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Trouver une aiguille dans une botte de foin, ou comment identifier la cible biologique d’un microARN

Les microARNs (miARNs) sont des petits ARN régulateurs ne codant pas pour des protéines (ARN non-codants). Ils agissent en se fixant sur les ARN messagers (qui codent eux pour des protéines) de gènes cibles dont ils inhibent ainsi la capacité à s’exprimer. Si les miARNs peuvent, en théorie, reconnaitre et interagir avec de nombreux gènes cibles, il est, en pratique, très difficile d’identifier les gènes qui sont effectivement régulés par un miARN et qui constituent leurs cibles biologiques. Or, il est très important de pouvoir connaitre ces associations pour pouvoir agir sur les mécanismes en jeu. L’approche novatrice utilisée par les chercheurs d’INRAE de Rennes et du CNRS de Montpellier permet, à partir de données d’expression de gènes, de réduire de façon drastique la liste de gènes potentiellement cibles d’un microARN. L’utilisation de critères de sélection des gènes cibles liés au fonctionnement des microARN et non au modèle biologique utilisé permet d’envisager une application dans n’importe quel autre contexte biologique, ce qui fait la grande force et l’intérêt de cette approche.

Publié le 07 décembre 2023

illustration Trouver une aiguille dans une botte de foin, ou comment identifier la cible biologique d’un microARN
© S. Janati-Idrissi

 Les microARN sont des petits ARN non codants capables de réguler l’expression de gènes cibles en réprimant la traduction d’ARN messagers en protéines. Sujet d’intérêt majeur en biologie depuis une vingtaine d’année, un des objectifs actuels des travaux sur les microARN est d’identifier leurs cibles biologiques. Les microARN sont capables de reconnaitre des séquences courtes de gènes que l’on retrouve avec une grande probabilité dans le génome, ce qui fait qu’ils sont « en théorie » capable de réguler l’action de plusieurs milliers de gènes. Cette idée fait actuellement débat au sein de la communauté scientifique, car les travaux montrent qu’un seul gène peut être la cible spécifique d’un microARN.

L’objectif actuel est d’identifier les gènes cibles des microARN parmi des milliers de gènes cibles potentiels, ce qui revient à chercher une aiguille dans une botte de foin.

Pour clarifier le débat, les chercheurs INRAE de Rennes et du CNRS de Montpellier ont utilisé un modèle de poisson d’aquarium (le Médaka), dont le gène codant pour un microARN, appelé miR-202, ne s’exprime plus. L’intérêt est que cela induit une baisse globale de la reproduction et plus particulièrement une baisse de la production d’œufs, un phénotype qui peut alors être associé à ce microARN.

Leurs travaux publiés dans la revue Nucleic Acids Research, qui fait référence dans le domaine, ont permis de réduire le nombre de gènes cibles de plusieurs milliers possibles à seulement cinq. Cette approche novatrice repose sur l’utilisation de critères intimement liés au fonctionnement des microARN. Elle inclut notamment la prise en compte de l’affinité de liaison entre le microARN et le gène cible, la conservation de cette liaison au cours de l’évolution ou encore la faible variabilité naturelle de l’expression des gènes.

Au sein de leur « short list », les chercheurs ont mis en évidence le gène tead3b, acteur majeur de la voie Hippo, une voie de régulation génique conservée de la Drosophile à l’Homme, ayant une implication dans la régulation de la fonction de reproduction. Après avoir empêché la fixation du microARN miR-202 sur le gène tead3b par édition de génome (CRISPR/Cas9), l’analyse de la fonction de reproduction a permis d’obtenir des résultats formels. Une diminution du nombre d’œufs similaire à celle observée en l’absence de l’expression du gène mir-202 a été observée en bloquant la fixation de miR-202 sur tead3b, indiquant que le gène tead3b est régulé par miR-202 et que miR202 participe au bon fonctionnement de la reproduction chez le médaka par le biais de la régulation d’un acteur de la voie Hippo, le gène tead3b.

Ce travail est la première identification d’une cible fonctionnelle d’un miARN chez un vertébré sans idée préconçue sur son identité possible et un des rares exemple existant chez les animaux.  Cette approche pourrait permettre d’identifier de façon rapide les gènes qui sont les cibles biologiques d’un miRNA donné et donc d’identifier des « couples régulateurs » pour n’importe quelle fonction biologique.

Ce travail est le fruit d’une collaboration entre l’équipe de Julien Bobe du Laboratoire de Physiologie et Génomique des Poissons d’INRAE de Rennes et celle d’Hervé Seitz du CNRS de Montpellier et est issu du projet MicroHippo financé par l’ANR et coordonné par Julien Bobe.

 

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