Agroécologie Temps de lecture 5 min
Le numérique au service de l’élevage sur mesure : l’exemple du comportement des vaches laitières
En appliquant des outils de machine learning à des données obtenues à l'aide de capteurs de localisation sur des vaches laitières, les chercheurs ont développé une méthode permettant de détecter 56 à 86 % des anomalies dues à un problème de santé, aux chaleurs ou à un vêlage, souvent 1 à 2 jours avant les signes cliniques détectables par l’éleveur.
Publié le 31 mars 2023

Le comportement d’un animal est très sensible à toute perturbation extérieure ou changement de son état interne. Les technologies d’élevage de précision permettent de détecter les modifications du comportement des animaux soumis à des perturbations telles qu’une maladie ou un stress, ou en lien avec leur statut physiologique (lors des chaleurs par exemple). Les outils actuels détectent soit une perturbation à la fois, soit plusieurs en même temps mais sans les distinguer.
L'objectif de ce travail était de détecter et de classer un large éventail de modifications du comportement des vaches en lien avec leur état de santé, à leur stress et leur statut physiologique en suivant leur activité à l’échelle de la journée. Ce travail consiste à traiter les données fournies par des capteurs d’activité, par un processus d’apprentissage automatique (appelé machine learning).
Les chercheurs disposaient de 5 tableaux de données (au total 122 000 vaches*jours) provenant de fermes expérimentales ou commerciales, avec 28 à 300 vaches Holstein par tableau et des observations sur une durée de 1 à 12 mois.
Les vaches étaient équipées de capteurs (systèmes de localisation ou accéléromètres) permettant d’estimer la nature et la durée des activités (manger, se reposer, marcher dans les allées) à partir desquelles était calculé le niveau d’activité. Un niveau d’activité est calculé pour chaque heure de la journée et chaque vache.
Les soigneurs contrôlaient les animaux tous les jours et enregistraient tout état spécifique de la vache lié à une maladie (boiterie, mammite, acidose, accident, etc.), aux chaleurs, au vêlage, ainsi qu'au stress potentiel dû au regroupement d’animaux ou à la manipulation.
Il a fallu concevoir une méthode qui permette de classer les variations d’activité observées un jour donné pour une vache donnée, comme normales (pas de perturbations) ou anormales (perturbations) puis distinguer les différentes perturbations en les affectant à une cause (maladie, chaleurs…).
Dans une première approche, les chercheurs ont modélisé grâce à des outils mathématiques (transformée de Fourier), le rythme d’activité des vaches, avec l’alternance entre une activité élevée la journée et faible la nuit. Si l’écart entre 2 séries de 24 h consécutives est supérieur à un certain seuil défini mathématiquement, alors il y a de fortes chances qu’un événement particulier soit survenu : maladie, stress, chaleurs, mise-bas. Le changement s’opère souvent avant que les soigneurs ne repèrent l’évènement.
Dans une seconde approche, la description de chaque série de 24 h a été enrichie en calculant différents attributs : le niveau d’activité moyen, minimum, maximum ; les autocorrélations en heures qui se suivent… L’application de l’algorithme random forest* à ces attributs permet de classer correctement 92 % des séries sans perturbations. La probabilité de détecter et de classer correctement une série de 24 h en lien avec une maladie, les chaleurs ou un vêlage est de 56 à 86 %. La détection peut avoir lieu jusqu’à 1 à 2 jours avant le jour où les soigneurs ont remarqué l’événement. La détection des perturbations liées à des regroupements d’animaux ou des manipulations (stress) est moins bonne (41 à 55 %).
Cette étude montre que la répartition des activités des vaches laitières au cours de la journée est un bon indicateur de l’état interne de l’animal et que l'apprentissage automatique appliqué à des séries temporelles est un outil très puissant pour détecter et distinguer divers événements utiles pour l’éleveur : désordres de santé, chaleurs, vêlages, stress des vaches. La sensibilité de la méthode doit encore être améliorée pour qu'elle puisse être incorporée dans les outils actuels d’élevage de précision afin d’aider à la détection précoce d’éventuels désordres et de faciliter la prise de décision.
*Le random forest ou forêt
Lardy R., Ruin Q., Veissier I. et al. (2023). Discriminating pathological, reproductive or stress conditions in cows using machine learning on sensor-based activity data. Computers and Electronics in Agriculture, 204 (10), http://dx.doi.org/10.1016/j.compag.2022.107556
Wagner N., Mialon MM, Sloth K. H. et al. (2021). Detection of changes in the circadian rhythm of cattle in relation to disease, stress, and reproductive events. Methods, 186, 14-21, http://doi.org/10.1016/j.ymeth.2020.09.003