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Pour une meilleure compréhension de la transmission du virus chikungunya par le moustique-tigre

Les moustiques constituent le premier vecteur d’agents pathogènes dans le monde. Ils transmettent plusieurs arbovirus, notamment celui du chikungunya par le moustique-tigre, Aedes albopictus. Des scientifiques du département Santé animale INRAE ont étudié chez des moustiques prélevés dans la région lyonnaise leur capacité à s’infecter avec le virus chikungunya et à le transmettre. Les chercheurs ont ainsi mis au point une méthodologie originale permettant de suivre la dynamique du virus à l’intérieur du moustique et tout au long de sa vie. Dans ces conditions, Ils montrent une progression rapide et efficace du virus dans le moustique au cours du temps, ce qui permet d’estimer un fort potentiel épidémique local.

Publié le 08 novembre 2023

illustration Pour une meilleure compréhension de la transmission du virus chikungunya par le moustique-tigre
© IVPC

Dans ce travail [1], les scientifiques ont étudié le couple moustique-tigre Aedes albopictus prélevé dans la région lyonnaise et la souche du virus chikungunya responsable de l’épidémie à l'île de la Réunion en 2005-2006. Quand le moustique se nourrit de sang infecté, le virus se retrouve d’abord dans l’intestin, puis se dissémine dans la cavité générale du moustique jusqu’à rejoindre les glandes salivaires. Cette présence dans les glandes salivaires est nécessaire pour l’éventuelle transmission du virus par le moustique lors d’une piqûre suivante. Cette capacité du moustique à s’infecter jusqu’à transmettre un virus s’appelle la compétence vectorielle ; elle est influencée par différents facteurs.

Une nouveauté : l’étude de la dynamique du virus dans le vecteur en fonction de la virémie de l’hôte piqué

Les chercheurs ont suivi ici la présence du virus chez les moustiques et la compétence vectorielle tout au long de leur vie, de 2 jours à 20 jours. Ils ont utilisé 3 doses différentes de virus pour l’exposition orale des moustiques, correspondant à des doses réalistes de virus présentes dans le sang d’un humain infecté (les humains ont en effet des virémies [2] variables en qualité et en durée). Ils ont ainsi mesuré l’infection (étape d’entrée du virus dans l’intestin du moustique), la dissémination (la sortie du virus de l’intestin vers la cavité générale du moustique) et la transmission (le passage du virus dans la salive du moustique).

Les résultats montrent que l’infection du moustique dépend fortement de la dose mais pas du temps post-exposition au virus exprimé en jour (jpe).
La dissémination dépend, quant à elle, à la fois de la dose et du temps (jpe), même si finalement 100 % des moustiques infectés finissent par présenter une infection disséminée, quelle que soit la dose de virus.
La présence du virus dans la salive, et donc la transmission potentielle dépend surtout du temps (jpe), mais pas de la dose. Même si à la dose de virus la plus élevée, 50 % des individus sont devenus infectieux après 3,5 jours alors qu’il faut attendre 7,5 jours pour atteindre ce chiffre à la dose la plus faible. 
Sur la base de ces données expérimentales relatives à la dynamique intra-vectorielle, des simulations épidémiologiques ont été réalisées, et l'ensemble de ces éléments confirme le fort potentiel épidémique du virus chikungunya lors de sa transmission par Aedes albopictus en France métropolitaine.

Cette preuve de concept constitue une avancée dans la façon de concevoir les expérimentations sur les arbovirus, avec la mise à disposition de la communauté scientifique de la méthodologie mise au point permettant un suivi dynamique de l’infection dans le vecteur. Les scientifiques ont choisi de publier leurs résultats dans Peer Community Journal (PCI), une initiative de chercheurs INRAE*. Basé sur des évaluations par les pairs, les articles validés ainsi que les évaluations et les données, codes et scripts afférents sont déposés en libre accès. PCI ouvre la voie à une réappropriation par les chercheurs de leur système d’évaluation et de publication et une plus grande transparence dans la chaîne de production des savoirs.

Référence

Viginier B., Cappuccio L., Garnier C. et al. (2022). Chikungunya intra-vector dynamics in Aedes albopictus from Lyon (France) upon exposure to a human viremia-like dose range reveals vector barrier’s permissiveness and supports local epidemic potential. medRxiv 2022.11.06.22281997; doi: https://doi.org/10.1101/2022.11.06.22281997
Désormais publié dans Peer Community Journal doi:
10.24072/pcjournal.326

 

[1] Ce travail a été financé par le projet Micro-Be-Have (IDEX Lyon).

[2] La virémie est la quantité de virus présente dans le sang.

 

Communication Santé animale

Contact scientifique

Dr Vincent RAQUIN Unité mixte de recherche IVPC « Infections virales et pathologie comparée » INRAE-Université Lyon 1-EPHE

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