Trois solutions innovantes pour protéger les carottes des nématodes à kyste

Dans la Manche, les nématodes à kyste peuvent réduire la production de carottes de 80 % sans protection. Depuis l’arrêt des traitements chimiques en 2018, aucune solution efficace n’avait été mise en place. Pour y remédier, le projet ECLODERA, coordonné par Josselin Montarry, chercheur à Rennes, valorise 3 méthodes de biocontrôle : le sorgho biofumigué, la carotte résistante TERAPUR et l’éclosion suicide.

Publié le 02 avril 2025

© WEBER Jean / INRAE

Un plan de lutte est mis en place jusqu’en 2025 par le ministère de l’Agriculture, basé sur la rotation des cultures. Les chercheurs INRAE interviennent en complément de ce dispositif dans le cadre du projet ANR Ecophyto maturation ECLODERA qui a démarré en 2022. Ce dernier a permis d’identifier 3 leviers d’actions efficaces pour limiter la propagation des nématodes à kyste de la carotte. Financé à hauteur de 276 000 € sur 3 ans et demi, il est le fruit d’un partenariat entre INRAE, le CMI-Roullier, le Sileban et Vilmorin-Mikado. 

Deux plantes assainissantes pour lutter contre les nématodes

Pour protéger la culture des carottes, le consortium a testé 2 plantes assainissantes. Le sorgho, déjà utilisé en biofumigation par les cultivateurs, a confirmé ses bénéfices lors des essais conduits dans la Manche. Les chercheurs ont constaté une réduction d’environ 70 % de la population de nématodes à kyste. La deuxième plante, tout aussi efficace, est TERAPUR, une variété de carotte résistante mais aussi petite, blanche et non consommable qui a été développée par le semencier Vilmorin-Mikado. Intégrée dans la rotation des cultures, elle empêche la multiplication des larves, ce qui aboutit à une réduction des populations à hauteur de 70 %. Bien que cette méthode ait prouvé son efficacité, son adoption reste limitée en raison de son coût et de certaines contraintes d’application (multiplication d’autres agents pathogènes et d’adventices).

Éclosion suicide et microbiote du sol, un duo gagnant

Les chercheurs de l’UMR IGEPP ont approfondi leurs travaux sur l’éclosion suicide. Ce procédé consiste à ajouter dans le sol des exsudats racinaires de carotte, stimulant l’éclosion des larves. Celles-ci, ne trouvant pas de plante hôte, finissent par mourir.

L’efficacité de la méthode avait été démontrée par le projet PIA BIODERA. Avec le projet ECLODERA, les équipes ont découvert que des kystes de plus d’1 an étaient plus réceptifs à la stimulation de l’éclosion et que les œufs restants dans les kystes pouvaient éclore lors d’une seconde stimulation. Cela permet une meilleure gestion des rotations des cultures. Par ailleurs, les chercheurs ont étudié le rôle du microbiote du sol, pouvant renforcer l’efficacité de l’éclosion suicide selon la plante de rotation choisie. L’éclosion suicide dans un microbiote favorable permettrait de réduire jusqu’à 79 % la population de nématodes à kyste. Enfin, deux approches indépendantes de métabolomique ont permis d’identifier une molécule candidate favorisant l’éclosion des larves.

Les chercheurs ont donc confirmé l’efficacité de ces trois solutions, qui réduisent de 70 à 80 % les populations de nématodes à kyste. L’enjeu actuel est d’encourager l’adoption des deux premières solutions par les producteurs de carottes. L’éclosion suicide nécessite quant à elle de nouvelles recherches portées notamment par le projet Feader EVADERA, récemment validé et qui se penchera sur une formulation applicable au champ.

Service communication Bretagne-Normandie

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Josselin Montarry

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