Biodiversité 15 min

Pommes et pommiers anciens

Le recours à la génétique pour retracer l'histoire et l'arbre généalogique des pommiers anciens

Publié le 30 avril 2020

illustration Pommes et pommiers anciens
© L. Feugey

L'arbre généalogique des pommiers anciens reconstitué

"Reinette Franche", une variété normande datant de la Renaissance, est l'ancêtre d'un très grand nombre de variétés.

Pommes : Reinette franche

 Les variétés de pommier peuvent être maintenues pendant des siècles dans des vergers ou des conservatoires grâce au greffage. Certaines d'entre elles sont supposées dater du Moyen-Age ou même de l'Antiquité romaine. Grâce aux collections de ressources génétiques conservées à l’unité IRHS (Angers) et dans différents conservatoires européens, des chercheurs INRAE ont pu reconstituer les relations d’apparentement entre ces variétés anciennes et apporter des informations nouvelles sur l’histoire de la sélection de cette espèce au cours des siècles passés.

Des relations de parentés impliquant plus de 800 variétés ont été identifiées à l'aide de données de marquage moléculaire dense (empreintes génétiques) obtenues sur plus de 1400 variétés anciennes ou locales de pommier. Les parents de variétés emblématiques telles que ‘Calville Blanc d’Hiver’ (France), ‘Transparente de Croncels’ (France), 'Ribston Pippin' (Grande-Bretagne) ou encore 'White Transparent' (Pays Baltes) ont été déterminés. L'arbre généalogique reconstitué couvre sept générations. Il met en lumière la contribution très importante et inattendue de deux variétés normande et anglaise datant de la Renaissance, 'Reinette Franche' et 'Margil', ainsi que celle de la variété russe 'Alexander' datant du XVIIIème siècle.

Ces résultats coïncident avec les écrits de l’éminent pomologiste angevin André Leroy qui indiquait déjà en 1873 que la Reinette Franche était « la doyenne d’un groupe considérable de pommiers et lui [avait légué] son nom » (c.à.d. la plupart des ‘Reinettes’). Les variétés plus anciennes, du Moyen-Age ou de l'Antiquité, ne présentent pour l’instant que peu ou pas de descendants directs dans l'échantillon étudié. Mais l’ensemble des résultats obtenus illustre remarquablement l'histoire de la sélection empirique ancienne et plus récente du pommier.

Une analyse plus large, impliquant des variétés conservées dans d'autres collections, est en cours. Elle permettra probablement d'identifier d'autres relations de parentés et d'étendre ainsi l'arbre généalogique reconstruit. L'arbre généalogique obtenu ouvre d’ores et déjà des pistes pour accélérer la création de nouvelles variétés à l'aide des marqueurs moléculaires.

Partenaires : ces résultats ont été obtenus dans le cadre d'une collaboration entre les équipes ResPom et VaDiPom de l'UMR IRHS (à Angers) et des partenaires du projet européen FruitBreedomics : University of Bologna (IT), University of Reading (UK), Fondazione Edmund Mach (IT), Centre Wallon de Recherches Agronomiques (BE), University of Agricultural Sciences (SW), Research and Breeding Institute of Pomology Holovousy (CZ), avec l'apport de pomologistes de l'association "Les Croqueurs de Pommes du Confluent Ain-Isère-Savoie".

Financement : cette étude a été financée par le projet européen FruitBreedomics, No. 265582: Integrated Approach for increasing breeding efficiency in fruit tree crops

Référence de la piblication : Muranty H., Denancé C., Feugey L., Crépin J.L., Barbier Y., Tartarini S., Ordidge M., Troggio M., Lateur M., Nybom H., Paprstein F., Laurens F., Durel C.E. (2019). Using whole-genome SNP data to reconstruct a large multi-generation pedigree in apple germplasm. BMC Plant Biology, doi: 10.1186/s12870-019-2171-6.

Parenté entre variétés anciennes de pommier

Des marqueurs moléculaires caractérisent leur diversité et retracent leur histoire

Les variétés anciennes de pommes montrent une grande diversité de taille, de forme, de couleur et d'aspect

En Europe, les variétés anciennes de pommier sont conservées par différents acteurs de la société civile. Elles représentent une valeur patrimoniale et historique indéniable, certaines variétés datant de plusieurs siècles voire de l’époque médiévale ou romaine. De par leur diversité, leur typicité ou leur rusticité, elles sont très prisées pour les jardins d’amateurs ou pour la vente en circuit-court. Enfin, elles constituent une ressource génétique remarquable pour diversifier la création de nouvelles variétés. Les caractériser au niveau génétique représente donc un enjeu majeur pour mieux gérer leur conservation et favoriser leur utilisation en sélection.

Dans le cadre du projet européen FruitBreedomics coordonné par l’UMR IRHS (Inra-Agrocampus Ouest-Université d’Angers), les empreintes génétiques de plus de 2400 accessions provenant de 9 pays européens et de Russie ont été définies par analyse moléculaire de leur ADN. Ces marqueurs génétiques ont permis de repérer des variétés synonymes, portant des noms différents mais présentant les mêmes empreintes génétiques, comme la ‘Reinette de Champagne’ en France et la ‘Maestro Sagarra’ en Espagne. Les marqueurs ont aussi permis de définir 3 grands groupes génétiques qui coïncident significativement avec les origines géographiques des variétés (Nord+Est, Ouest+Centre et Sud de l’Europe). Enfin, ils ont permis de rechercher des relations de parenté entre variétés anciennes qui révèlent parfois des croisements entre variétés d’origine très différente. Ainsi la ‘Calville Rouge du Mont d’Or’ originaire de la région lyonnaise proviendrait en réalité d’un croisement entre la variété française ‘Calville Rouge d’Hiver’ et la variété russe ‘Grand Alexandre’.

L’exploration des variétés anciennes se poursuit actuellement en combinant marqueurs génétiques et caractéristiques agronomiques de manière à localiser les régions du génome impliquées dans le contrôle de ces caractères.

Fig-2. Répartition des variétés de pommier de divers pays européens en fonction de leur groupe génétique d'appartenance. Les groupes génétiques (bleu, vert, rouge) sont définis statistiquement par regroupements préférentiels des variétés basés uniquement sur leurs marqueurs génétiques. Les nombres indiqués correspondent aux effectifs par pays.

Partenaires : Plateforme Gentyane (INRA Clermont-Ferrand), University of Bologna (IT), Centre Wallon de Recherches Agronomiques (BE), University of Reading (UK), East Malling Research (UK), Research and Breeding Institute of Pomology Holovousy (CZ), University of Agricultural Sciences (SW), University of Navarre (SP), Agroscope (CH), NCRRIH&V and VNIISPK (RU)

Référence de la publication : Urrestarazu J., Denance C., Ravon E., Guyader A., Guisnel R., Feugey L., Poncet C., Lateur M., Houben P., Ordidge M., Fernandez-Fernandez F., Evans K.M., Paprstein F., Sedlak J., Nybom H., Garkava-Gustavsson L., Miranda C., Gassmann J., Kellerhals M., Suprun I., Pikunova A.V., Krasova N.G., Torutaeva E., Dondini L., Tartarini S., Laurens F., Durel C.E. (2016). Analysis of the genetic diversity and structure across a wide range of germplasm reveals prominent gene flow in apple at the European level. BMC Plant Biology, 16:130. DOI: http://dx.doi.org/10.1186/s12870-016-0818-0.

Dates de floraison et maturité du pommier

Le déterminisme génétique de deux caractères adaptatifs importants étudié par génétique d’association

Fleurs de pommier

Dans le contexte du changement climatique global, la floraison des pommiers au printemps est plus précoce avec des conséquences sur l’exposition aux risques de gelées tardives et sur la capacité photosynthétique des arbres. Les effets sur les dates de maturité des pommes peuvent aussi poser des problèmes dans la gestion des vergers ou la commercialisation des fruits. Si les programmes d’amélioration du pommier visent aujourd’hui à combiner qualité des fruits et résistance aux maladies avec un rendement suffisant, les caractères d’adaptation à l’environnement (floraison et maturité) devront faire l’objet de plus d’attention pour faire face au changement climatique.

Stades de floraison du pommier

 Dans le cadre du projet européen FruitBreedomics coordonné par l’UMR IRHS (Inra-Agrocampus Ouest-Université d’Angers), les dates de floraison et de maturité d’environ 1200 variétés différentes provenant des collections de six instituts européens ont été analysées et comparées avec des données génétiques denses (plus de 275 000 marqueurs sur l’ensemble du génome). Les travaux menés ont identifié une région génomique sur le chromosome 9 contrôlant la date de floraison et trois régions génomiques, sur les chromosomes 3, 10 et 16, contrôlant la date de maturité. Ces régions génomiques expliquent ensemble 9 et 17% de la variation phénotypique des deux caractères alors que l’origine géographique et l’apparentement en expliquent une très large partie, ce qui traduit en partie l’adaptation locale de ces variétés. Des gènes codant pour des facteurs de transcription ont été identifiés comme gènes candidats dans les régions génomiques identifiées.

Par cette étude, il a été montré comment la génétique d’association, lien entre un marqueur et un caractère, permet d’élucider le déterminisme génétique de caractères d’intérêt chez le pommier et d’améliorer fortement la précision de localisation des régions génomiques associées par rapport à d’autres approches. Ces nouvelles régions génomiques identifiées pourront être utilisées en sélection assistée par marqueurs alors que l’ensemble des données permettra d’établir des prédictions génomiques des valeurs génétiques pour les deux caractères.

Partenaires : Plateforme Gentyane (INRAE Clermont-Ferrand), University of Bologna (IT), University of Navarre (SP), Centre Wallon de Recherches Agronomiques (BE), University of Reading (UK), Research and Breeding Institute of Pomology Holovousy (CZ), University of Agricultural Sciences (SW), Fondazione Edmund Mach (IT), National Agriculture and Food Research Organization (JP), Wageningen University and Research (NL)

Référence de la publication  : Urrestarazu, J., Muranty, H., Denancé, C., Leforestier, D., Ravon, E., Guyader, A., Guisnel, R., Feugey, L., Aubourg, S., Celton, J.-M., Daccord, N., Dondini, L., Gregori, R., Lateur, M., Houben, P., Ordidge, M., Paprstein, F., Sedlak, J., Nybom, H., Garkava-Gustavsson, L., Troggio, M., Bianco, L., Velasco, R., Poncet, C., Théron, A., Moriya, S., Bink, M. C. A. M., Laurens, F., Tartarini, S., & Durel, C.-E. (2017). Genome-wide association mapping of flowering and ripening periods in apple. Frontiers in Plant Science, 8(1923). http://doi.org/10.3389/fpls.2017.01923

Le génome et l’épigénome de la pomme décodés

Un consortium international, mené par INRAE et réunissant des chercheurs en France, en Italie, en Allemagne, aux Pays Bas et en Afrique du Sud, a pu obtenir un génome du pommier de très haute qualité, en combinant les dernières technologies de séquençage de l’ADN à celles de la cartographie classique. Ce génome permet aux chercheurs d’avoir une vision sans précédent sur la composition et l’évolution du génome d’un arbre, et ouvre de nouvelles perspectives pour la création de nouvelles variétés, notamment pour réduire l’utilisation de pesticides. Ces résultats ont été publiés dans Nature Genetics le 5 juin 2017.

De gauche à droite : un fruit de 'Golden Delicious', un fruit du double haploïde #13 dont le génome a été séquencé et un fruit du double haploïde #18, génétiquement identique au #13. La différence de taille de fruit entre les deux doubles haploïdes est due à des différences épigénétiques identifiées autour de gènes clés impliqués dans le développement du fruit

(Nature Genetics 5 juin 2017)

La pomme est un des fruits les plus consommés au monde, et représente 84,6 millions de tonnes produites chaque année. Afin de pouvoir sélectionner plus efficacement les nouvelles variétés de pommier il est indispensable d’avoir accès à un génome de haute qualité. Cela permet d’effectuer des études génétiques et épigénétiques  indispensables à l'identification de gènes clés impliqués par exemple dans la texture du fruit, ou la résistance aux maladies.

Un consortium international, porté par Etienne Bucher, INRAE, et responsable de l’équipe EpiCenter à l’unité IRHS à Angers, a obtenu un génome de très haute qualité grâce à l'utilisation des toutes dernières technologies de séquençage. Ce génome permet aux chercheurs d’avoir une vision sans précédent sur la composition et l’évolution du génome d’un arbre.

Afin de décoder la quasi-totalité du génome de la pomme, Etienne Bucher et son équipe de l’UMR IRHS (INRAE - Agrocampus Ouest – Université d’Angers) ont monté et coordonné un consortium international réunissant des chercheurs en France, en Italie, en Allemagne, aux Pays Bas et en Afrique du Sud. En combinant les dernières technologies de séquençage de l’ADN à celles de la cartographie classique, le consortium a pu obtenir un génome de très haute qualité. En s'appuyant sur une carte génétique à haute densité de marqueurs, le génome a pu être assemblé en 17 pseudo-molécules, représentant les 17 chromosomes du pommier. D'une taille totale de 649.3 Mb assemblé en 280 fragments, ce génome comporte 42140 gènes. Ce génome permet aux chercheurs d’avoir une vision sans précédent sur la composition et l’évolution du génome d’un arbre.

Ce nouveau génome a par exemple permis aux chercheurs d’identifier des réarrangements importants qui se sont produits dans le génome de la pomme il y a environ 21 millions d’années. Ces changements pourraient être dus à l’émergence des montagnes de Tian Shan (Kazakhstan), la région d’origine de la pomme. Ces évènements géologiques et environnementaux auraient contribué à l’évolution contrastée de l'ancêtre commun du pommier et du poirier.

Avec ce génome de très haute qualité, les chercheurs ont pu conduire des études épigénétiques (la transmission d’information indépendamment de la séquence de l’ADN). Cela leur a permis de mettre en évidence que des marques épigénétiques peuvent influencer le développement du fruit à travers l’expression différentielle des gènes.

Ce génome est un outil indispensable pour toute la communauté travaillant sur l’amélioration de la pomme : il va notamment permettre d’accélérer la création de nouvelles variétés plus résistantes pour réduire l’utilisation de pesticides.

Partenaires : Ce projet a été financé par la région Pays de la Loire (bourse ConnecTalent), l’Université d’Angers, INRAE, le projet européen FruitBreedomics, la Provincia autonoma di Trento, la Max Planck Society et la Deutsche Forschungsgemeinschaft.

Référence de la publication : Nicolas Daccord, Jean-Marc Celton, Gareth Linsmith, Claude Becker, Nathalie Choisne,    Elio Schijlen,    Henri van de Geest, Luca Bianco, Diego Micheletti, Riccardo Velasco,    Erica Adele Di Pierro,    Jérôme Gouzy, D Jasper G Rees,    Philippe Guérif, Hélène Muranty, Charles-Eric Durel, François Laurens, Yves Lespinasse, Sylvain Gaillard, Sébastien Aubourg, Hadi Quesneville, Detlef Weigel, Eric van de Weg, Michela Troggio & Etienne Bucher. High-quality de novo assembly of the apple genome and methylome dynamics of early fruit development. Nature Genetics, Vol. advance online publication (05 June 2017), doi:10.1038/ng.3886.

En savoir plus :

Pommier double haploïde ‘Golden Delicious’ : cet arbre, sélectionné à INRAE à Angers par l’équipe d’Yves Lespinasse, représente une ressource formidable pour la génomique et l’épigénomique qui n'avait pas été exploitée jusqu'à présent.

Un premier séquençage du génome du pommier domestique réalisé en 2010 : un consortium international de recherche, auquel a contribué le centre INRAE Pays de la Loire, a réalisé le séquençage d’un premier brouillon du génome du pommier domestique (Malus  domestica) en 2010, avec le décryptage d’une séquence de 740 millions de paires de bases (plus de 50 000 gènes identifiés).

Ce travail avait permis l'obtention d'une première ébauche de génome, mais qui contenait de nombreuses erreurs et ne contenait pas les portions du génome comprenant les éléments transposables, limitant son utilité pour nombre d'études génomiques et épigénétiques.

Contacts

Charles-Eric Durel UMR IRHS (INRAE - Agrocampus Ouest - Université d'Angers)

Hélène Muranty UMR IRHS (INRAE - Agrocampus Ouest - Université d'Angers)

François Laurens UMR IRHS (INRAE - Agrocampus Ouest - Université d'Angers)

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