Biodiversité 4 min

Gérer les forêts de manière durable : une nécessité urgente

Les forêts sont fortement impactées par les changements globaux. Or, elles jouent un rôle clé dans de nombreux processus écologiques et fournissent une grande quantité de services. Les scientifiques d'INRAE promeuvent par le biais de leurs travaux une gestion durable et raisonnée de ces écosystèmes précieux.

Publié le 04 octobre 2018 (mis à jour : 25 novembre 2019)

illustration Gérer les forêts de manière durable : une nécessité urgente
© INRAE

Direction Montpellier, pour un échange avec Sandra Luque, chercheuse à l’unité TETIS. Les forêts et les paysages forestiers du monde entier doivent faire face aux changements globaux, comme le changement climatique, en particulier lors d'événements météorologiques extrêmes. Les impacts nouveaux et changeants des pathogènes et l'évolution de la demande sociale en matière de foresterie et d'utilisation des terres - augmentation de la demande en viande et produits laitiers, de production de bioénergie et de services environnementaux – engendrent également une pression sur la biodiversité forestière.

Les forêts sont une composante clé des écosystèmes terrestres et jouent un rôle primordial dans la régulation du cycle mondial du carbone, la protection de la biodiversité, la régulation du climat et d'autres processus écologiques comme l'hydrologie et la dynamique des nutriments. Elles produisent aujourd’hui une gamme complexe de produits allant des services écosystémiques forestiers au bois et aux bioproduits. Actuellement, la dégradation et la disparition des forêts menacent la survie de nombreuses espèces et réduisent la capacité des forêts à fournir des services essentiels .
Il est donc indispensable de gérer les forêts de manière durable et raisonnée. C’est la raison pour laquelle de nombreux scientifiques à travers le monde les étudient et cherchent à comprendre comment elles fonctionnent et comment les gérer. Parmi eux : les chercheuses et chercheurs de l’unité TETIS d'INRAE Occitanie-Montpellier.

La biodiversité forestière menacée

Malgré leur rôle crucial, les forêts continuent à perdre du terrain : alors qu'en 1990 elles couvraient environ 4,128 milliards d'hectares en 2015 elles ne couvrent plus que 3,999 milliards d'hectares ou 30,6% des terres. Quelques 129 millions d'hectares de forêts - une superficie presque équivalente en taille à l'Afrique du Sud - ont été perdus depuis 1990 . Selon des données satellitaires de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, une zone de forêt amazonienne de la taille d'un terrain de football est maintenant défrichée toutes les minutes. La déforestation peut se produire rapidement, par exemple lorsqu'un feu balaie le paysage (comme c’est le cas actuellement au Brésil) ou lorsque la forêt est coupée à blanc pour faire place à une plantation de palmiers à huile. Alors que la déforestation semble être en déclin dans certains pays, elle reste à un niveau inquiétant dans d'autres - dont le Brésil et l'Indonésie - et une grave menace pour les forêts les plus précieuses de notre planète demeure d’après le WWF.

La déforestation et la dégradation des forêts ont également un impact sur la vie de 1,6 milliards de personnes dont les moyens de subsistance dépendent des forêts. Un milliard d'entre eux sont parmi les plus pauvres du monde d’après l’Union Internationale de Conservation de la Nature (IUCN).
« Face à ces défis, il y a un besoin croissant d'écosystèmes forestiers et de paysages forestiers adaptés aux demandes de services écosystémiques et à l'évolution des environnements, explique Sandra Luque, scientifique à l’unité de recherche TETIS. Dans ce contexte, nous réfléchissons à la durabilité des forêts et essayons de déterminer comment les gérer de manière durable ».

Mettre en place une gestion durable

une clé pour maintenir biodiversité et fourniture de services écosystémiques

De plus en plus, une valeur marchande est attachée aux services écosystémiques forestiers (production de bois, régulation du climat, loisirs, production alimentaire…), ce qui modifie les systèmes de valeurs associés à la foresterie. Les critiques soutiennent que la quantification des produits issus des forêts sert à « marchandiser » et à diminuer la valeur des forêts (y compris leur valeur spirituelle et culturelle). Cependant, en l'absence d'un prix fixé à ces valeurs, elles risquent d'être ignorées par les décideurs et l'industrie. Ainsi, l'évolution des paysages vers la durabilité exige souvent des transformations radicales, par exemple dans la façon dont les paysages forestiers sont valorisés et au niveau des relations entre les différents acteurs et de leurs rôles respectifs. Cela exige une vision holistique des forêts en tant qu'écosystèmes clés pour le maintien de la biodiversité et la fourniture durable de services écosystémiques. « Nous visons à souligner l'importance d'une perspective intégrée au niveau du paysage pour soutenir la durabilité en vue d'une gestion forestière équilibrée intégrant de multiples objectifs, y compris des objectifs de biodiversité et de conservation à la lumière des objectifs de développement durable définis par l’Organisation des Nations Unies, explique Sandra Luque. Nous nous intéressons à l’évolution des paysages forestiers, avec une vision holistique, globale de la forêt en temps qu’écosystème clé pour le maintien de la biodiversité et la fourniture de services écosystémiques. »

Des solutions telles que la restauration des paysages forestiers (RPF) peuvent inverser les effets du déboisement et de la dégradation et permettre de récupérer les avantages écologiques, sociaux, climatiques et économiques des forêts.

« L’objectif des scientifiques est de déterminer dans quelle mesure et comment l'état d'un écosystème forestier et sa dynamique devraient être inclus dans l'évaluation globale des écosystèmes à différentes échelles. Les paiements au titre des services écosystémiques (PSE), sont des incitations offertes, par exemple, aux propriétaires fonciers en échange de la gestion de leurs terres pour fournir une sorte de service écologique comme la préservation de la biodiversité. Une pratique importante pour les forêts au nord de l’Argentine soutenue par l’Institut National de Technologie Agricole argentin (INTA).

Les scientifiques d'INRAE travaillent avec différents pays du monde, notamment l’Argentine, le Chili et le Brésil en Amérique du Sud. En 2018, des formations et plusieurs séminaires ont été organisés en Argentine par Irstea en collaboration avec l’INTA.  Les échanges se sont concentrés sur les pratiques concernant l’utilisation des espèces natives et non des espèces introduites, mieux adaptées aux contraintes locales. Il est également important de considérer des pratiques d’agroforesterie favorisant les cultures natives comme la Yerba Mate, une boissons traditionnelle sud-américaine.

« Il est essentiel de comprendre les interactions avec les diverses pratiques de gestion forestière pour concevoir des stratégies d'aménagement forestier appropriées, saines et durables », explique Sandra Luque. Elle organise et animera une session spéciale à ce sujet dans le cadre du Congrès mondial de l'IUFRO au Brésil cet automne, intitulée : La biodiversité forestière dans le cadre du changement global et le rôle de la science de la durabilité du paysage.
 

 

Focus international

Question à Philippe Rozenberg

Un laboratoire international associé (LIA) avec l’INTA, intitulé FORESTIA, a également vu le jour à l’Inra en 2018. Il porte sur l’étude intégrée de l’adaptation des forêts naturelles et plantées aux variations environnementales, biotiques et abiotiques, dans le contexte du changement global et est coordonné par Philippe Rozenberg pour le côté français. Les problématiques liées au changement climatique seront, elles aussi, abordées pendant le congrès de Curitiba, notamment lors de la session technique « Étude de l'adaptation des forêts au changement climatique à travers l’analyse des accroissements annuels et des propriétés du bois : implications pour la production de bois ». « Le Congrès de l’IUFRO est l’occasion pour le LIA de tisser des liens avec d’autres partenaires en Amérique du Sud et au-delà. Nous avons le soutien du Ministère des Affaires Etrangères, à travers son programme CLIMAT AmSud, pour discuter à Curitiba du dépérissement de certaines espèces avec nos collègues chiliens », souligne Philippe Rozenberg.

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