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Société et territoires

De « Chouettes cantines » portées par un Territoire d'innovation

DOSSIER WEB - « Chouette cantine » apprend aux enfants à manger des aliments bons pour leur santé et pour la planète. Conduit avec la Ville de Dijon, ce projet s’inscrit dans le vaste programme de recherche Territoire d’innovation « Dijon, alimentation durable 2030 ». Il est porté par Dijon Métropole et piloté scientifiquement par Sophie Nicklaus, directrice de recherche INRAE au Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation du centre INRAE Bourgogne-Franche-Comté à Dijon.

Publié le 30 mai 2022

Plaisir de manger et éducation au goût sont les principaux leviers du projet « Chouette cantine » pour apprendre aux enfants à manger des aliments bons pour leur santé et pour la planète. Conduit avec la Ville de Dijon, ce projet a pour objectif de mettre en œuvre des actions d’accompagnement du plaisir à manger des repas sains et durables, après établissement d’un diagnostic de la durabilité de l’alimentation en restauration scolaire [reportage vidéo]. Il s’inscrit dans le programme de recherche Territoire d’innovation « Dijon, alimentation durable 2030 », porté par Dijon Métropole et piloté scientifiquement par Sophie Nicklaus, directrice de recherche INRAE au Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation du centre INRAE Bourgogne-Franche-Comté à Dijon.

« Qu’as-tu mangé à midi ? Est-ce que tu as aimé ? » Voilà bien une question récurrente de parents soucieux de l’alimentation de leur enfant à la sortie des classes. Chaque semaine d’école, environ 8,5 millions d’entre eux, de 3 à 17 ans, déjeunent à la cantine (France métropolitaine, Anses 2021). Spécialiste du comportement alimentaire, Sophie Nicklaus est convaincue du rôle de la restauration scolaire comme terrain d’expérimentation et de mise en pratique de l’éducation au goût et à une alimentation saine et durable. Le plaisir de manger s’apprend également aux enfants. Dans le cadre de la réflexion sur la durabilité de l’alimentation, son équipe « Déterminants du comportement alimentaire au cours de la vie, relation avec la santé » s’intéresse à la « restauration hors foyer durable » à travers l’action éponyme du plus vaste programme Territoire d’innovation « Dijon, alimentation durable 2030 » [voir encadré] porté par la métropole dijonnaise et dont la directrice de recherche INRAE assure la coordination scientifique. « Chouette cantine » se focalise en particulier sur la pédagogie alimentaire en restauration scolaire : « Hors foyer, l’école est le lieu privilégié pour aborder les différentes dimensions de l’alimentation durable qui englobent, avec la santé et donc la qualité nutritionnelle, les aspects environnementaux, économiques, culturels et patrimoniaux ».

Hors foyer, l’école est le lieu privilégié pour aborder les différentes dimensions de l’alimentation durable qui englobent, avec la santé et donc la qualité nutritionnelle, les aspects environnementaux, économiques, culturels et patrimoniaux

Depuis plusieurs années déjà, la Ville de Dijon expérimente avec succès l’introduction de menus végétariens hebdomadaires dans les cantines qui servent 8 000 repas par jour. Les scientifiques passent à la loupe les repas des 38 écoles élémentaires produits et servis par la cuisine centrale de la ville, un des partenaires phare du projet. Une partie du travail consiste à évaluer la qualité nutritionnelle et l’impact carbone des 250 menus servis au cours d’une année. L’appréciation du plat principal par les enfants est recueillie au moyen d’un dispositif de bornes de satisfaction [voir la vidéo].

Bonne couverture globale des besoins

Comment savoir si les besoins en nutriments et énergie (kcal) des enfants sont bien couverts ? Justine Dahmani, ingénieure nutritionniste, est en charge de ces travaux dans le cadre d’une thèse co-encadrée par Sophie Nicklaus et Lucile Marty, chargée de recherche au CSGA. 

L’équipe de chercheuses a comparé les menus non végétariens et végétariens  (ni viande ni poisson en entrée ou en plat).

Pour affiner les résultats, les menus ont dans un second temps été répartis en 5 sous-catégories selon la nature de leur plat principal à base de :

  1. bœuf, veau, mouton (viande rouge),
  2. porc ou poulet (viande blanche),
  3. poisson,
  4. œufs et/ou fromages,
  5. produits végétaux.

 

Des chiffres saillants ressortent déjà. En moyenne, 1/3 des besoins énergétiques et près de 1/2 des besoins journaliers en 23 nutriments sont couverts par les 2 types de menus. Ce qui est déjà très satisfaisant pour le seul repas du midi ! Toutefois, l’analyse par catégorie de repas a mis en lumière des disparités selon la composition du plat principal. Les menus à base de poisson se distinguent des autres par un meilleur apport en vitamine D et DHA. Ils sont donc primordiaux dans l’assiette des enfants pour leurs apports spécifiques.

Diversification des sources de protéines

Il existe une marge pour tendre vers une diminution des protéines animales sans générer de carences, contrairement à une idée communément répandue

Par ailleurs, les apports journaliers en protéines sont très bien couverts, quel que soit le menu : plus de 120 % pour les repas à base de viande ou poisson et 95 % pour les repas végétariens. Ces chiffres sont explicites : il existe une marge pour tendre vers une diminution des protéines animales sans générer de carences, contrairement à une idée communément répandue. Les avis des enfants sur les plats et leur accompagnement (légumes, féculents, légumineuses) – soit en moyenne 1 600 votes quotidiens - sont enregistrés par le dispositif de bornes installé dans chacune des 38 cantines depuis septembre 2021. Les résultats définitifs seront livrés à la fin de l’année scolaire et constitueront un corpus de données scientifiques unique en France. Mais des tendances se profilent sur le premier trimestre (44 plats analysés de septembre à décembre 2021), avec une légère supériorité d’appréciation pour les plats végétariens par rapport à ceux à base de bœuf. Ces indications doivent être consolidées mais, pour Lucile Marty, elles enrichissent le questionnement sur l’importance accordée à la fréquence des menus à base de viande rouge dans notre alimentation. En outre, elles laissent entrevoir diverses stratégies de combinaison au sein des menus pour améliorer l’appréciation de certains plats ou encore pour lutter contre le gaspillage.

Impact carbone des plats à base de viande

Les menus à base de viande et de poisson sont de plus gros émetteurs de gaz à effet de serre que les menus végétariens. En particulier, les repas à base de viande de ruminants dont l’équivalent carbone se situe à 3,5 contre 0,7 pour les menus végétariens. « C’est l’impact environnemental le moins bon. Mais dans une alimentation équilibrée, la viande a une place importante, nutritionnelle et culturelle », déclare Justine Dahmani. Ces données* ouvrent des pistes alternatives pour la gestion des collectivités vers une diversification des protéines : « Pourquoi ne pas introduire un 2e menu hebdomadaire végétarien pour remplacer la viande rouge, qui compenserait ainsi le coût plus élevé d’une viande de meilleure qualité, produite sous label (bio, label rouge) ou en circuit court, en accord avec les objectifs de la loi Egalim ? », complète la doctorante.


La notion de durabilité de l’alimentation, au cœur de ces travaux, ne se limite pas à l’empreinte environnementale.

La notion de durabilité de l’alimentation, au cœur de ces travaux, ne se limite pas à l’empreinte environnementale. « Il est possible de l’aborder par le biais d’autres caractéristiques liées à la fonction sociale et culturelle de l’alimentation. « Dans cette optique, l’analyse des données d’un restaurant à l’autre est une perspective de recherche importante pour un projet territorial », estime Lucile Marty. Pour disposer d’une caractérisation de chaque restaurant en lien avec les habitudes alimentaires familiales, nous pouvons nous appuyer sur le prix moyen du repas (sachant que le prix payé est indexé sur le revenu des parents) ; sur le taux de fréquentation des restaurants scolaires, qui varie amplement ou sur le taux de repas sans porc. Autant de paramètres qui pourront être mis en regard des données d’acceptation de nouveaux légumes ou de plats végétariens pour cibler des écoles prioritaires dans le dispositif d’éducation au goût porté par la métropole dijonnaise.

* Pour évaluer les émissions de gaz à effet de serre associées à chaque aliment, les scientifiques ont utilisé les données de la base Agribalyse 3.0. Ces données sont calculées sur la base d’analyse de cycle de vie. Plus d'informations >

  • Patricia Leveillé

    Rédactrice

  • Sophie Nicklaus

    Pilote scientifique du dossier

    laboratoire « Déterminants du comportement alimentaire au cours de la vie, relation avec la santé », CSGA INRAE