Changement climatique et risques 3 min

Adapter les régions viticoles au changement climatique en mobilisant la diversité des cépages

COMMUNIQUE DE PRESSE - Le changement climatique a de nombreux impacts sur l’environnement et l’agriculture, et pourrait menacer la production mondiale de vin. Dans une nouvelle étude parue dans Proceedings of the National Academy of Sciences, une équipe internationale, incluant des chercheurs d’INRAE et Bordeaux Sciences Agro*, montre que 56% des régions viticoles du monde pourraient disparaître avec un réchauffement de 2°C, et 85% avec un réchauffement de 4°C. Cependant, l’introduction de plus de diversité de cépages de vigne dans les vignobles pourrait réduire de moitié les pertes potentielles dans les régions viticoles dans le scénario à + 2°C et d’un tiers dans le scénario à +4°C.

Publié le 28 janvier 2020

illustration Adapter les régions viticoles au changement climatique en mobilisant la diversité des cépages
© INRAE - Alain GIRARD

La viticulture, comme d’autres productions agricoles, concentre sa production sur un nombre réduit de variétés de vigne. La diversité au sein des espèces cultivées pourrait être une clé pour rendre l’agriculture plus résiliente face au changement climatique. La vigne est toute indiquée pour tester cette hypothèse car il en existe plus de 1 100 variétés actuellement cultivées et documentées. De plus, la production viticole est très sensible aux changements de température et de saison, ce qui en fait un bon indicateur de l’impact du changement climatique sur l’agriculture.

L’impact du changement climatique étudié sur 11 variétés de cépage

L’étude a exploré l’impact climatique sur 11 variétés de cépage: Cabernet-Sauvignon, Chasselas, Chardonnay, Grenache, Merlot, Mourvèdre, Pinot noir, Riesling, Sauvignon blanc, Syrah et Ugni blanc. Ces variétés représentent 35 % de la superficie plantée dans le monde, et atteignent 64 à 87 % dans de nombreux pays viticoles importants comme l'Australie, le Chili, la France, la Nouvelle-Zélande, la Suisse et les États-Unis.

Ainsi les chercheurs ont développé un modèle permettant de calculer les différents stades de développement de chacune de ces variétés (débourrement1, floraison et véraison2). Ensuite ils ont appliqué ce modèle à différentes régions viticoles dans le monde en utilisant les données de projection du changement climatique (scénario avec une augmentation moyenne de la température de 2°C en 2050 et 4°C en 2100) pour voir où ces variétés seraient viables. Ces modèles ont été calibrés et validés avec des données issues de plusieurs bases, dont plusieurs développées et entretenues par INRAE (collection des variétés de Vassal-Montpellier, données du portail TEMPO de l’unité Agroclim d’Avignon).

La méthodologie développée a permis d’identifier des cépages qui pouvaient être plus ou moins favorisés dans les conditions futures. Ainsi, les variétés tardives telles que la Syrah, le Grenache et le Mourvèdre pourraient beaucoup plus se développer dans les régions viticoles actuelles, et en parallèle les variétés précoces telles que le Chasselas, le Pinot noir et le Chardonnay pourraient se répandre dans de nouvelles régions plus septentrionales qui développeraient leurs propres vignobles.

L’étude a aussi permis de quantifier l’évolution des surfaces viticoles pour plusieurs pays. Les pays méditerranéens comme l’Italie ou l’Espagne montrent de nombreuses pertes (environ - 65%), avec très peu de gains (moins de 10 %), tandis que les régions correspondant aux latitudes plus élevées comme la Nouvelle-Zélande ou le nord des Etats-Unis montrent principalement des gains (+20-100% et +15-60% respectivement). Enfin, des pays en zones plus tempérées, comme la France et l'Allemagne, enregistrent autant de pertes que de gains (environ 20%).

Exemple de gains et de pertes de surface viticoles dans les principaux pays producteurs de vin pour deux cépages, le Pinot noir (violet) et le Grenache (rouge), dans un scénario de réchauffement à 2°C
Exemple de gains et de pertes de surface viticoles dans les principaux pays producteurs de vin pour deux cépages, le Pinot noir (violet) et le Grenache (rouge), dans un scénario de réchauffement à 2°C. Des gains sont observés pour le Grenache qui est à maturation tardive et tolérant à la chaleur, tandis que le Pinot noir, à maturation précoce et moins tolérant à la chaleur, présente plus de pertes. © Ignacio Morales-Castilla, Université d’Alcalá de Henares, Espagne

Bien comprendre les différentes variétés de vigne pour aider les viticulteurs à s’adapter au changement climatique

Cette recherche montre l’importance de bien comprendre comment les différentes variétés de cépages de vigne vont s’adapter aux évolutions futures, pour aider les viticulteurs à limiter les impacts du changement climatique sur leur exploitation. Cela nécessite des travaux complémentaires sur des variétés minoritaires (autochtones), pour la plupart inconnues du grand public, mais qui, dans certains cas, pourraient être performantes sous le climat futur. Enfin, il est aussi important de sensibiliser les consommateurs à essayer de nouveaux cépages afin que les producteurs puissent diversifier leur production et augmenter leur capacité d’adaptation. Dans certains vignobles d’appellation, cela devra s’accompagner de modifications des règles de production. Plusieurs de ces questions ont été et sont actuellement explorées en France dans le cadre du projet LACCAVE, lancé en 2012 et piloté par INRAE, qui a pour objectif de définir les stratégies d’adaptation du vignoble français au changement climatique.

L'avenir des régions viticoles dépend essentiellement de décisions humaines. A l'échelle locale, l’adaptation des pratiques viticoles et le choix de variétés de vigne adaptées permettront de prévenir, au moins partiellement, la disparition de certains vignobles. Mais à l'échelle mondiale, l’avenir des régions viticoles dépend des décisions politiques et sociétales qui seront prises dans les prochaines années et des émissions de gaz à effet de serre et, par suite, du réchauffement global qui en résultera.

Référence

I. Morales-Castilla, I. Garcia de Cortazar-Atauri, B. I. Cook, T. Lacombe, A. Parker, C. van Leeuwen, K. A. Nicholas, et E. M. Wolkovich, Diversity buffers winegrowing regions from climate change losses, Proceedings of the National Academy of Sciences 27 janvier 2020
DOI : https://www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.1906731117

En savoir plus

Agroécologie

Nouveau partenariat INRAE - IFV : la recherche et l’innovation pour préparer la viticulture de demain

COMMUNIQUE DE PRESSE - Le 19 mai, Bernard Angelras, Président de l’IFV et Philippe Mauguin, Président directeur-général d’INRAE ont signé un nouvel accord de partenariat ambitieux pour les 10 prochaines années. Pour anticiper les effets du changement climatique et l’évolution des demandes des consommateurs, mais aussi pour répondre aux exigences de la transition agro-écologique et de la réduction d’usage des produits phytosanitaires, le recherche de solutions innovantes et de nouveaux systèmes de productions dans le secteur de la vigne et du vin sont indispensables. Par leurs travaux communs, les deux partenaires ont déjà apporté de nombreuses solutions concrètes, transférables au vignoble et en cave. Pour la période 2021-2030, les deux instituts, aux missions et compétences complémentaires, affichent leur volonté de renforcer leur collaboration sur une gamme plus large d’objectifs de recherche et de développement. En fédérant l’ensemble des disciplines « de la vigne au verre », ils s’engagent à apporter des solutions à la viticulture, filière majeure pour l’agriculture et l’agroalimentaire français.

18 mai 2021

Changement climatique et risques

LACCAVE : 10 ans de recherche en partenariat pour l’adaptation de la viticulture au changement climatique

COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Après 10 ans de travaux sur l’adaptation de la viticulture au changement climatique, le projet LACCAVE s’est achevé fin 2021. Rassemblant depuis 2012 une centaine de chercheurs pour étudier les conditions de l’adaptation au changement climatique dans le secteur de la vigne et du vin, ce projet a été financé et coordonné par INRAE, et mené en partenariat avec le CNRS, des universités, l’institut Agro et Bordeaux Sciences Agro, ainsi que les principales organisations de la filière, l’INAO, FranceAgriMer, les chambres d’Agriculture, l’IFV, les interprofessions et syndicats d’appellation. Le projet a été clôturé à Montpellier par un séminaire scientifique (24-26 novembre) puis une série de conférences et d’ateliers participatifs au salon professionnel du SITEVI (30 novembre-2 décembre). Les conclusions des chercheurs réunis le soulignent : les impacts du bouleversement climatique sur les vignobles s’accentuent, mais des solutions pour l’adaptation sont possibles si l’augmentation de la température moyenne est contenue à moins de 2 °C et si la mobilisation conjointe des acteurs de la filière, des pouvoirs publics et de la recherche se poursuit.

07 décembre 2021

Agroécologie

Comment la vigne a changé de sexe pendant sa domestication

COMMUNIQUE DE PRESSE - Le raisin, consommé en grains ou en vin, provient de la vigne domestiquée Vitis vinifera, descendant de la vigne sauvage (Vitis sylvestris). Depuis plusieurs années, la vigne domestique est auscultée sous toutes ses coutures, en mobilisant les disciplines de la génétique à la physiologie en passant par la physique. Mais une question subsistait dans le monde scientifique : comment expliquer que la vigne domestique est hermaphrodite quand son ancêtre sauvage ne l’est pas ? Pour la première fois, des scientifiques INRAE, CNRS et Université Claude Bernard Lyon 1 ont pu séquencer le génome de la vigne sauvage. Ce séquençage, grâce à des techniques innovantes, a permis une lecture de ce génome ancestral et l’identification de gènes permettant à la vigne de changer de sexe. Leurs travaux sont parus le 7 septembre dans la revue Genome biology.

07 septembre 2020