Changement climatique et risques 4 min
LACCAVE : 10 ans de recherche en partenariat pour l’adaptation de la viticulture au changement climatique
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Après 10 ans de travaux sur l’adaptation de la viticulture au changement climatique, le projet LACCAVE s’est achevé fin 2021. Rassemblant depuis 2012 une centaine de chercheurs pour étudier les conditions de l’adaptation au changement climatique dans le secteur de la vigne et du vin, ce projet a été financé et coordonné par INRAE, et mené en partenariat avec le CNRS, des universités, l’institut Agro et Bordeaux Sciences Agro, ainsi que les principales organisations de la filière, l’INAO, FranceAgriMer, les chambres d’Agriculture, l’IFV, les interprofessions et syndicats d’appellation. Le projet a été clôturé à Montpellier par un séminaire scientifique (24-26 novembre) puis une série de conférences et d’ateliers participatifs au salon professionnel du SITEVI (30 novembre-2 décembre). Les conclusions des chercheurs réunis le soulignent : les impacts du bouleversement climatique sur les vignobles s’accentuent, mais des solutions pour l’adaptation sont possibles si l’augmentation de la température moyenne est contenue à moins de 2 °C et si la mobilisation conjointe des acteurs de la filière, des pouvoirs publics et de la recherche se poursuit.
Publié le 07 décembre 2021
Les impacts du changement climatique s’intensifient dans les vignobles
Les travaux de LACCAVE confirment d’abord que les impacts du changement climatique s’accentuent : les stades du développement de la vigne sont plus précoces, la rendant plus vulnérable aux gelées de printemps, comme en 2021, et avançant les dates de vendange vers le cœur de l’été, ce qui amplifie l’augmentation de température pour cette période sensible ; les stress hydriques sont plus prononcés dans le Sud de la France avec des effets observables sur les rendements ; les caractéristiques des vins se modifient avec plus d’alcool, des baisses d’acidité et des modifications d’arôme ; de nouveaux territoires deviennent favorables à la plantation de la vigne, ce dont rend compte par exemple une étude réalisée par LACCAVE sur la Bretagne ; de nombreux autres impacts sont aussi à prendre en compte, en particulier des dégâts causés par les événements extrêmes (destruction de récolte, érosion accrue…), les incendies ou la pression plus forte de bioagresseurs pour les années et les régions les plus humides. La durabilité de la viticulture française est donc menacée, même si l’ensemble des vignobles de la planète fait face à des bouleversements similaires.
Les leviers d’adaptation sont multiples et leur expérimentation doit s’accélérer
Pour autant des solutions techniques ou organisationnelles sont possibles et déjà expérimentées. Le projet LACCAVE a permis d’analyser les conditions de leurs mises en œuvre.
La conservation et l’amélioration des sols viticoles apparaît comme une urgence pour favoriser la résilience des vignobles, en combinant enherbement maîtrisé, apport de matière organique (compost, broyats, écopaturage…), aménagements anti-érosion…
Le renouvellement et la diversification du matériel végétal est aussi une option majeure, permettant de planter des couples cépage/porte-greffe plus tardifs, résistants à la sécheresse ou à des températures plus élevées, produisant moins de sucre ou plus d’acidité. Cette option concerne des variétés « anciennes » ou cultivées dans d’autres régions, mais aussi les créations variétales. Pour cela, les conservatoires, essais individuels ou collectifs, réseaux d’observation doivent être soutenus et coordonnés pour favoriser le partage d’information.
La gestion de l’eau doit être pensée de manière systémique, selon le type de vin, l’encépagement et les pratiques viticoles, mais en jouant aussi sur la gestion des terroirs qui régulent la circulation de l’eau et sa recharge issue des pluies d’automne et d’hiver. Une irrigation de précision permet de piloter l’état hydrique des vignes, mais sa généralisation n’est ni possible, ni souhaitable. Il convient de promouvoir des pratiques agroécologiques et économes en eau. De fait, des itinéraires techniques permettent aussi de maintenir une grande partie des vignobles sans irrigation.
Il existe déjà des moyens d’adapter la vinification pour limiter les effets du changement climatique (réduction de la teneur en alcool, ajustement de l’acidité…), mais des recherches systémiques et appliquées aux nouvelles variétés restent nécessaires.
L’hétérogénéité spatiale d’un terroir est une ressource pour l’adaptation, ce qui suppose de nouvelles connaissances, cartographies, simulations. La gestion locale des incendies, des écosystèmes et des paysages appelle à une gouvernance viticole ouverte aux autres acteurs du territoire. Le changement climatique invite ainsi à une nouvelle ingénierie des territoires viticoles.
Les risques climatiques bouleversent les stratégies économiques. Les assurances privées doivent être associées à un soutien et à des investissements publics ou mutualisés, à la prévention, à des systèmes d’information et d’alerte encore plus performants, aux options de gestion de réserves et des marchés du vin…
La prise en compte des consommateurs est indispensable pour connaitre leurs préférences face à l’évolution des vins ou aux innovations de l’adaptation, mais aussi pour les sensibiliser et les impliquer dans les stratégies à mettre en œuvre pour faire face au changement climatique.
La filière doit contribuer à l’atténuation du changement climatique en réduisant ses émissions et en capturant du carbone, car les opportunités sont nombreuses (gestion des sols et paysages, logistique, isolation…) et les consommateurs sont sensibles à cet engagement qui contribue à l’image du vin.
Plus concentré, plus riche en alcool, moins acide. Voilà ce à quoi pourrait bien ressembler notre verre de vin rouge en 2050. Les effets du changement climatique ont été décrits sur la vigne et le vin.
Co-construire des stratégies d’adaptation à plusieurs échelles
Le projet LACCAVE met en évidence la nécessité de concevoir et d'évaluer les combinaisons de ces différents leviers d’adaptation, en mobilisant des démarches systémiques et participatives pour construire des stratégies à différentes échelles d’action.
Des méthodes ont été developpées** associant participation des viticulteurs et outils de modélisation pour simuler les impacts du changement climatique à l’échelle locale et évaluer différentes stratégies d’adaptation..
À l’échelle plus large d’un territoire, le projet LACCAVE a accompagné des démarches qui favorisent la concertation entre acteurs pour faire émerger des solutions partagées.
À l’échelle nationale, le projet LACCAVE a réalisé une prospective pour 2050, fournissant 4 scénarios qui ont été mis en débat dans 7 régions viticoles, suscitant 2 700 propositions d’action. Les données recueillies ont alimenté la réflexion des représentants professionnels qui sous la coordination de l’INAO et de FranceAgriMer ont élaboré une « stratégie de la filière viticole face au changement climatique », présentée le 26 août 2021 au ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation.
L’enjeu climatique appelle à renforcer la production et le partage de connaissances et de données, en intégrant des domaines variés, une vision systémique et des démarches participatives ouvertes aux acteurs des territoires et aux consommateurs.
Les résultats des travaux réalisés dans le cadre du projet LACCAVE seront disponibles sur la plateforme collaborative VINEAS (projet INRAE/Climate KIC), qui rassemble acteurs et projets autour du partage de connaissances et de solutions en lien avec l'impact du changement climatique sur la vigne et le vin.
LACCAVE en quelques chiffres
Plus de 100 chercheurs de 25 unités de recherche INRAE, ainsi que plusieurs unités CNRS ou universités (Rennes, Limoges, Dijon)
Une grande diversité de disciplines (génétique, écophysiologie, agronomie, sciences de l’environnement, œnologie, géographie, économie, sociologie…).
10 thèses
Plus de 100 articles à comité de lecture depuis 2013 et plus de 200 communications dans des colloques ou séminaires
Contribution à de nombreuses revues ou sites techniques (Revue française d’œnologie, ONERC, ADEME…), ouvrages, événements liés au changement climatique.
Communications à destination des décideurs : commission économique de l’Assemblée Nationale, G20 MACS à Tokyo, congrès Unesco COP21, OIV, Académie d’agriculture, Académie des technologies, FAO, COPACOGECA, ministère de l’Agriculture…
Plus de 530 interventions dans les médias (2016-2021).
Un podcast sur le projet Laccave, avec Nathalie Ollat
Issu des recherches du projet LACCAVE, cet ouvrage, disponible aux Editions Quae, donne les clés de l’adaptation de la filière Vigne et vin au changement climatique en explorant les leviers d‘action possibles.
En savoir plus : https://www6.inrae.fr/laccave
https://www.inrae.fr/departements/act/appel-cours#vineasSTIT
* Dans le cadre du métaprogramme ACCAF, et désormais CLIMAE.
** Avec les thèses d’Etienne Neethling, d’Etienne Delay puis d’Audrey Naulleau