Dossier revue
Bioéconomie

Un guide de bonnes pratiques pour prélever le bois

L’augmentation de l’utilisation du bois-énergie soulève des préoccupations. L’extraction d’arbres entiers appauvrit les sols, nuisant à la biodiversité et à la circulation d’eau et d’oxygène. Les bois morts sont essentiels à la biodiversité forestière. Entretien avec Nathalie Korboulewsky, chercheuse au centre INRAE Val de Loire.

Publié le 05 février 2024

Quelle problématique entoure l’augmentation du recours au bois-énergie ?

Avec le développement de centrales à biomasse à l’échelle des agglomérations, alimentées par des plaquettes, sont apparues depuis 10-15 ans des pratiques qui consistent à couper des arbres entiers et à tout prélever 1. Ce qui serait acceptable pour renouveler une forêt malade pose problème pour la fertilité des sols et la biodiversité sur certains sites. C’est ce que nous avons montré : avec de telles pratiques, la quantité de nutriments diminue dans le sol, et son tassement par les engins est néfaste pour la circulation d’eau et d’oxygène. Enfin, cela fait longtemps que l’on sait que le bois mort est un support important de la biodiversité des forêts : 25 % des espèces sont inféodées au bois mort (pics, chauve-souris, insectes, champignons, mousses).

Le bois mort est un support important de la biodiversité des forêts : 25 % des espèces lui sont inféodées. 

Il faut donc laisser du bois mort en place ! L’exploitation du bois-énergie par coupe d’arbres entiers est possible, à condition de respecter certaines règles. Un consortium, incluant des chercheurs et des gestionnaires, des représentants des professionnels forestiers et des filières bois, du monde académique ainsi que des associations environnementales, a élaboré en 2018 un guide de bonnes pratiques à l’usage des exploitants de bois, publié par l’Ademe, avec des applications sur smartphone ou tablette (Recommandations pour une récolte durable de biomasse forestière pour l’énergie - Focus sur les menus bois et les souches. Ademe, 2018, p. 51). Il faut assurer maintenant leur transfert et leur appropriation par les professionnels impliqués dans la récolte de bois pour la production de plaquettes forestières. 

Que préconisez-vous ?

La première chose à faire est d’établir un diagnostic de la sensibilité du site : les sols sableux, comme dans les Landes ou une partie de la Région Centre, sont plus sensibles aux prélèvements. Dans ces sols très pauvres, la coupe d’arbres entiers est déconseillée. Dans les sols moyennement sensibles, il faudrait laisser 30 % de menus bois et des gros billons. Dans les sols peu sensibles, en laisser 10 % en plus des gros billons peut suffire. Dans tous les cas, il faut laisser les feuilles au sol : elles sont jusqu’à 7 fois plus riches en nutriments que le bois des troncs et grosses branches, et 2 à 3 fois plus que les brindilles. Il faut donc couper les arbres de préférence en hiver, une fois les feuilles tombées, ou bien, si l’humidité des sols ne le permet pas, laisser les branches au moins 6 mois en place pour que les feuilles se détachent. Pour compenser la perte de nutriments, des collègues d’INRAE étudient la possibilité de restituer au sol les cendres issues de la combustion du bois dans les centrales thermiques. Toutefois, cet apport ne peut pas compenser la perte de matière organique, qui joue pourtant un rôle crucial dans les processus physiques, chimiques et biologiques des sols.