Alimentation, santé globale 6 min
Sophie Layé, mémoire vive
Sophie Layé dirige, avec tempérament et énergie, l’unité NutriNeuro. Ce laboratoire qu’elle a créé en 2011 a prouvé qu’une alimentation adaptée dès le jeune âge, protège les neurones et permet un vieillissement plus harmonieux du cerveau.
Publié le 08 décembre 2015
« Bienvenue au château ! » Au gré des longs couloirs de l’Université de Bordeaux, d’étage en étage, ses talons martèlent le lino gris-bleuté, comme une signature sonore. À chaque porte entrouverte, Sophie Layé s’engouffre, dans un flot de gestes et de mots. Quelques minutes seulement, pour discuter ou questionner avant de repartir en bourrasque rigolarde. « C’est une meneuse hyper dynamique avec toutes les qualités nécessaires pour porter un tel labo » relance Lucile Capuron, sa complice depuis 10 ans, qui codirige l’équipe nutrition et psychoneuroimmunologie. « C’est très sympa de bosser avec elle. »
Protéger les neurones
Sympa aussi pour la trentaine d’étudiants du labo, ses « mémoires vives » comme elle les appelle, de poser dans son sillage les bases d’une discipline novatrice, au carrefour de la nutrition et des neurosciences. « Par nos travaux scientifiques, on cherche à apporter à la société des données objectivées de l’impact de la nutrition et particulièrement de certains micronutriments comme les acides gras polyinsaturés, sur le cerveau et sur l’état de bien-être ».
Diversité des compétences, question sociétale, l’Inra dit Banco !
Le débit s’est apaisé, le geste s’est ralenti. Les mots sont pesés, soupesés même. Sophie, chercheuse à INRAE depuis 2003 après une carrière de maîtresse de conférence en neuro-endocrinologie, poursuit son exposé sur ses recherches translationnelles, chez l’Homme et chez l’animal : « on a développé l’école d’été internationale pour éduquer étudiants et professionnels de la santé à ces états métaboliques comme l’obésité et à l’activité de certains des composés de l’alimentation sur le stress, la mémoire ou la dépression. »
L’autonomie comme credo
Quand Sophie parle de son activité, elle pense avant tout à la construction personnelle de ses collaborateurs, à leur autonomie. Elle cite alors volontiers avec malice et tendresse son directeur de thèse, Robert Dantzer, spécialiste des émotions et des relations stress-maladies : « Quelqu’un de très discret. Tout l’inverse de moi… Mais qui nous aidait à atteindre un objectif commun, avec bienveillance. » Elle demande à ses équipes des publications régulières mais revendique avant tout le plaisir comme moteur.
Ils savent tous ici, qu’on peut la joindre à tout moment. Même lorsqu’elle est à l’autre bout du monde pour développer les partenariats internationaux du LIA1 Optinutribrain qu’elle a monté avec le Québec en 2014. « Maintenant, il faut que tout ça vive ! » s’impatiente-t-elle presque.
Le mieux vieillir du cerveau
Souvent sur la route, toujours en mouvement, Sophie. Même tard le soir, sur son vélo, pour rejoindre son cours de piloxing. Sans doute pour éliminer un peu le tabac de la journée, ce compagnon de stress qu’elle a retrouvé après 18 ans d’abstinence, en prenant la direction de l’unité.
Car, ils savent tous ici que cette chaleureuse grande brune travaille beaucoup pour développer encore et encore l’activité de son labo. Pour justifier la confiance et les moyens investis. « On a des milliers de questions en suspens sur l’histoire de vie nutritionnelle. Sur les périodes développementales, en particulier la nutrition périnatale. » Elle parle de l’avenir de ses recherches avec appétit et gourmandise : explorer les futures pistes, imaginer les prochains défis sur la nutrition et le « mieux vieillir » du cerveau… Pour que la mémoire vive.
1 Laboratoire international associé
Sophie Layé, est intarissable, lorsqu’il s’agit d’évoquer l’avenir de ses recherches et de sa discipline. On la devine investie personnellement, on la sait passionnée par les phases développementales. « La première, c’est la période périnatale, alors que le cerveau du nourrisson est en plein développement. La deuxième c’est l’adolescence, lorsque certaines structures cérébrales finissent de murir. Nous étudions en particulier les cellules microgliales qui permettent aux neurones d’établir des connections entre eux.
Ces deux périodes de vie nous intéressent car ce sont aussi des moments de rupture nutritionnelle. Dans le premier cas, c’est le début de la lactation. Dans le deuxième, il est fréquent que les adolescents adoptent un régime appauvri, trop riche en graisses et en sucres. Ce qui pourrait nuire à la maturation des structures cérébrales et les rendre plus vulnérables au vieillissement et au stress. »Le LIA OptiNutribrain
L’augmentation de l’incidence des pathologies du cerveau (neuropsychiatriques, neurodégénératives) nécessite de mieux en comprendre l’étiologie (causes et facteurs d’une maladie). Pour répondre à cet enjeu sociétal de taille, Sophie Layé et ses équipes ont impulsé la création d’un consortium de recherche à Bordeaux et se sont rapprochées de l’Inaf (Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels, Université Laval, Québec), le plus grand regroupement de chercheurs en nutrition et santé du Canada. « Nous avons obtenu des financements nationaux et internationaux et échangé étudiants et chercheurs avec l’équipe de Frédéric Calon, spécialiste des relations nutrition et maladies neurodégénératives (maladie d’Alzheimer) qui a des centres d’intérêt communs et des compétences complémentaires des nôtres. C’est une parfaite association ! »
La création d’un Laboratoire international associé s’est donc rapidement imposée pour institutionnaliser les actions communes, augmenter la lisibilité, en particulier à l’international et promouvoir les relations aux inter-acteurs (recherche, société civile, industriels). « La création de ce LIA OptiNutribrain, poursuit Sophie Layé, au-delà de fournir un cadre juridique et fonctionnel pour mener des actions internationales multipartenariales, génère une impulsion et un enthousiasme supplémentaire dans la réalisation de projets plus ambitieux. »
> Télécharger la plaquette du LIA OptiNutriBrain