Société et territoires Temps de lecture 4 min
Le boom des jeux sérieux
Depuis leur apparition à la fin des années 60, les jeux sérieux se sont révélés être des outils innovants pour la recherche scientifique. INRAE s’est emparé du sujet via la plateforme nationale GAMAE lancée en 2021. Gilles Martel, chercheur INRAE (Rennes), nous livre son regard sur ce dispositif étroitement associé à son travail de scientifique.
Publié le 12 février 2025

Quel est l’intérêt des jeux sérieux dans le monde de la recherche ?

Gilles Martel : Les jeux sérieux sont des outils précieux pour la recherche, répondant à des objectifs variés. Ils permettent de réunir divers acteurs autour d’une table (citoyens, décideurs, associations…) dans un cadre ludique qui favorise la créativité et la concertation. En s’affranchissant des contraintes du réel, les participants se sentent plus libres d’exprimer leurs idées qui sont ensuite analysées lors des débriefings pour envisager leur transposition dans le monde réel.
Le jeu permet également de capter des connaissances, comme le montre le Rami Fourrager, où les éleveurs simulent des stratégies de gestion de ressources fourragères. C’est aussi un moyen de diffusion du savoir auprès d’un public varié. Ils peuvent être conçus pour former des étudiants, sensibiliser les agriculteurs à de nouvelles pratiques ou vulgariser des connaissances auprès du grand public.
Quelles sont les limites et pistes d’amélioration des jeux sérieux ?
Gilles Martel : Le jeu oblige à simplifier les données et les mécanismes (biologiques ou sociaux) pour les rendre compréhensibles auprès d’un large public, C’est par exemple le cas du jeu PayZZage qui donne une meilleure lisibilité des interactions locales. L’intervention d’un animateur reste indispensable pour rendre le jeu accessible et s’assurer qu’il soit simple mais pas simpliste.
Par ailleurs, la thèse de Rebecca Etienne (INRAE Clermont-Ferrand) sur la contribution des jeux pour le changement de pratiques des agriculteurs illustre l’efficacité du jeu pour sensibiliser et former sur des enjeux spécifiques. Cependant, leur impact réel reste à approfondir. Si les retours immédiats sont positifs, leur influence à long terme sur les comportements est plus difficile à évaluer.
Quelles sont les tendances actuelles ?
Gilles Martel : Depuis les années 2000, les jeux sérieux se démocratisent, notamment en agriculture. Bien conçus et évalués, ils promettent de jouer un rôle clé dans la recherche et l’accompagnement des transformations sociétales. Ils semblent également pertinents pour favoriser l’interdisciplinarité, combinant sciences sociales, agronomie ou législation par exemple. Ces démarches ouvrent la voie à une science participative et à des collaborations enrichies entre chercheurs et acteurs du terrain.
Références :
Dernat, S., Grillot, M., Andreotti, F., & Martel, G. (2025). A sustainable game changer? Systematic review of serious games used for agriculture and research agenda. Agricultural Systems, 222, 104178. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0308521X24003287
Kriz, W. C., Salliou, N., & Martel, G. (2024). Willy Christian Kriz : Current trends and challenges in evaluating the use of games in research. Natures Sciences Sociétés. https://doi.org/10.1051/nss/2024050