Dossier revue
Société et territoiresUn renouvellement démographique au service des transitions ?
François Purseigle est professeur des universités en sociologie (INP Toulouse), cotitulaire de la chaire Groupe d’étude et de recherche sur les mutations de l’entreprise agricole (Ensat-INP Toulouse) et membre de l’unité INRAE AGIR (Toulouse). Entretien.
Publié le 06 mars 2025
Comment répondre simultanément au défi de la transition démographique et à celui de la transition agroécologique ?
Un des instruments au service de ces deux défis repose sur l’organisation du travail, du capital et du foncier, et sur la manière dont on va articuler ces trois composantes et y donner accès. Le projet qui, dans les années 1950, a vu évoluer des fermes paysannes vers des exploitations agricoles a consisté à faire coïncider tous ces facteurs. Production, exercice du métier, détention du capital financier et du capital foncier coexistaient au sein d’un modèle, qui était alors celui d’une antenne familiale conjugale. Aujourd’hui, nous n’avons pas encore la forme d’entreprise qui peut correspondre à ces deux ambitions : renouveler les générations et opérer la transition agroécologique.
Qui sont celles et ceux qui permettront de mener à bien ces transitions ?
Nous devons nous interroger sur le type d’organisation susceptible de porter ces transitions. Est-ce que les exploitations agricoles familiales, dans lesquelles le chef d’exploitation est une figure centrale, sont en capacité d’y répondre ? Quels sont les actifs susceptibles de mettre en oeuvre ces scénarios ? Celui qui sera en capacité de prendre en charge un projet agroécologique sera peut-être, selon les territoires et les exploitations, un pluriactif qui gardera un pied dans un autre secteur, à la fois salarié et chef d’exploitation… C’est davantage une question de compétences que de statut car l’agriculteur de demain devra être en capacité à la fois de mobiliser des connaissances et des ressources dans un domaine spécifique, de maîtriser des méthodes et des outils au service de nouvelles formes de rationalisation, de travailler seul ou en équipe, d’être au fait des règles de droit qui prévalent dans son domaine d’activité et selon son modèle d’organisation… Peut-être faut-il envisager de partager ces mêmes activités entre plusieurs collaborateurs ?
Plus largement, quels sont les points de vigilance ?
Aujourd’hui, les mondes agricoles sont confrontés à une population de chefs d’exploitation et d’actifs familiaux qui s’amenuise, à une organisation qui éclate, à des incertitudes économiques et écologiques fortes, et à des horizons plus courts car les projets agricoles sont moins pensés à l’échelle d’une vie entière. Dans le même temps, on invite des agriculteurs porteurs de projets professionnels différents à opérer la transition ensemble, au même moment et dans la même direction. Est-ce pertinent ? Est-ce que l’on doit demander la même chose à une toute petite exploitation et à une très grande ? Doit-on différencier les outils et, si oui, de quelle manière ? Comment peut-on envisager la progressivité ? Pour relever le défi, parce que le partage entre pairs est important, il faudra s’assurer que les exploitations sont en capacité d’interagir et d’être interopérables. Il sera également nécessaire que les injonctions fassent sens pour les agriculteurs, sur le plan agronomique comme humain. Il sera aussi essentiel de convoquer d’autres acteurs au sein des filières et des territoires, dont les industriels et les consommateurs, et garantir qu’ils soient en mesure de s’engager dans cette transition. Enfin, il est essentiel que la transition agroécologique génère de la valeur pour celui et celle qui en vit, en lui donnant la possibilité de monter en puissance.
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Catherine Foucaud-Scheunemann
Rédactrice
Direction de la communication -
Cécile Detang-Dessendre, Nathalie Hostiou, Laurent Piet (INRAE), François Purseigle (INPR Toulouse)
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