Quand l’huile se fait mousser… sans s’oxyder !

Liquides ou solides ? Les lipides sont présents dans de très nombreux produits de notre vie quotidienne : aliments, crèmes cosmétiques, produits pharmaceutiques, etc. Il est courant d’utiliser des lipides solides à la température d’usage pour les propriétés de texture qu’ils peuvent ainsi apporter. Cependant, dans les aliments, les huiles liquides à température ambiante sont souvent de bien meilleure qualité nutritionnelle. Et si l’on pouvait allier texture, qualité nutritionnelle et stabilité en faisant mousser l’huile ?

Publié le 23 juin 2025

© INRAE

Vouloir le beurre et l’argent du beurre : des lipides aux propriétés texturantes, de bonne qualité nutritionnelle et stables à l’oxydation.

Les lipides sont omniprésents dans de nombreux produits du quotidien : les aliments (produits laitiers, viennoiseries, sauces, condiments, chocolat, pâtes à tartiner, etc.), les produits cosmétiques (crèmes, etc.) ou encore les produits pharmaceutiques. Les lipides biosourcés peuvent se présenter sous forme solide à température ambiante : on parle de lipides à haut point de fusion comme la matière grasse laitière, l’huile de palme. A l’inverse, ils peuvent être sous forme liquide : ce sont alors des lipides à bas point de fusion comme les huiles d’olive, de tournesol, de noix.

Les premiers ont un intérêt fonctionnel car leur aspect solide confère une texture caractéristique aux produits concernés. Néanmoins, dans les aliments, ils sont souvent pointés du doigt pour leur piètre qualité nutritionnelle. En effet, ils présentent une teneur élevée en acides gras saturés, dont une consommation excessive peut favoriser les maladies cardiovasculaires. Il faut donc préférer la consommation d’acides gras dits polyinsaturés (AGPI), et plus particulièrement ceux de la famille des oméga 3, que l’on trouve par exemple dans les huiles de colza, de noix, de chanvre, de lin ou encore dans les huiles de poisson. Cependant, le caractère liquide de ces huiles pose des problèmes en termes de texture. Par ailleurs, les AGPI sont très sensibles à l’oxydation, une dégradation chimique responsable de l’apparition de défauts sensoriels marqués (parfois appelée rancissement).

L’oléogélation ou comment solidifier une huile liquide… voire la faire mousser

Depuis quelque temps, les chercheurs s’intéressent donc à des stratégies permettant de conférer une texture plus solide à des huiles liquides. La principale consiste à formuler un oléogel, c’est-à-dire une matrice gélifiée dans laquelle la phase continue est l’huile liquide, et la texture est assurée par la formation d’un réseau de molécules ou particules appelées oléogélateurs. L’UMR UMET (Unité mixte de recherche Matériaux et Transformations) a étudié ces systèmes et s’est notamment intéressée au fait qu’en plus de structurer des huiles liquides, l’oléogélation peut permettre d’incorporer des petites bulles d’air dans ces huiles gélifiées en appliquant une agitation mécanique, c’est-à-dire de les foisonner (Fig. 1). Il s’agit d’un procédé similaire à celui appliqué pour battre le blanc d’œuf… à ceci près que la mousse obtenue est non-aqueuse, ce qui présente des avantages par exemple en termes de stabilité microbienne.

Fig. 1 : Mousse d’huile de colza préparée avec 15% en masse d’oléogélateur (gauche) ; visualisation de sa structure au microscope optique en lumière polarisée (milieu ; la hauteur totale de l’image est de 1,3 mm) et illustration schématique de cette structure et des éléments la constituant (droite). 

Mais… l’incorporation de bulles d’air augmente-t-elle le risque d’oxydation de l’huile ?

Une question s’est alors posée : l’incorporation de ces bulles d’air (et donc d’oxygène) dans une matrice constituée principalement d’huile riche en AGPI ne risque-t-elle pas de favoriser l’oxydation de ces derniers ? Pour y répondre, une collaboration a été mise en place entre les unités BIA et UMET d’INRAE afin d’allier l’expertise sur la formulation de mousses d’huile (UMET), et l’expertise sur la mesure et la maîtrise de l’oxydation des lipides (BIA). Des mousses d’huile ont été formulées à partir d’huiles végétales riches en AGPI oméga 3 (huiles de colza et de lin) et de différents oléogélateurs compatibles avec des formulations alimentaires et/ou cosmétiques (acide stéarique, alcool stéarylique, monostéarate de glycérol). A titre de comparaison, des oléogels de composition similaire à celle des mousses, mais sans incorporation de bulles d’air, ont également été étudiés. Lors du stockage des différents échantillons à 25°C, les mousses d’huile ont montré une bonne stabilité à l’oxydation des lipides – elles s’oxydent moins que l’huile « brute » correspondante, ce qui est particulièrement marqué avec le monostéarate de glycérol (Fig. 2A). Les oléogels de référence se sont également révélés très stables à l’oxydation (Fig. 2B), ce qui montre que la texturation de l’huile apportée par l’oléogélation, en plus d’offrir des possibilités versatiles de structuration des matrices, a un effet antioxydant. Les mécanismes physico-chimiques sous-jacents à ces résultats prometteurs feront l’objet d’études complémentaires.

Fig. 2 : Formation de diènes conjugués (produits primaires de l’oxydation des lipides polyinsaturés) au cours de l’incubation à 25°C de différents systèmes : huile de colza (jaune) et (A) mousses d’huile de colza préparées avec 15% en masse de différents oléogélateurs : acide stéarique (SAC, rouge) ; alcool stéarylique (SAL, bleu) ; mélange SAC/SAL (violet) ; ou monostéarate de glycérol (GM, orange) ; ou (B) oléogels d’huile de colza préparés avec les mêmes oléogélateurs. Adapté de Ribourg-Birault et al. (2024), Current Research in Food Science, 8, 100690. 

 

 

Contacts

Claire BERTON-CARABIN

Unité INRAE BIA (Biopolymères Interactions Assemblages)

Anne-Laure FAMEAU

UMR UMET (Unité mixte de recherche Matériaux et Transformations)

Lucie BIRAULT

Unité INRAE BIA (Biopolymères Interactions Assemblages)

Anne MEYNIER

Unité INRAE BIA (Biopolymères Interactions Assemblages)

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