Dossier revue
Bioéconomie

L’agrivoltaïsme, la voie de l’avenir ?

L’agrivoltaïsme, qui combine production agricole et production d’énergie sur les mêmes terres, contribue à éviter la concurrence avec l’usage alimentaire des sols. Une technologie pensée et évaluée en prenant en compte toutes ses dimensions, agronomiques, économiques, sociales et environnementales. État des lieux.

Publié le 05 février 2024

Pour décarboner la production d’électricité, la SNBC mise sur un développement accéléré de l’énergie solaire, en particulier photovoltaïque. Elle encourage les installations solaires individuelles, avec une projection en 2050 de 8 millions de maisons équipées en panneaux solaires, soit 1 maison sur 2. Il faut cependant disposer de toits bien exposés et le coût d’installation est élevé. L’installation de panneaux au sol est moins onéreuse, mais pose la question de l’utilisation des terres, en concurrence potentielle avec la production agricole.

Une combinaison gagnant-gagnant

L’agrivoltaïsme apporte de nouvelles réponses puisque les panneaux solaires sont installés sur des surfaces agricoles déjà cultivées. La présence de panneaux ne doit pas pénaliser la production agricole. Bien pensé, l’agrivoltaïsme se révèle au contraire très bénéfique. Installés sur une parcelle agricole, les panneaux photovoltaïques permettent de protéger les plantes ou les animaux d’élevage contre la grêle, le gel, la chaleur ou la sécheresse. Une étude allemande a montré qu’en conditions sèches et chaudes de l’année 2018, la productivité de 4 cultures (pomme de terre, céleri-rave, trèfle et blé d’hiver) a presque doublé en présence de panneaux solaires 1. INRAE, pionnier dans l’agrivoltaïsme, accompagne de nombreux projets de recherche en partenariat avec diverses entreprises spécialistes du photovoltaïque. L’objectif est toujours de s’assurer que les projets répondent avant tout à une problématique agricole pour avoir une véritable synergie entre production alimentaire et production d’énergie.

1. Trommsdorff M. et al. (2021). Renewable and Sustainable Energy Reviews, 140, 110694.

Les serres photovoltaïques 

L’agrivoltaïsme a commencé avec des serres équipées dans les années 2000. Les serres protègent les cultures contre les aléas climatiques et les bioagresseurs. L’ajout de panneaux solaires fournit en plus de l’électricité dont la vente permet de financer ces installations coûteuses. « À INRAE, nous étudions ces dispositifs sur le plan économique, social et environnemental sur une dizaine de sites. En production de mâche, fraises et tomates, le modèle économique est intéressant et dégage une marge de plus de 10 % par an pour les producteurs », rapporte Christine Poncet, chercheuse au centre INRAE Provence-Alpes-Côte d’Azur. Dans les régions du Sud, l’ombre produite par les panneaux apporte une protection contre les excès de chaleur, mais dans les pays du Nord, cette ombre peut parfois affecter le rendement. Des recherches visent à définir les taux d’ombrages maximaux acceptables, afin de remettre en culture un nombre non négligeable de serres photovoltaïques qui sont actuellement inutilisées à cause de rendements trop faibles.

L’agrivoltaïsme en élevage

Plusieurs études innovantes sont menées à INRAE sur des systèmes associant des panneaux solaires à des prairies pâturées par des ovins ou des bovins. Pour Catherine Picon-Cochard, chercheuse spécialiste de la prairie au centre INRAE Clermont-Auvergne-Rhône-Alpes, il s’agit d’un enjeu fort car les panneaux apportent de l’ombre aux animaux et peuvent contribuer à protéger les prairies contre les sécheresses extrêmes de plus en plus fréquentes.

Les panneaux apportent de l’ombre aux animaux et protégent les prairies contre les sécheresses.

C’est le cas sur 2 sites où des éleveurs d’ovins ont implanté des panneaux inclinés au sol 2 : l’herbe pousse bien sous les panneaux, elle sèche moins et ne gèle pas, sa production annuelle finale est la même que sans panneaux sur ces sites à faible production fourragère. Sur des prairies plus productives, pour lesquelles la lumière est le facteur limitant, une réduction de production fourragère en présence des panneaux pourrait apparaître. Autre résultat : la composition en espèces végétales varie, avec un taux d’azote et de fibres plus élevé sous les panneaux, ce qui favorise la digestibilité de l’herbe. Un modèle de panneaux verticaux est étudié avec des bovins dans une expérimentation INRAE à Laqueuille près de Clermont-Ferrand. « On attend dans ce cas des résultats plus nuancés qu’avec les panneaux inclinés qui apportent un effet parasol plus fort, mais aussi une ombre permanente qui peut freiner la photosynthèse. » Avec ce dispositif 3, les chercheurs quantifieront l’impact des panneaux sur les grandes fonctionnalités de la prairie : production et qualité de la biomasse, biodiversité et stockage de carbone dans le sol. Des observations et des capteurs (caméras et podomètres) permettront également d’analyser les comportements des bovins : choix alimentaires, repos dans les rangs des panneaux, frottement aux panneaux… Les chercheurs évalueront enfin l’impact sur la prairie du chantier d’installation des panneaux (tassement du sol, dégradation de la végétation). « L’installation de panneaux n’est pas anodine et peut faire l’objet de débats, conclut Catherine Picon-Cochard. D’où l’importance d’apporter des résultats tangibles sur leurs avantages et leurs inconvénients et d’associer toutes les parties prenantes dans les discussions. »

2. En moyenne-montagne dans le Cantal et en plaine dans l’Allier, 2020-2023.
3. Lire l’article :
ENGIE Green lance en partenariat avec INRAE la construction d’un démonstrateur agrivoltaïque vertical dans le Puy de Dôme.

Un pôle national de recherche, d’innovation et d’enseignement sur l’agrivoltaïsme

En 2023, INRAE a mis en place et coordonne le Pôle national de recherche, d’innovation et d’enseignement sur l’agrivoltaïsme, basé sur son centre Nouvelle-Aquitaine-Poitiers à Lusignan. Il s’agit d’un consortium qui rassemble aujourd’hui plus d’une trentaine d’unités de la recherche publique, ainsi que des entreprises des secteurs énergétique et agricole. Ce pôle national vise à fédérer les travaux conduits en France autour de la production agricole et électrique. Il doit permettre le développement raisonné de la technologie photovoltaïque sur les terres agricoles, en cohérence avec la loi votée au Sénat en février 2023 encadrant l’agrivoltaïsme. Il a aussi vocation à contribuer à la formation et à l’appui aux politiques publiques 4. 

4. Lire l’article : Agrivoltaïsme : création d’un pôle national de recherche, innovation et enseignement.

Carte de France avec les sites du Pôle national de recherche, innovation, enseignement sur l'agriphotovoltaïsme