Agroécologie Temps de lecture 6 min
Diminution de la fraction de protéines animales dans l’alimentation de la population française : des impacts environnementaux contrastés
Il existe un consensus sur la nécessité de réduire la part de protéines animales dans l’alimentation humaine afin qu’elle soit plus durable et plus saine. Cette étude montre que les effets potentiels sur l'environnement de régimes alimentaires différant par la part de protéines animales, sont contrastés. Il existe en particulier un risque fort de diminution de la biodiversité et de la disponibilité de la ressource en eau si les modes de production agricole ne sont pas radicalement modifiés en parallèle.
Publié le 24 avril 2025

La diminution de la part des protéines animales dans l’alimentation humaine est un objectif à poursuivre pour des raisons environnementales et de santé. Néanmoins, il est nécessaire d’évaluer l’ensemble des conséquences associées à ce changement de régime alimentaire. Les chercheurs de l’UMR Sas et de l’UMR Pegase, en collaboration avec l’UMR Moisa (département Ecosocio) et la société MS Nutrition, ont conduit une étude consistant à simuler les impacts environnementaux d’un régime alimentaire moyen des français, le plus bas possible à la fois en protéines totales et en protéines animales, tout en respectant les besoins nutritionnels, sans augmenter les coûts par rapport au régime moyen actuel (régime Act).
Ces nouveaux régimes ont été modélisés pour cinq sous-populations d'adultes (définies par le sexe et l’âge) *, en combinant la base de données INCA2 (pour les régimes Act de la population française) et une base de données de 207 produits alimentaires pour ajuster les paramètres nutritionnels et les prix.Un régime pauvre en protéines animales (Low) a été identifié pour chaque sous-population en diminuant par paliers de 5 % la part de protéines animales, jusqu'à la limite de satisfaction des besoins nutritionnels qui varient selon l’âge et le sexe. Un régime Low pour l'ensemble de la population a été calculé comme une moyenne pondérée des régimes Low des sous-populations. Les impacts environnementaux potentiels des régimes Low ont été évalués en mobilisant la méthode d’analyse du cycle de vie, en prenant en compte huit catégories d'impact et en utilisant la base de données nationale Agribalyse® 3.0. Dans cette étude a été introduit en plus un impact sur la biodiversité associée à l’utilisation des terres, en modifiant les bases de données et les méthodes de caractérisation selon la méthode de Knudsen et al. (2017).
Les résultats montrent qu’il est possible d’abaisser la fraction de protéines animales, représentant actuellement 70 % du régime Act, jusqu’à 50 % (Low) sans dégrader les caractéristiques nutritionnelles des régimes** et leur accessibilité financière. Comparé au régime Act, le régime Low est associé à une amélioration potentielle de cinq impacts environnementaux : le changement climatique, l'acidification et l'occupation des terres (au moins -30 % pour chacun), la demande énergétique cumulée (-23 %) et l'eutrophisation marine (-13 %). Cependant, trois impacts environnementaux sont dégradés : l'eutrophisation de l'eau douce et l'utilisation de l'eau (d'environ +40 % dans les deux cas) et le potentiel de dommages à la biodiversité (-66%), ceci en raison de la diminution des surfaces en prairies et de l’augmentation des surfaces en cultures intensives irriguées.
La réduction de la part des protéines animales jusqu’à 50 % du total permet bien de couvrir les besoins nutritionnels, et de respecter les contraintes en matière d'accessibilité financière et de consommation, mais elle a des effets contrastés sur l'environnement. Il existe en particulier, sans révision profonde de nos modes de production agricoles, un risque fort de dégradation de la biodiversité et de la disponibilité en eau. Les spécificités des territoires, la disponibilité des ressources et les habitudes alimentaires des habitants sont également des paramètres à prendre en compte.
*Femmes : <50 ans, 50-65 ans, 65 ans et +, Hommes : <65 ans, 65 ans et +
**La diminution de la part des protéines animales en dessous de 50 % des protéines totales de la ration (sans complément alimentaire), compromettrait l'adéquation nutritionnelle de la population française (sauf pour les hommes de moins de 65 ans pour lesquels 45 % est acceptable)
Références : Aubin, J.; Vieux, F.; Le Féon, S.; Tharrey, M.; Peyraud, J.L.; Darmon, N., 2025. Environmental trade-offs of meeting nutritional requirements with a lower share of animal protein for adult subpopulations. Animal, 19: 12. https://doi.org/10.1016/j.animal.2024.101182
Knudsen, M.T., Hermansen, J.E., Cederberg, C., Herzog, F., Vale, J., Jeanneret, P., Sarthou, J.P., Friedel, J.K., Balazs, K., Fjellstad, W., Kainz, M., Wolfrum, S., Dennis, P., 2017. Characterization factors for land use impacts on biodiversity in life cycle assessment based on direct measures of plant species richness in European farmland in the 'Temperate Broadleaf and Mixed Forest' biome. The Science of the total environment. 580, 358-366. https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2016.11.172