domestication, sont peu étudiés et mal connus. Les résultats de cette étude permettent d'améliorer l’état des connaissances sur leurs processus d'adaptation. L’identification des régions génomiques impactées par la sélection humaine procure des indices sur la biologie des caractères sélectionnés lors de la domestication, ainsi que des cibles pour la recherche et la sélection des arbres fruitiers.
[1] Millions de paires de bases
[2] L’assemblage de haute qualité consiste à assembler les lectures issues du séquençage (longs et courts fragments) en séquences plus longues (contigs ou pseudomolécules) avec l'objectif d'obtenir une séquence par chromosome unique.
[3] Accessions : Individus provenant d’une collecte de matériel de multiplication, prélevés à un moment en un endroit. Les accessions sont identifiables de façon unique et chaque accession représente un arbre-mère prélevé in situ, un cultivar, une lignée ou une population.
[4] Liu et al., 2019 (DOI : 10.1111/mec.15296) ; Decroocq et al., 2016 (DOI : 10.1111/mec.13772)
[5] P. mume, P. sibirica L., P. mandshurica
Référence Groppi, A., Liu, S., Cornille, A. et al. Population genomics of apricots unravels domestication history and adaptive events. Nat Commun 12, 3956 (2021). DOI: 10.1038/s41467-021-24283-6 |