Feux de forêt : anticiper les risques
De nombreux feux d’une ampleur hors norme ont embrasé les forêts et marqué l’actualité ces dernières années sur presque tous les continents. Le changement climatique et le développement des installations humaines ont multiplié les risques d’incendies, faisant peser de nouvelles menaces sur la végétation et les hôtes des forêts, comme sur les habitants des territoires. Comprendre et prévenir les départs et la propagation des feux de forêt, appuyer les politiques publiques et aider à la décision, soutenir la régénération des arbres sont les 3 piliers sur lesquels les travaux d’INRAE s’appuient. Tour d’horizon.
Incendies de forêt, ce qu’il faut savoir
Qu'est-ce qu'un feu de forêt ?
Les sapeurs-pompiers parlent de feu de forêt lorsqu’au moins 0,5 hectare de forêt est touché d’un seul tenant par les flammes et qu'a minima la partie hautes des arbres part en fumée. Ce terme désigne aussi les incendies de maquis, de garrigue ou encore des landes.
Comment se déclare un feu de forêt ?
Un feu, c'est le résultat de 3 éléments : un combustible (végétaux), une source d’ignition telle qu'une étincelle (action humaine, par exemple un barbecue, ou naturelle comme la foudre) et des conditions météorologiques (vent, absence de pluie) favorisant la propagation une fois le feu démarré.
D'après les chiffres du gouvernement, 9 feux de forêts sur 10 ont pour origine les activités humaines : accidents, travaux et malveillances.
92 % des feux sont d'origine humaine. Et ce n'est pas qu'une affaire de pyromane ! Thomas Curt, directeur de recherche (La Provence, 17 juin 2023)
Un départ de feu provient fréquemment d'une cigarette mal éteinte, d'un barbecue allumé trop près de la végétation, d'étincelles émanant d'un outil de bricolage ou encore d'une fuite de gaz.
Quelle différence entre un feu extrême et un mégafeu ?
Un feu extrême est un incendie d’une dimension exceptionnelle (> 10 000 ha brûlés). Il provoque l’effondrement des moyens de lutte contre les feux mis en place par les pompiers pour l'éteindre ainsi que des impacts profonds et durables sur la société, l’économie et l’environnement.
Sans définition validée, on désigne par mégafeu des incendies touchant une surface allant de 1 000 hectares en Europe à 10 000 hectares aux États-Unis.
Le dérèglement climatique attise les feux de forêt
Le dérèglement climatique induit une hausse des risques de feux de forêt à des niveaux inédits selon une étude prospective d'INRAE à horizon 2050 et 2090.
- des zones jusque-là épargnées au Sud-Est et au Sud-Ouest sont menacées par des feux de surface importante (+ de 20 ha)
- le risque de grands feux (+ de 100 ha) s'intensifie aussi bien dans le Sud-Ouest que dans le Sud-Est
- la période propice à l’activité des feux s’étale dans le temps, elle pourra devenir continue de la fin d'hiver au début de l'automne dans le Sud-Ouest
- les brigades de sapeurs-pompiers seront davantage sollicitées, sur plusieurs départs de feux à la fois. En s’appuyant sur nos projections, on peut s’attendre à une dizaine de journées de ce type d’ici 2090, la dispersion des moyens qui en résultera, multipliera la fréquence des feux qui échappent au contrôle, devenant ainsi des incendies de grande ampleur.
Nos projections pour le Sud-Est et le Sud-Ouest
* RCP : scénarios GIEC de modélisation du climat futur selon diverses hypothèses d’évolution du niveau de la concentration des GES.
Pourquoi le risque augmente en France et partout dans le monde ?
Selon l'Office national des forêts (ONF), entre 3 000 et 4 000 feux brûlent les forêts françaises tous les ans. Dans le monde, selon des chercheurs de l'université du Maryland, les feux de forêts brûlent 2 fois plus de surfaces de massifs forestiers qu'il y a 20 ans.
Le risque d'incendie est favorisé par le changement climatique et l'augmentation de la population.
Le changement climatique, couplé à l'augmentation de la population, favorise le risque d'incendie et élargit la période de vulnérabilité. En plein hiver 2020, les pompiers ont par exemple éteint un violent incendie en Corse.
Quelles régions sont le plus touchées par les feux de forêt ?
Depuis le 2 juin 2023, Météo-France publie un bulletin météo des forêts. Une carte de France métropolitaine permet d'estimer le danger de feux à partir des conditions météorologiques.
Les régions forestières et le pourtour méditerranéen étaient traditionnellement les plus à risque. Mais aujourd'hui, du fait de la sécheresse, le risque s'étend au Nord et à l'Est de l'Hexagone. Aucun massif forestier français n'est à l'abri de brûler. Et comme l’explique Thomas Curt, modélisateur du risque incendie à l’UMR Recover, « l’arrière-pays provençal et les zones de moyenne montagne avoisinantes sont maintenant touchées. Les simulations montrent que l’Europe centrale et l’Europe de l’Est risquent de l’être de plus en plus ».
Comment prévenir les départs de feux ? L'expérience de la France
Les données des satellites et des capteurs embarqués sur drone aident les chercheurs INRAE à cartographier et à modéliser le risque incendie.
« La prévention ne consiste pas uniquement à débroussailler le pourtour des habitations et sous-bois, construire des pistes d’accès et des réservoirs d’eau, limiter l’accès des forêts en cas de vent fort. Elle passe aussi par une recherche spécifique qui consiste à "se mettre à la place du feu", à inventorier et analyser tous les ingrédients susceptibles de jouer sur le caractère inflammable et la combustibilité de la végétation », explique Éric Rigolot, chercheur en écologie du feu à INRAE.
Experts du phénomène incendie, les chercheurs d’INRAE utilisent des données d’imagerie satellitaire et de capteurs embarqués sur drone pour cartographier et modéliser le risque incendie à l’échelle d’un territoire. Ces éléments leur permettent de développer des outils d’aide à la décision à destination des acteurs publics et privés (gestionnaires et services de l’État chargé de la prévention des riques d'incendie, élus, gestionnaires forestiers, etc.), intégrant la vulnérabilité des territoires, c’est-à-dire les conséquences potentielles du feu sur la zone touchée (mise en danger de vies humaines, destruction de bâtiments, d’infrastructures…).
Pour les habitations proche des forêts, le risque incendie est plus élevé. Herbes, arbustes et autres végétaux des jardins sont fortement combustibles, et favorisent le départ et la propagation du feu. Débrouissailler son jardin est ainsi conseillé voire obligatoire dans certaines régions. Découvrez le guide.
Que faire pour préparer les forêts aux climats et sécheresses du futur ?
En France, le pourtour méditérannéen est l’une des régions où les conséquences du changement climatique se manifestent le plus rapidement et avec la plus grande intensité : une baisse de la pluviométrie annuelle de 20 à 30 % est prévue d’ici à 2100, et la fréquence des grandes sécheresses devrait augmenter. Les scientifiques d’INRAE analysent la réponse des écosystèmes forestiers au changement climatique et aux incendies pour proposer des outils de gestion et inventer les forêts du futur.