Comprendre ce qui freine la transition agroécologique en élevage à partir de cinq exemples concrets

Ce travail explore les freins à la transition agroécologique des systèmes d’élevage à travers cinq études de cas en Suisse, en Guadeloupe, en France métropolitaine (Massif Central), en Bulgarie et en Espagne (Andalousie). Les résultats montrent l’importance déterminante de l’implication de l’ensemble des acteurs des filières concernées.

Publié le 22 mai 2025

© INRAE

L’agroécologie est une voie prometteuse pour réduire les impacts environnementaux négatifs de l’élevage et pour concevoir des systèmes alimentaires éthiquement acceptables. Jusqu’à présent, la plupart des recherches ont été réalisées à l’échelle du troupeau, de la parcelle ou de la ferme, sans vraiment prendre en compte les dimensions sociales de l’agroécologie. 
Cet article porte sur l’analyse de la manière dont les 13 principes de l’agroécologie définis par le HLPE (2019)* sont mobilisés dans cinq contextes différents : Suisse, Guadeloupe, Massif Central, Bulgarie et Andalousie. Les résultats consistent en une grille de lecture des freins à la transition, associant huit dimensions : politiques publiques, marchés, infrastructures, technologie, réseaux de coopération, accès aux terres, culture, équité.

La collecte de données s’est déroulée en trois étapes : (i) recensement des pratiques relevant des principes édictés par le HLPE, (ii) auto-évaluation de l’importance de chaque principe selon qu’ils sont jugés structurants, importants ou plus marginaux par les pilotes de l’étude de cas, et (iii) identification des freins et leviers à la transition.

L’ensemble des 13 principes a été mobilisé dans tous les cas d’étude, mais avec une importance relative variable. 
En Suisse, l’accent est mis sur le développement de mélanges prairiaux multi-espèces qui permettent de réduire les intrants et de préserver la santé des sols et la biodiversité. Une collaboration entre les entreprises qui produisent les semences, les chercheurs et les agriculteurs qui les testent en champ a permis de certifier ces mélanges et de leur attribuer un label de qualité. Leur coût de production est élevé, mais permet un effort de recherche-développement pérenne.
En Guadeloupe, les microfermes familiales diversifiées combinent la culture de la canne et de la banane, des cultures vivrières et un petit élevage (ruminants, porcs et volailles) qui valorise les résidus agricoles. Ce « Jardin Créole » fournit des produits frais aux personnes à revenus modestes et préserve l’agrobiodiversité, malgré des obstacles liés au manque d’infrastructures et de mécanisation adaptée (de petite taille). 
Le cas du Massif Central illustre un modèle laitier citoyen qui combine des attentes en matière de bien-être animal et de préservation d’une biodiversité floristique et de paysages emblématiques, dans un environnement vulnérable face au changement climatique. Le pâturage des veaux est plébiscité par les citoyens mais il entraine une modification de la couleur de leur viande (plus rosée), ce qui peut constituer un frein au développement de cette nouvelle filière.
En Bulgarie, l’accent est mis sur l’élevage extensif dans une zone à haute valeur environnementale, avec une gouvernance locale de l’accès aux pâturages communaux. Le projet prévoit un système de paiement pour les services écosystémiques rendus, mais l’absence de règles limitant le chargement menace les communautés végétales d’intérêt patrimonial. Un autre frein majeur est l’absence d’infrastructures de transformation à l’échelle locale (abattoirs, laiteries).
En Andalousie, les systèmes sylvopastoraux associent l’élevage traditionnel (porcs ibériques, ovins et caprins) avec la culture de châtaignes et le maraichage, dans une stratégie de diversification économique. L’implication de la société civile dans l’accueil de néo-ruraux, la construction d’un abattoir et la consolidation de circuits de commercialisation locaux traduit la priorité donnée aux principes sociaux de l’agroécologie.

L’analyse comparative des freins au développement de ces différents systèmes agroécologiques met en évidence la nécessité de disposer d’infrastructures adaptées et de lever certains verrous techniques. Pour être efficaces, les politiques publiques doivent non seulement soutenir les systèmes de production « vertueux », mais aussi agir sur les maillons de la filière en amont et en aval. Des réseaux de collaboration structurés et l’intérêt du consommateur pour les produits locaux sont des opportunités à saisir. La réussite de la transition agroécologique en élevage ne se limite donc pas à des ajustements techniques : elle requiert une vision systémique et un engagement à long terme de l’ensemble des acteurs locaux.

*High Level Panel of Expert, 2019. HLPE Report 2019-Agroecological and other innovative approaches, FAO, Rome, Italy.  https://openknowledge.fao.org/server/api/core/bitstreams/ff385e60-0693-40fe-9a6b-79bbef05202c/content

Référence : Dumont, B.; Barlagne, C.; Cassart, P.; Duval, J.E.; Fanchone, A.; Gourdine, J.L.; Huguenin-Elie, O.; Kazakova, Y.; Klötzli, J.; Lüscher, A.; Oteros-Rozas, E.; Pomies, D.; Rivera Ferre, M.G.; Rossing, W.A.H.; Stefanova, V.; Swartebroeckx, A.; Zagaria, C., 2025. Principles, barriers and enablers to agroecological animal production systems: a qualitative approach based on five case studies. Animal, 19: Suppl.1, 101367 https://doi.org/10.1016/j.animal.2024.101367 

Sylvie André

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