Biodiversité 5 min

Le retour au régime végétarien, une raison du succès évolutif des hyménoptères

Des chercheurs INRAE du Centre de biologie pour la gestion des populations et leurs collègues allemands et américains ont reconstruit l’hypothèse phylogénétique la plus représentative de l’histoire des hyménoptères. Ces résultats ont été publiés le 3 mars 2023 dans la revue Nature Communications.

Publié le 10 mars 2023

illustration Le retour au régime végétarien, une raison du succès évolutif des hyménoptères
© Jean-Yves RASPLUS

Identifier les principales innovations évolutives ayant favorisé la diversification des espèces

La question de savoir pourquoi certains groupes d'organismes se sont diversifiés davantage que d'autres a toujours fasciné les chercheuses et chercheurs en biologie évolutive. Les phylogénies (arbres des relations de parenté entre espèces) suggèrent souvent que l’apparition de certains caractères morphologiques ou de nouveaux modes de vie est liée à une augmentation de la diversité dans les groupes d’organismes qui les possèdent. Ces traits sont considérés comme autant d’innovations clés dans l’évolution du groupe.  Pour autant, il est difficile de tester formellement cette hypothèse de cause (trait) à effet (succès évolutif) car cela nécessite, entre autres, de reconstruire des phylogénies robustes qui incluent suffisamment d’espèces représentatives du groupe étudié.

En unissant leurs efforts, des équipes allemandes, américaines et françaises d’INRAE ont réussi à reconstruire l’hypothèse phylogénétique la plus représentative de l’histoire des Hyménoptères (1100 gènes et 765 espèces représentant 94 familles sur les 100 connues). Ce groupe, qui comprend notamment les fourmis, les abeilles, les guêpes et de nombreuses guêpes parasitoïdes qui se développent aux dépens d’autres en parasitant leurs œufs, larves ou adultes, est l’un des ordres d’insectes les plus riches. Les groupes d’hyménoptères sont morphologiquement très disparates et ont des biologies très contrastées. À partir de cette phylogénie, les chercheuses et chercheurs ont testé une corrélation potentielle entre des différences de diversité entre groupes et l’apparition de traits morphologiques ou comportementaux comme la taille effilée des guêpes, la présence d’un dard, le parasitoïdisme et la phytophagie secondaire c’est-à-dire le retour à la consommation des plantes ou des produits des plantes (pollen).

Hyménoptères

De gauche à droite et de haut en bas. Tenthredo vespa (Retzius, 1783) (Tenthredinidae) France, hyménoptère symphyte dont les larves sont phytophages ; Diplolepis rosae (L. 1758) (Cynipidae), une guêpe dont les larves se développent aux dépens d’une galle qu’elle induit sur les églantiers ; Melecta albifrons (Förster, 1771) (Apidae) France, une abeille « coucou » dont les larves se développent en se nourrissant du pollen stocké par une autre abeille (Anthophora) ; Camponotus ligniperda (Latreille, 1802) (Formicidae) France, une fourmi de grande taille installant sa colonie dans le bois mort ; Vespa mandarinia (Smith, 1852) (Vespidae) Chine, un frelon invasif récemment introduit aux États-Unis et dont les larves sont consommées en Chine ; Cryptanusia aureiscutellum (Girault, 1926) (Encyrtidae) Australie, un parasitoïde qui participe au contrôle biologique d’une cochenille polyphage (Pseudococcus longispinus) s’attaquant aux arbres ornementaux.

Le retour à la phytophagie, une étape clé dans l’évolution des hyménoptères

En utilisant l’âge des hyménoptères fossiles comme points de calibrations, ils ont pu estimer que le groupe a commencé à se diversifier il y a environ 280 millions d'années au Permien. Au cours des 50 millions d’années qui ont suivi, les grands groupes d’Hyménoptères actuels sont apparus. Les premiers à se diversifier sont phytophages. Le parasitoïdisme apparait à la fin du Trias (201 millions d'années) et reste ensuite le mode de vie prédominant. Ce n’est qu’à partir du crétacé inférieur (140 millions d'années) qu’apparaissent les premiers retours à la phytophagie au sein de groupes essentiellement parasites (abeilles, cynipides et quelques groupes de chalcidiens qui produisent des galles sur de nombreuses plantes). Plutôt que le parasitoïdisme, l’étude montre que se sont ces retours à la phytophagie qui ont permis le succès évolutif des groupes d’hyménoptères concernés. 

Enfin, il n’est pas possible de conclure de manière définitive sur le fait que la taille de guêpe ou le dard sont des réelles innovations. Il est possible que l’apparition de ces deux caractères ait entrainé des modifications anatomiques ou comportementales et que ce soit l’ensemble de ces caractères qui soit lié au succès évolutif des groupes. Ainsi, si le vol ailé est traditionnellement considéré comme une innovation clé chez les insectes, ce n’est qu’après l’apparition de l’aile flexible que les insectes ont commencé à se diversifier rapidement en termes de nombre d’espèces et de niches occupées. L’objectif de futures études sera de déterminer la nature réelle de l’innovation cachée derrière le parasitoïdisme, le dard et la taille de guêpes ! 

RÉFÉRENCE

Astrid Cruaud et Jean-Yves Rasplusrédacteurs

Contacts

Astrid CRUAUD ChercheuseCentre de Biologie pour la Gestion des Populations (CBGP)

Jean-Yves RASPLUS ChercheurCentre de Biologie pour la Gestion des Populations (CBGP)

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