De la valorisation de co-produits agro-industriels vers la protection des plantes : exemple de la tomate

L’industrie de transformation des fruits génère un nombre considérable de co-produits (marcs/drêches) peu valorisés à ce jour, incluant essentiellement les peaux et les graines. Ces co-produits peuvent être source de molécules d’intérêt pour la protection des plantes. La demande de nouvelles solutions de biocontrôle est forte et l’offre en produit est aujourd’hui limitée, dans un contexte de retrait progressif des pesticides conventionnels sur le marché. Dans le cadre d’un projet ADEME Investissement D’Avenir coordonné par la société SDP-Rovensa Next (PEEL 2019-2024), un produit de biocontrôle à partir de drèches de tomate riches en cutine (polyester d’acides gras hydroxylés) a été développé pour lutter contre la tavelure du pommier.

Publié le 17 février 2025

© INRAE

La cuticule joue un rôle de barrière physique chez les plantes mais elle est également source de molécules antimicrobiennes et/ou capables d’activer l’immunité de la plante en condition de laboratoire. Afin de transférer ces résultats académiques vers la production agricole, des scientifiques ont testé l’application exogène de monomères de cutine sur les plantes pour apporter une protection contre les maladies et identifier les mécanismes impliqués.

Mais, une utilisation agronomique de ces monomères de cutine suppose de pouvoir garantir d’une part, une production stable et suffisante de ces monomères et d’autre part une dispersion dans l’eau de ces molécules lipidiques. L'industrie de transformation de la tomate génère de grandes quantités de co-produits riches en cutine (70% de la masse sèche), dont la composition en monomères est remarquablement homogène. Pour pouvoir les utiliser, un procédé d’extraction de ces monomères et une formulation permettant de disperser ces lipides dans l’eau sous forme de vésicules stables ont donc été développés.

Le pommier a été choisi pour tester l’efficacité de ces formulations, car cette espèce nécessite de nombreux traitements phytosanitaires pour contrôler la tavelure (Venturia inaequalis), plus d'une douzaine environ de fongicides par saison selon le bassin de production.

Une nouvelle solution de biocontrôle pour lutter contre la tavelure du pommier ?

Divers processus d'extraction et de purification à partir et drêches de tomate ont été testés et ont montré une capacité à activer l’expression de gènes de défense après application sur les feuilles des semis de pommier. Une solution formulée à partir de ces monomères de cutine de tomate a ensuite été évaluée 1) sur le pommier via une analyse transcriptomique qui permet de suivre l’expression de l’ensemble des gènes de l’espèce après traitement et ainsi approfondir l’étude du mode d’action du produit, et 2) sur Venturia inaequalis afin de repérer un éventuel effet antifongique.

Les résultats transcriptomiques (Figure 2A) montrent que les monomères de cutine activent l'expression de gènes liés à la reconnaissance des bioagresseurs, au stress oxydant (signalisation et effet antimicrobien), à la synthèse de l’acide jasmonique (hormone déclenchant les défenses situées en aval de l’attaque du champignon), et aux défenses avales (barrières physiques et chimiques contre les pathogènes). En plus d’activer des défenses du pommier, les monomères de cutine inhibent directement la croissance du champignon (Figure 2B), démontrant un double mode d’action  de l'extrait. L’efficacité de protection du produit a enfin été évaluée en serre, où une application préventive a permis de réduire drastiquement le développement de la tavelure, bien que la protection ne soit pas totale (Figure 2C). L’étude a permis de poser les premières étapes du développement d'une solution agronomique respectueuse de l'environnement et capable de contrôler cette maladie du pommier

Le développement de stratégies biosourcées pour la protection des plantes est essentiel pour une agriculture durable. Ce travail a permis de franchir des étapes clés en utilisant des déchets agricoles abondants pour produire des extraits de monomères de cutine par un processus de bioraffinerie simple et efficace à l’échelle industrielle. Pour une utilisation agronomique, une dispersion stable des monomères dans l'eau a été développée, favorisant leur double activité biologique. Les prochaines étapes de ce projet de recherche consisteront à valider la performance de la formulation sur des pommiers en verger et à explorer l’utilisation sur d'autres bioagresseurs afin de révéler tout le potentiel des monomères de cutine dans la gestion des stress biotiques.

Figures : Mode d’action des monomères de cutine de tomate (extrait PEEL) et efficacité de protection contre la tavelure du pommier en conditions contrôlées. 
(A) Effet stimulateur de défenses : réponse immunitaire du pommier aux monomères de cutine proposée à partir des données transcriptomiques (RNAseq). 
(B) Effet fongicide in vitro : réduction de 76% de la croissance de Venturia inaequalis cultivé en présence de ces monomères de cutine (PEEL). 
(C) Efficacité de protection contre la tavelure : diminution de 73% et 68% du développement de la maladie, 2 (barres claires) et 3 (barres foncées) semaines post-inoculation sur semis de pommier. Ces semis ont été traités aux monomères de cutine 2 jours avant inoculation.


PARTENAIRES SCIENTIFIQUES : UR-1268 BIA, Nantes / UMR-1345 IRHS, Angers / SDP Rovensa, Laon

FINANCEMENT : ADEME

PUBLICATION ASSOCIEE : Gaucher M., Juillard, A., Nguyn B. et al. (2024). Formulated hydroxy fatty acids from fruit pomaces reduce apple scab development caused by Venturia inaequalis through a dual mode of action. Front. Plant Sci. 14, 1–14. https://doi.org/10.3389/fpls.2023.1322638 

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