Dossier revue
Alimentation, santé globale

Comment prendre soin de sa symbiose ?

Les découvertes récentes le montrent, les liens entre microbiote et santé sont nombreux. Bonne nouvelle, il existe des moyens de prendre soin de son microbiote et de préserver nos interactions avec lui. Le point sur les facteurs clés d’une vie en symbiose.

Publié le 23 juin 2022

Avec les microorganismes de notre intestin, quand tout va bien, nous sommes en symbiose, dans une relation gagnant-gagnant. Nous offrons à notre microbiote le gîte et le couvert, et en retour il nous rend de nombreux services : il digère les fibres des végétaux et produit de l’énergie, il stimule nos défenses immunitaires, il produit des vitamines, il protège la barrière intestinale et envoie des messages importants au cerveau.

Cet équilibre participe à notre bon état de santé général. Il apparaît alors nécessaire d’être aux petits soins avec nos microorganismes à travers leur hôte, notre corps, pour que la symbiose soit préservée. Car lorsque ce n’est pas le cas, nous prenons le risque d’être en dysbiose, laquelle est associée à de nombreuses pathologies : obésité, diabète de type 2, syndrome du côlon irritable, troubles du spectre autistique, anxiété, dépression, cirrhose, sclérose en plaque, allergies, maladie de Crohn. La liste est longue. À l’inverse, la symbiose apporte également certains bienfaits « collatéraux ». Par exemple, elle peut limiter l’effet des contaminants alimentaires ou encore prévenir les risques de fonte musculaire dont les seniors sont souvent victimes en vieillissant.

DYSBIOSE
Elle se produit sous l’effet de facteurs externes (certains médicaments, consommation d’alcool…) ou quand la relation microbiote-hôte est altérée, engendrant une perte de diversité bactérienne, une augmentation de bactéries pathogènes, une augmentation de la perméabilité de la barrière intestinale et, par la suite, un affaiblissement de l’organisme et de ses capacités immunitaires.

Que faut-il pour être en symbiose ? La réponse est simple (ou presque) : avoir un microbiote riche, à la fois en nombre de microorganismes et en nombre d’espèces différentes, et un hôte qui apporte ce dont le microbiote a besoin pour maintenir cette diversité. Alors comment entretenir la richesse de notre microbiote ? Comment donner à notre microbiote tout ce dont il a besoin pour maintenir sa diversité ? En d’autres termes, comment prendre soin de sa symbiose ? La preuve par 4.

1 - En le nourrissant avec une alimentation variée et riche

« C’est 25 fruits et légumes différents par semaine qu’il faudrait manger » Joël Doré

Notre microbiote est composé de microorganismes qui ne se nourrissent pas tous de la même chose. Avoir une alimentation variée, en particulier avec des fruits et légumes riches en fibres et en polyphénols, c’est assurer le maintien d’une diversité bactérienne. Les fibres, non digestibles par les enzymes humaines, les bactéries du microbiote en raffolent. Existe-t-il une alimentation idéale pour notre symbiose ? Des études montrent que le régime méditerranéen fait office de bon candidat : riche en fruits et légumes, et donc en fibres, peu de viande rouge et une cuisine à l’huile d’olive qui apporte des acides gras de bonne qualité. Les scientifiques montrent également que le régime « fast food et aliments ultratransformés » a indirectement un effet délétère sur le microbiote. Lorsque l’on réduit l’apport de fibres, les microorganismes sont alors privés d’une source importante de carbone et d’énergie, le microbiote s’attaque au mucus de la paroi intestinale pour se nourrir, l’affaiblit et la rend perméable aux molécules et agents pathogènes.

2 - En le stimulant les 1 000 premiers jours de la vie

La prise d’antibiotiques dans les premières années peut retarder ou modifier la maturation du microbiote et du système immunitaire

L’installation du microbiote se fait au moment de la naissance. In utero, le bébé est dans un environnement stérile, mais dès la rupture de la poche des eaux, le corps du bébé (et pas seulement son intestin), va être colonisé par les microorganismes qu’il va rencontrer, principalement par ceux de sa mère. « Le développement du microbiote du bébé pendant les premières années de sa vie se fait complètement en parallèle de la maturation de son système immunitaire », précise Hervé Blottière, microbiologiste à l’unité PhAN (PhysioPathologie des adaptations nutritionnelles). « Si cette maturation se fait bien, le bébé va être en symbiose entre ses cellules et ses microorganismes, mais si la symbiose est perturbée, il y a un risque de maladie infectieuse et de trouble immunitaire entraînant le développement de maladies chroniques. »
Alors, comment prendre soin de sa symbiose dès la naissance ? Par l’alimentation bien sûr, en particulier avec du lait maternel qui contient lui-même un microbiote, puis avec une alimentation diversifiée. Mais aussi par une exposition dès le plus jeune âge à des microorganismes, ceux de sa mère, lors d’un accouchement par voie basse, puis ceux de son environnement : jouer dans la terre, avoir des animaux de compagnie, tous ces facteurs jouent sur la composition de notre microbiote et la maturation de nos défenses naturelles.
À l’inverse, la prise d’antibiotiques dans les premières années peut retarder ou modifier la maturation du microbiote et du système immunitaire par la diminution de la diversité bactérienne, la diminution des bactéries bénéfiques, voire l’augmentation des résistantes. Si, généralement, il y a un retour à la normale, on observe dans certains cas une persistance de l’altération du microbiote qui augmente le risque de développer certaines maladies.

3 - En ayant une bonne hygiène de vie

Parce que prendre soin de sa symbiose c’est aussi prendre soin de l’hôte… Pour éviter d’être en dysbiose, il faut alors prendre soin de sa barrière intestinale, et limiter ce qui pourrait entraîner des états inflammatoires ou du stress oxydatif, et par suite augmenter le risque de cancer colorectal. Il s’agit par exemple de limiter la consommation d’alcool, ou de produits carnés, qui va induire une perméabilité intestinale : les cellules de la barrière intestinale s’écartent et laissent passer des molécules qui ne passeraient pas en temps normal.
De même, lorsque l’on est stressé ou anxieux, il y a libération dans le sang de cortisol qui a également un effet sur la perméabilité de la barrière intestinale. L’environnement dans lequel nous vivons et l’exposition à différents contaminants (dans l’air, l’eau) semblent également influer sur l’état de notre symbiose. Quant à l’activité physique, elle serait bénéfique à la diversité du microbiote et donc hautement recommandée !

4 - En lui apportant des probiotiques

La diversité des microorganismes est le facteur clé de la symbiose

La diversité des microorganismes est le facteur clé de la symbiose. Une voie possible est alors d’en ingérer. C’est le principe des probiotiques. Ce sont des microorganismes vivants (bactéries ou levures) que l’on retrouve naturellement dans les produits fermentés, fromage, yaourt, choucroute crue, pain, etc. Ils peuvent être ajoutés à certains produits alimentaires, les yaourts en tête de file, ou encore consommés en compléments alimentaires. Les probiotiques ont des bienfaits sur notre microbiote pour deux raisons. La première est qu’ils apportent naturellement des microorganismes vivants qui augmentent la diversité de notre microbiote. La seconde est que le processus de fermentation opéré par les enzymes des microorganismes apporte aux aliments des métabolites d’intérêts variés pour le microbiote et plus largement pour notre santé. Plus encore, les études montrent que les probiotiques, selon la souche utilisée, aident à la digestion du lactose, peuvent prévenir ou réduire les diarrhées liées à la prise d’antibiotiques ou à certaines infections virales, et renforcent la barrière intestinale.

L'amibiote

Petit coup de pouce de la science, les chercheurs de l’institut Micalis ont conçu une baguette de pain, l’amibiote, enrichie en fibres végétales, et dont les effets santé ont été mis en évidence : contrôle du taux de cholestérol et amélioration de la sensibilité à l’insuline chez des sujets à risque métabolique.

Le grand défi des aliments fermentés

Yaourts, fromages, pain, choucroute, olives, vin, kéfir, tofu, kombucha, kimchi…, les aliments fermentés prendront-ils une plus grande place dans nos assiettes ? C’est en tout cas une piste sérieuse pour obtenir des bénéfices santé au travers de l’alimentation.

Le consommateur s’y met déjà : « De plus en plus de citoyens font fermenter leurs légumes eux-mêmes », mais au-delà des microtendances, Marie-Christine Champomier-Vergès, directrice de recherche à l’institut Micalis, rappelle qu’il y a un véritable enjeu à développer des aliments fermentés et à comprendre finement les rôles des ferments dans la santé de notre microbiote et de notre santé en général. En effet, la fermentation conduit à la production de composés bioactifs, qui, associés à la présence de bactéries probiotiques dans certains de ces produits, peut leur conférer un intérêt pour la santé. De nombreuses questions se posent : quelles sont les interactions entre les aliments et les microorganismes ? Quelles méthodes de fermentation ? Avec quelles souches ? Pour quel goût ? Pour quel effet nutritionnel ? Quelles interactions entre les microorganismes de l’aliment et notre microbiote intestinal ?… Et quelle règlementation ? « Introduire des microorganismes dans notre alimentation, parfois des souches qui ne sont pas consommées habituellement, c’est nouveau et ce n’est pas anodin, il est nécessaire de s’interroger en parallèle de nos recherches sur les règlementations qui accompagneront ces nouveaux produits. » La science s’empare de ces questions. Un projet de science participative, Flegme, fait appel aux citoyens pour étudier les légumes fermentés issus de productions artisanales. Un réseau européen, PIMENTO, se fédère autour de ces questions. Enfin, dans le cadre du Programme d’investissement d’avenir (PIA4), un grand défi sur les « Ferments du futur » a été proposé par INRAE et l’ANIA (Association nationale des industries alimentaires) pour maintenir le leadership international de la France en matière de produits fermentés.

  • Elodie Regnier

    Rédactrice

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