Produire sous indications géographiques est bénéfique pour les revenus agricoles, l’emploi local et l’environnement

Grâce à une base de données inédite développée dans le cadre d’un partenariat entre l’INAO et INRAE, des chercheurs d’INRAE démontrent que la montée en puissance et la diversification des produits sous indication géographique (IG) améliorent à la fois les revenus agricoles, l’emploi local et la préservation de l’environnement. Une preuve chiffrée, au-delà des études de cas classiques, du rôle clé des IG dans la transition vers une agriculture plus durable, publiée dans Ecological Economics.

Publié le 02 septembre 2025

© AdobeStock / d.lemoine

Les indications géographiques (IG) désignent des produits agricoles ou alimentaires dont les caractéristiques ou la réputation sont liées à leur origine géographique, et qui bénéficient d’une protection européenne officielle (AOP, IGP). Ces labels sont souvent cités comme un levier de développement rural et agricole, mais leur contribution réelle restait jusqu’ici difficile à objectiver, faute de données suffisamment fines.

Les approches les plus courantes reposent sur des études de cas centrées sur un produit ou un territoire emblématique. Si elles fournissent des éclairages précieux, elles restent difficilement généralisables : la grande diversité des filières et des territoires – de la châtaigne d’Ardèche au roquefort, en passant par l’oignon de Roscoff ou le jambon de Bayonne – limite la portée des conclusions. À l’inverse, les travaux cherchant à produire une vision d’ensemble se heurtent au manque de données fiables, tant sur les produits IG que sur leurs impacts économiques, sociaux ou environnementaux.

Pour dépasser cette double limite, les chercheurs d’INRAE ont adopté une méthode inédite à l’échelle nationale. Ils ont exploité une base de données recensant l’ensemble des exploitations françaises certifiées en IG (hors vin) entre 2013 et 2020, qu’ils ont croisée avec des indicateurs économiques, sociaux et environnementaux à l’échelle cantonale. Cette approche « méso-économique » permet pour la première fois de dégager des tendances robustes et comparables, au-delà des spécificités locales, en évitant le biais de sélection qui tend à privilégier les success stories. À l’aide d’un modèle économétrique dit « différences-en-différences » appliqué à des variables continues, les scientifiques ont mesuré l’impact de l’intensité des IG (part d’exploitations engagées sur le canton) et de leur diversité (nombre de produits protégés) sur les 3 piliers du développement durable  : la performance économique des exploitations, l’emploi agricole et la pression environnementale (usage des pesticides, diversité des cultures, part de prairies permanentes). L’analyse neutralise par ailleurs l’effet de l’agriculture biologique et des aides du second pilier de la PAC en faveur du développement rural. Cette méthode repose sur la construction statistique d’un scénario contrefactuel : elle estime ce qu’auraient été les trajectoires de chaque canton bénéficiaire en l’absence de renforcement des IG, afin d’isoler l’effet spécifique de ce dernier.

La protection de l’origine n’est pas seulement une garantie pour les consommateurs : c’est un moteur de valeur ajoutée, de maintien de l’emploi local et de la préservation de l'environnement.

Les résultats sont sans ambiguïté : une hausse de 10 % de la part d’exploitations sous IG dans un canton est associée à une augmentation moyenne de 1,3 % du profit par unité de travail non salariée, et à 0,5 % d’emplois agricoles supplémentaires. Chaque produit IG additionnel se traduit, lui, par un gain moyen de 0,6 % sur le revenu agricole. Les chiffres confirment que la protection de l’origine n’est pas seulement une garantie pour les consommateurs : c’est un moteur de valeur ajoutée et de maintien de l’emploi local.

Côté environnement, l’intensification et la diversification des IG s’accompagnent d’une baisse marquée de la pression de l’agriculture sur l’environnement.  Cela reflète une plus faible concentration des pesticides dans l’eau,  une plus grande diversité paysagère et une meilleure préservation des prairies permanentes — 3 facteurs reconnus comme essentiels au maintien de la biodiversité. En revanche, une corrélation positive est constatée entre densité d’IG et concentration de nitrates dans les eaux de surface, ce qui appelle des mesures de gestion ciblées.

L’étude met ainsi en évidence le rôle complémentaire de l’intensité et de la diversité des IG pour concilier compétitivité agricole, emploi local et transition écologique. Elle apporte une preuve de terrain du rôle structurant des IG dans la boîte à outils conçus dans le cadre du Pacte vert européen et de la stratégie « De la ferme à la table », aux côtés de l’agriculture biologique et des éco-régimes. Elle souligne aussi l’intérêt, pour les territoires, de diversifier leurs produits sous signe d’origine plutôt que de concentrer les efforts sur quelques labels phares.

Au-delà du cas français, la méthode ouvre la voie à des comparaisons dans d’autres pays et filières, dès lors que des listes d’opérateurs sont disponibles. Les auteurs soulignent l’intérêt de développer une base de données à l’échelle européenne, intégrant des indicateurs économiques, sociaux et environnementaux plus fins, afin d’affiner les diagnostics, de mieux distinguer les effets à court et moyen terme, et de guider les politiques publiques.

En chiffrant l’apport global des IG, cette recherche fournit une base solide aux décideurs comme aux filières : soutenir la montée en puissance et la diversification des signes d’origine apparaît comme une stratégie gagnante pour un système alimentaire plus juste, plus résilient et plus respectueux de l’environnement.

Référence

Regolo J., Gendre C., Poméon T., (2025). Does the Geographical Indications protection policy encourage more sustainable agriculture in the territories? Moving from claims to empirical evidence. Ecological Economics, 238, 108717DOI : https://doi.org/10.1016/j.ecolecon.2025.108717

L’Observatoire du développement rural (ODR)

L’unité de service Observatoire du développement rural (US ODR) d’INRAE est spécialisée dans la collecte et l’analyse des données sur les systèmes agricoles et le suivi des politiques publiques.

Depuis plus de 10 ans, l’ODR développe des bases de données originales à partir de partenariats institutionnels avec les organismes publics en charge des politiques agricoles, rurales et environnementales. L’un de ces partenariats, avec l’INAO, a permis la création de l’OT-SIQO, l’Observatoire territorial des signes de l’origine et de la qualité, qui fournit des indicateurs territoriaux inédits sur les SIQO.

Ces données ont été essentielles pour mener l’étude à l’échelle nationale présentée ici.

Contacts

Thomas Poméon

Ingénieur INRAE

Observatoire du développement rural (ODR)

Julie Regolo

Ingénieure INRAE

Observatoire du développement rural (ODR)

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