Relation éleveur-animal : une approche transdisciplinaire pour des pratiques durables

Face aux défis contemporains de l'élevage, la question d’une relation de qualité entre l’éleveur et l’animal, qui bénéficie à l’un comme à l’autre, est prioritaire. Pour y répondre, un travail de recherche transdisciplinaire croisant ergonomie et éthologie est mené par l’Unité Mixte de Recherche sur les Herbivores (INRAE) et le laboratoire ACTé de l’Université Clermont Auvergne dans le cadre du Réseau Mixte Technologique One Welfare. En prenant en compte les besoins comportementaux des animaux, les contraintes de travail des éleveurs ainsi que les pratiques relationnelles à la base de ces interactions, cette étude ouvre des pistes d'exploration afin de repenser la relation entre humains et animaux et ainsi d’améliorer les conditions d’élevage.

Publié le 31 mars 2025

© INRAE - Christophe Maître

Ergonomie et éthologie : une approche transdisciplinaire innovante

L’élevage repose sur l’interaction constante entre les éleveurs et leurs animaux. Or, la façon dont ces relations se font et évoluent dépend de nombreux facteurs : organisation du travail des éleveurs, manipulation des animaux, technologies utilisées mais aussi la perception de chacun (humains et animaux) de ces interactions. Bien que ces deux disciplines soient traditionnellement distinctes, allier éthologie et ergonomie permet de mieux comprendre la réalité des élevages. D’une part, l’ergonomie du travail s’intéresse aux conditions dans lesquelles les éleveurs interagissent avec leurs animaux. Elle étudie plus particulièrement la charge (physique, mentale et émotionnelle) de l’éleveur dans son activité. L’éthologie, quant à elle, étudie le comportement des animaux et la manière dont ils interagissent avec leur environnement. 

Le saviez-vous ?

Le concept d’Umwelt, développé par Jakob von Uexküll à la fin du XIXe siècle, est l’un des fondamentaux de l’éthologie. Ce terme désigne l’environnement propre à chaque espèce et à chaque individu, interprété en fonction des capacités sensorielles, émotionnelles et cognitives. Autrement dit, chaque animal s’inscrit dans un monde qui lui est propre, construit à partir des éléments de son environnement. En pratique, cette perception subjective influence directement la relation entretenue entre les animaux et les éleveurs.

Favoriser les interactions entre ces deux disciplines permet une meilleure compréhension des problématiques rencontrées dans les élevages et la mise en place de solutions concrètes permettant de favoriser le bien-être des animaux et des éleveurs ainsi que l’efficacité des structures.

Décryptage des pratiques relationnelles en élevage

Les pratiques relationnelles en élevage sont définies comme un ensemble d’actions mises en place afin de structurer les interactions entre les éleveurs et leurs animaux. Elles incluent d’un côté les prescriptions et stratégies (objectifs de bien-être, méthodes de manipulation) et de l’autre les gestes concrets, le parcours habituel et la communication verbale et non verbale avec les animaux. L’objectif est d’améliorer le bien-être et la coopération des animaux mais aussi la sécurité, l’efficacité et la satisfaction au travail de l’éleveur.

Parmi ces pratiques : 

  • La sélection génétique : certaines lignées sont choisies pour leur docilité et leur gestion du stress ;
  • L’exploitation de périodes sensibles : le contact humain durant le jeune âge ou au sevrage facilite la familiarisation aux humains et réduit la peur ;
  • L’optimisation des interactions positives : récompenses, contact respectueux et anticipation des comportements participent à faciliter la coopération.

En partant d’un modèle d’analyse du travail en ergonomie, les chercheurs ont élaboré un modèle du lien humain-animal, enrichi d’une approche prenant en compte à la fois le comportement de l’animal et l’activité de l’éleveur. Le modèle détermine ainsi plusieurs facteurs intervenant dans les interactions :

  • Les caractéristiques de l’animal et de l’humain : tempérament, expérience, attitude de l’homme à l’égard des animaux…
  • Les conditions de travail et l’environnement : infrastructures d’élevage, régularité ou fréquence des contacts, mode de contention…
  • Les conséquences de leurs interactions, qu’elles soient positives ou négatives : niveau de stress ou bien de détente, adaptation de l’animal aux manipulations, bien-être ou mal-être productivité économique, etc.

Connaître ces facteurs permet aux éleveurs de mieux appréhender et ajuster leurs pratiques relationnelles en tenant compte à la fois des contraintes de leur activité et des besoins comportementaux des animaux.

Quels leviers pour un bien-être interdépendant ?

Plusieurs leviers peuvent être actionnés pour aménager les relations éleveurs-animaux au profit de la qualité de vie, tant du côté des animaux (choix du système d’élevage, sélection génétique, conception aménagements des infrastructures et de l’environnement de travail, intégration de la socialisation et de la familiarisation dès le plus jeune âge) que du côté des humains. En effet, le développement des pratiques relationnelles repose sur la capacité de l’éleveur à intégrer la construction d’une relation positive avec ses animaux comme un des éléments centraux de son activité professionnelle. Ce faisant, l’acquisition de savoirs relevant de l’éthologie appliquée et l’expérience de terrain permettent de mieux interagir avec les animaux, de faire évoluer et d’adapter les gestes du quotidien. L’organisation du travail doit aussi intégrer la dimension relationnelle des interactions afin de concilier le bien-être animal avec de meilleures conditions de travail tout en étant intégrées dans une démarche économique et productive valide pour l’exploitation.

Référence 

BEAUJOUAN, J., CROMER, D., & BOIVIN, X. (2024). Rapports humains-animaux en élevage : regard croisé de l’ergonomie et l’éthologie appliquée. INRAE Productions Animales, 37(4), 8023.

https://doi.org/10.20870/productions-animales.2024.37.4.8023

Contacts

Xavier Boivin

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