Changement climatique et risques 3 min
De la vigne au verre de vin : aider chaque acteur à s’adapter aux effets du changement climatique
L’augmentation des températures et la raréfaction des ressources en eau vont modifier le fonctionnement de la vigne et la composition des raisins, ce qui aura des effets sur chaque étape de fabrication et sur l’élaboration de l’équilibre du nectar final. Alors comment préparer toute une filière, du producteur au consommateur, aux conséquences du réchauffement climatique ? Le projet LACCAVE répond, par une approche pluridisciplinaire de la notion d’adaptation.
Publié le 11 janvier 2018
Comme toute production agricole, la viticulture se prépare à un climat plus chaud, plus sec, ainsi qu’aux conséquences que cela aura sur la vie de la vigne. Mais elle ne sera pas la seule impactée. La vinification et les vins vont aussi changer, puisque sous un climat différent, la composition des raisins se modifie. De nouveaux équilibres aromatiques devront donc être trouvés par les œnologues pour élaborer les vins de 2050.
Afin d’aider tous ces acteurs à se préparer au climat de demain, le projet LACCAVE, « Adaptation à long terme au changement climatique pour la viticulture et l’œnologie », a réuni les savoirs, diffusé les connaissances et anticipé quatre scénarios pour les régions viticoles de France.
Une communauté réunie autour de l’adaptation
« Les impacts étaient déjà étudiés séparément, le projet a créé une opportunité pour collaborer sur les aspects environnementaux, sociaux et économiques de la filière vigne et vin, explique Nathalie Ollat, de l’UMR Écophysiologie et génomique fonctionnelle de la vigne à Bordeaux, et co-porteur du projet. LACCAVE est une initiative des chercheurs pour répondre aux questions des professionnels. » Agronomes, généticiens, phytopathologistes, économistes, œnologues… une douzaine de disciplines sont réunies. Au total, ce sont plus de 100 chercheurs, vingt et un laboratoires et sept départements mobilisés. Pour un objectif clair : s’approprier les connaissances et partager la notion d’adaptation entre toutes ces disciplines. « En quatre ans, nous avons proposé et encadré sept thèses, organisé quatre séminaires et réalisé une demi-douzaine d’événements de vulgarisation scientifique au Salon de l’Agriculture, à la COP 21, avec les médias… », illustre Jean-Marc Touzard, de l’UMR Innovation à Montpellier et co-porteur du projet.
Nos travaux de recherche s’appuient sur des collections de ressources génétiques (infrastructure RARE ) et sur une infrastructure de phénotypage haut-débit (Phénome) qui permet de caractériser ces collections en étudiant la réponse des différents génotypes aux changements environnementaux. Chez la vigne, une analyse large de la réponse génétique à la contrainte hydrique et à l’augmentation des températures a été entreprise, en utilisant ces deux infrastructures. Il existe de grandes différences de réponse, notamment de l’ouverture de stomates, entre les cépages présents aujourd’hui dans les zones de production les plus concernées, offrant ainsi la possibilité d’évolution de l’encépagement. C’est ainsi que le Grenache, cépage emblématique du Sud, apparaît assez sensible à l’augmentation de la contrainte hydrique et des températures. L’élargissement de la diversité génétique, avec des cépages italiens ou grecs, l’amélioration génétique intégrant la réponse à la contrainte hydrique parmi les critères de sélection ou l’évolution dans le choix des porte-greffes sont des voies offrant un potentiel d’adaptation du vignoble français.
Pour aller plus loin : Adapter les régions viticoles au changement climatique en mobilisant la diversité des cépages
Reconstruire un projet de territoire
À l’échelle du cep, les équipes ont mis en évidence que la réduction de la transpiration nocturne de la vigne pourrait permettre de limiter la consommation en eau, ce qui va aider à choisir des cépages à faibles pertes hydriques. À l’échelle du territoire, l’étude de la variabilité locale des températures révèle qu‘un bon moyen de s’adapter est de revisiter le terroir, de relocaliser les vignes dans les espaces les plus appropriés et ceci d’abord au sein des zones viticoles déjà existantes. « Il faut reconstruire un projet de territoire », appuie Nathalie Ollat. Et du côté du consommateur : comment va-t-il réagir aux vins de demain ? « Avec le changement climatique, les vins rouges français seront plus concentrés, plus riches en alcool, avec une acidité plus faible. Les expérimentations montrent que les vins de 2050 pourraient plaire à la première dégustation, mais qu’une certaine lassitude risque de s’installer lors d’une consommation plus récurrente. C’est un élément à prendre en compte par les producteurs ou les cavistes, car cela aura des effets sur la fidélisation de leurs clients », livre Jean-Marc Touzard.
L’innovation pour demain
Pour compléter les outils d’anticipation, les équipes de LACCAVE ont réalisé une étude prospective sur le vignoble français, en partenariat avec l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao) et l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer). Quatre scénarios ont été testés - conservateur, innovant, nomade et libéral - puis confrontés au débat avec les viticulteurs, via l’organisation de « forums prospectives » dans six régions viticoles. Jean-Marc Touzard en livre les principales conclusions : « Ces échanges ont notamment fait ressortir l’importance du foncier et des investissements financiers en jeu. Face à ces contraintes, les viticulteurs optent plutôt pour le scénario qui met en avant l’innovation comme garant de la pérennité de l’activité. La profession montre une certaine inquiétude quant à l’évolution des terroirs ou la perte de la tradition familiale. Mais les professionnels sont conscients de la force que représente une organisation collective à l’échelle de la filière vigne et vin, pour construire les réponses au changement climatique. »
Laccave, des vins adaptés au climat de demain
Plus concentré, plus riche en alcool, moins acide. Voilà ce à quoi pourrait bien ressembler notre verre de vin rouge en 2050. Les effets du changement climatique ont été décrits sur la vigne et le vin. Aussi les recherches visent-elles dorénavant à préparer l’ensemble de la filière vitivinicole au climat de demain. La seconde phase du projet Laccave, porté par INRAE depuis 2012, s’attache à fournir des pistes opérationnelles d’adaptation au niveau national, région par région, vignoble par vignoble. Questions à Nathalie Ollat, ingénieure de recherche à Bordeaux.
Références :
- Barbeau G, Neethling E, Ollat N, Quenol H, Touzard J-M (2015) Adaptation au changement climatique en agronomie viticole. Agronomie - Environnement et Sociétés 5
- Ollat N, Touzard J-M, Van Leeuwen C (2016) Climate Change Impacts and Adaptations: New Challenges for the Wine Industry. Journal of Wine Economics 11:139-149