Changement climatique et risques Temps de lecture 5 min
Une bourse ERC pour étudier la dynamique des forêts à partir des feuilles
Marc Peaucelle reçoit une bourse Starting Grant du Conseil européen de la recherche pour son projet LeafPace. Chargé de recherche INRAE, il a pour ambition de comprendre le cycle de vie des feuilles d’arbres et leur réponse aux changements environnementaux et aux événements climatiques extrêmes. Ces travaux, essentiels pour évaluer la résilience des forêts, mobiliseront modélisation des processus, observations expérimentales et télédétection satellitaire.
Publié le 08 février 2024

Les forêts couvrent environ 30 % de la surface terrestre et jouent un rôle majeur dans les cycles du carbone, de l’eau et de l’énergie, rendant par ailleurs de nombreux services écosystémiques. Elles sont, aujourd’hui, confrontées à de multiples perturbations naturelles, d’origine météorologique ou causées par des organismes vivants et subissent de nombreux changements structurels et physiologiques.
À l’échelle de l’arbre, la feuille est le siège de la photosynthèse, ce processus qui permet à la plante de synthétiser de la matière organique en utilisant l'énergie lumineuse, l'eau et le gaz carbonique. À l’interface de la plante et de l’atmosphère, la feuille est un élément déterminant du fonctionnement de ces écosystèmes forestiers.
De la phénologie des feuilles…
Le cycle de vie des feuilles, du développement des bourgeons (ou débourrement) en passant par le déploiement des feuilles, leur maturation et jusqu’à leur sénescence, est ce que l’on nomme la phénologie des feuilles. À ce jour, les facteurs environnementaux qui contrôlent cette succession d’évènements ne sont pas totalement connus malgré l’importance du sujet.
Leafpace – Will leaf phenology keep pace with climate changing (5 ans et 1,5 millions d’euros) a pour objectif de construire le premier cadre intégratif pour comprendre et quantifier les déterminants de la phénologie des feuilles en forêt, basée sur des processus biophysiques et écophysiologiques à toutes les échelles et évaluer la réponse de la dynamique forestière mondiale au changement climatique. L’idée : la réponse de la phénologie aux facteurs environnementaux résulterait de l’optimisation de l’utilisation des ressources et des processus en fonction des conditions locales.
Leafpace mobilise modélisation des processus, observations expérimentales et télédétection satellitaire dans une approche pluridisciplinaire. Il s’appuie notamment sur l’infrastructure européenne de recherche ICOS (Integrated Carbon Observation System ou système intégré d'observation du carbone), Spécifiquement dédiée à la mesure des flux et des concentrations des gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane et oxyde nitreux) dans l’atmosphère, les continents et les océans, ICOS mobilise plus de 500 chercheurs et ingénieurs de 17 pays européens et comprend 130 stations.
Leafpace bénéficie également de nombreux partenariats scientifiques français et européens.
Ces connaissances sont nécessaires pour estimer au mieux le cycle du carbone et évaluer la réponse des forêts au changement climatique. Ces innovations permettront de débloquer plusieurs domaines dans lesquels la phénologie joue un rôle central (sylviculture, agriculture) et d'ouvrir un champ de questions de recherche et d'applications inexploitées qui nécessitent une prévision solide de la dynamique forestière (sécheresse, incendies).

Le programme du Conseil européen de la recherche finance la recherche exploratoire avec pour unique critère l'excellence scientifique. Il permet aux chercheurs d'identifier de nouveaux domaines de recherche, tout en reconnaissant le statut et la visibilité des esprits les plus brillants d'Europe.
L'objectif ultime est de construire une recherche européenne prête à répondre aux besoins d'une société basée sur la connaissance et à fournir la recherche de pointe nécessaire pour relever les défis mondiaux.
À la résilience des forêts
Comprendre pourquoi les arbres développent ou perdent leurs feuilles est donc essentiel pour évaluer la résilience des forêts. Et si le projet LeafPace concerne les feuilles des arbres, les travaux que Marc Peaucelle conduit dans l’unité Interactions Sol Plante Atmosphère, du centre de recherche Nouvelle-Aquitaine-Bordeaux, vont globalement encore plus loin : centrés sur la macroécologie forestière à l’échelle mondiale, ils s’intéressent à la façon dont les forêts, des zones boréales aux tropiques, évoluent dans un environnement donné.
« Comprendre le fonctionnement de plus de 60 000 espèces d’arbres dans le monde et leur réponse aux changements globaux est un véritable défi. En tant qu’écologiste forestier et modélisateur, j’ai toujours été fasciné par les interactions complexes entre des processus à première vue indépendants au sein des écosystèmes et la mise à l’échelle des réponses de la feuille au paysage », commente le jeune chercheur.
En témoigne son implication dans l’initiative internationale One Forest Vision où il est investi dans l’acquisition et l’analyse d’observations en forêt tropicale ou encore, son implication dans l’initiative TSARA – Transformer les systèmes alimentaires et l’agriculture par la recherche en partenariat avec l’Afrique - où il travaille à comprendre et modéliser la dynamique et de la résilience de la forêt pluviale africaine.
L’initiative One Forest Vision vise à cartographier à l’arbre près et à mesurer le bilan de carbone des réserves les plus vitales de carbone et de biodiversité des bassins forestiers d’Amazonie, d’Afrique et d’Asie dans les 5 prochaines années.
Consacrée au One Forest Summit à Libreville (Gabon) en mars 2023, cette initiative a pour objectif de collecter et rassembler des données de haute qualité à l'échelle du paysage afin de fournir des données d'étalonnage et de validation robustes pour les nouvelles technologies de télédétection et l’IA afin de mieux cartographier la déforestation, la dégradation des forêts et les émissions de carbone qui en résultent.
Ses travaux explorent également les traits fonctionnels des feuilles (taille, concentration en éléments chimiques…) et leur diversité en lien avec la stratégie des espèces à s’adapter au changement climatique.
Une recherche innovante qui intègre des échelles spatiotemporelles larges dédiée aux forêts pour une carrière déjà riche de belles réussites.
Mini-CV
36 ans
- Parcours professionnel
Depuis décembre 2021 - Chargé de recherche INRAE, unité Interactions sol-plante-atmosphère (INRAE, Bordeaux Sciences Agro), Bordeaux
2019-2021 - Chercheur postdoctoral, université de Gand (BE)
2017-2019 - Chercheur post-doctoral, Centre de recherche sur les applications écologiques et forestières (Creaf), Barcelone (ES) - Formation
2016 - Doctorat Sciences de l’environnement, université Paris 6
2012 - Master Écologie et sciences des plantes, université Paris Saclay
2012 - Diplômé de l’École nationale supérieure de Cachan