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Le doctorat, tremplin vers le monde de l'entreprise
Et si le doctorat ouvrait les portes de la recherche et de l’innovation en entreprise ? À Clermont-Ferrand, le module « Docteurs en entreprises » aide les actuels doctorants, futurs jeunes chercheurs, à identifier et valoriser leurs compétences pour pouvoir ensuite envisager d’évoluer vers le monde économique. Témoignages, visites, mises en situation : une formation humaine et stratégique pour élargir les horizons de la recherche.
Publié le 20 août 2025

Un module pour faire dialoguer deux mondes
Ils sont une quinzaine chaque année à pouvoir vivre l’expérience ! Doctorants à l’Université Clermont Auvergne (UCA), ils s’engagent sur inscription dans le module « Docteurs en entreprises ». Objectif ? Explorer un monde souvent lointain du leur – celui de l’entreprise – et découvrir que leur savoir-faire de chercheur peut y trouver sa place.
Pensé comme un trait d’union entre le milieu académique et le tissu économique, ce module repose sur une conviction forte : les compétences développées au cours d’une thèse sont transférables et précieuses pour les entreprises. « Il ne s’agit pas de faire abandonner la recherche aux doctorants, mais de leur ouvrir d’autres perspectives, plus larges et souvent inattendues, hors du monde académique », explique Yohann Wittrant, chercheur à INRAE et co-pilote du dispositif.
Un parcours en immersion dans la réalité des entreprises
Organisé en plusieurs temps forts, le module combine introspection, rencontres et terrain. Dès la première séance, les doctorants sont invités à prendre conscience de leurs compétences, à identifier leurs savoirs, leurs savoir-être et à s’interroger sur leurs aspirations. Suit une série de rencontres inspirantes avec des chefs d’entreprise, créateurs de start-up et docteurs investis ou passés dans le privé.
« Ces témoignages sont précieux, confie Laurianne Voland, doctorante à INRAE et participante au module lors de sa deuxième année de thèse. On y entend des parcours parfois sinueux, mais toujours riches d’enseignements. Cela donne confiance. » Laurianne, actuellement engagée dans une thèse à l’Unité mixte de recherche sur les herbivores (UMRH), a vu dans ce module un tremplin. Elle y a découvert les outils pour valoriser son expertise et surtout, le goût d’une aventure professionnelle hors du cadre académique dans lequel elle évolue actuellement.
De la thèse au business model : une passerelle pourtant évidente…
Le cœur du module, ce sont aussi les visites d’entreprises : immersion dans les lignes de production, discussion autour de la place de la R&D, découverte des modèles économiques… Un bain de réalité où les doctorants prennent la mesure des défis socioéconomiques et de la place que peut y prendre la science.
Yohann Wittrant n’hésite pas à tracer des parallèles : « Entre une démarche scientifique déployée pour une thèse et un processus d’innovation en entreprise, il y a plus de similitudes qu’on ne le croit. Une thèse, c’est poser une hypothèse, faire une veille, de la bibliographie, interroger l’existant, obtenir des financements, dérouler un protocole et in fine valoriser des résultats… En entreprise, on parle d’idée de produit, pour laquelle il faut réaliser une étude de marché, un business plan, déployer une ligne de production puis en venir à la commercialisation qui nécessite de valoriser son produit par du marketing. C’est un même cheminement, une même rigueur. »

Former autrement, investir autrement
"Je vis cette double vie – recherche et entreprise – comme un enrichissement mutuel. Les protocoles développés dans la start-up nourrissent ma recherche et inversement. Ce module, c’est aussi transmettre cette réalité-là." - Yohann Wittrant, chercheur à l'UNH et fondateur de la start-up Clinic'n'Cell
Il s’agit de la sixième édition en 2025. La réussite du module « Docteurs en entreprises » repose sur une équipe engagée d’une dizaine de personnes issues du secteur académique ou privé (avec une parité public/privé et femme/homme quasi parfaite), regroupées sous la bannière de l’association Ingénieurs et scientifiques de France (IESF) Auvergne. Autour de Yohann Wittrant, William Buissière, professeur à l’UCA et Jacques Berbey, ancien haut cadre Michelin (et parent de l’initiative), d’autres personnalités comme Laurianne Voland s’impliquent pour faire vivre et évoluer le dispositif. Enthousiasmée par son expérience, Laurianne contribue aujourd’hui à l’animation du projet et n’hésite pas à prendre sa part en termes d’organisation et de logistique. Une manière de renforcer son réseau, mais aussi de rendre ce qu’elle a reçu. Dans cette perspective, les membres suscités, sont également engagés avec le Collège des Écoles Doctorales pour la création d’une association des docteurs de l’UCA (équivalent des Alumni des Grandes Écoles). Pour Yohann, qui a fondé la start-up Clinic’n’Cell en 2020 en parallèle de son activité de chercheur à INRAE, cette implication est une évidence : « C’est une mission transversale qui fait pleinement sens. Je vis cette double vie – recherche et entreprise – comme un enrichissement mutuel. Les protocoles développés dans la start-up nourrissent ma recherche et inversement. Ce module, c’est aussi transmettre cette réalité-là. »
Répondre aux défis de demain
Alors que seuls 10 % des doctorants poursuivront leur carrière dans le monde académique, l’enjeu est de taille. Il ne s’agit pas seulement de préparer des trajectoires individuelles, mais aussi de répondre aux besoins croissants d’innovation des entreprises, en leur faisant mieux connaître la richesse des profils doctorants et ce qu’ils peuvent apporter à l’entreprise. « Ce module est un levier pour valoriser le doctorat dans le monde économique, conclut Yohann. Mais c’est aussi un formidable outil pour révéler aux jeunes chercheurs leur propre potentiel, là où ils ne l’attendaient pas. »