Alimentation, santé globale Temps de lecture 2 min
La mécanique du foie, une histoire de récepteur
L’activité du foie est très dépendante du mode de vie et de la prise alimentaire. Des scientifiques du laboratoire Toxicologie alimentaire (Toxalim - INRAE - ENVT - INP-Purpan - UT3 Paul Sabatier) du centre INRAE Occitanie-Toulouse étudient le contrôle de l’activité de cet organe vital, en prenant en compte les différences liées au sexe pour mieux adapter la prévention, vis-à-vis de maladies métaboliques et inflammatoires, la médecine et la pharmacologie.
Publié le 25 novembre 2022

Le foie est un organe central du métabolisme et de la détoxification. Il joue un rôle majeur dans l’adaptation à l’environnement, notamment nutritionnel. Sa capacité d’adaptation à l’apport en nutriments repose sur l’activation dans les cellules du foie – les hépatocytes - de différentes voies métaboliques (séries de réactions biochimiques). Quand le sucre (glucose) manque, par exemple lors d’un jeûne, les hépatocytes produisent une nouvelle source d’énergie à partir de lipides, appelée corps cétoniques. Ce jeûne peut être volontaire ou secondaire à une maladie, notamment infectieuse. Les corps cétoniques représentent alors une source d’énergie alternative et essentielle pour pallier le manque de glucose, notamment pour le cerveau et le cœur. Plusieurs protéines, dites facteurs de transcription, coopèrent pour réguler l’expression du génome dans les hépatocytes afin de maintenir cet équilibre énergétique de l’organisme.
L’activité du foie présente des spécificités chez les hommes et les femmes, on parle de dimorphisme sexuel. De plus, l’apparition de certaines maladies hépatiques est très dépendante du sexe. C’est notamment le cas pour les maladies métaboliques, dont les hépatopathies (maladies du foie) métaboliques non alcooliques qui représentent un enjeu mondial de santé publique. Aux stades précoces de ces maladies, les hépatocytes accumulent des niveaux anormalement élevés de lipides dans le foie ce qui peut favoriser la progression vers les stades graves: hépatite, cirrhose, cancer. Les travaux de l’équipe dirigée par Hervé Guillou et Nicolas Loiseau au laboratoire Toxalim, s’intéressent aux facteurs alimentaires et environnementaux qui influent sur le métabolisme des lipides et à son rôle dans les maladies du foie.
Dialogue entre tissu adipeux et foie : un mécanisme identifié
Le facteur de transcription « Peroxysome Proliferator Activated Receptor » ou PPARα, est un acteur essentiel du métabolisme hépatocytaire où il contrôle l’expression de centaines de gènes. Des travaux récents de l’équipe indiquent qu’il joue un rôle central dans les interactions entre le tissu adipeux* et le foie, mis en jeu lors d’un stress métabolique. Ce récepteur est localisé dans le noyau des hépatocytes. Il régule l’expression de gènes codant pour des enzymes limitantes de la dégradation des lipides provenant du tissu adipeux (lipolyse adipocytaire) et de la synthèse de corps cétoniques.
« Nous avons montré, en collaboration avec plusieurs équipes dont une équipe autrichienne de l’Université de Graz, que la lipolyse du tissu adipeux a une forte influence sur l’expression hépatique du génome, partage Anne Fougerat, chercheuse au laboratoire Toxalim. Une part importante de ces effets est contrôlée par le récepteur PPARα. La lipolyse adipocytaire est un signal déterminant pour l’expression de ces gènes nécessaires au contrôle de la dégradation des acides gras et à la production de corps cétoniques. L’ensemble de ce travail positionne le récepteur hépatocytaire PPARα à l’interface du dialogue métabolique entre le tissu adipeux et le foie. »
Un rôle dans les maladies métaboliques du foie et dans le dimorphisme sexuel
Les scientifiques du laboratoire Toxalim, de l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC – Inserm / UT3 Paul Sabatier) et du CHU de Toulouse ont aussi analysé des régulateurs hépatiques de l’adaptation à des régimes alimentaires favorisant l’apparition de maladies du foie, dans chacun des sexes. Parmi les facteurs impliqués dans ce dimorphisme sexuel, les chercheurs ont prouvé que le récepteur PPARα est un des principaux déterminants des différences hépatiques liées au sexe chez la souris. C’est aussi le cas chez des patients, hommes et femmes, atteints de maladies chroniques non alcooliques du foie.
« Ces recherches identifient le facteur de transcription PPARα comme un régulateur des fonctions du foie, spécifique du sexe. Celui-ci peut jouer un rôle dans les maladies métaboliques et infectieuses. Mais il ne s’agit pas du seul facteur contribuant au dimorphisme sexuel du foie. Ce sujet fait actuellement l’objet de programmes de recherche en collaboration avec l’équipe du Professeur Pierre Gourdy à l’I2MC, grâce au soutien de l’ANR et de la Fondation pour la Recherche Médicale. » souligne Hervé Guillou.
PPARα étant la cible de nombreux médicaments en développement et aussi de contaminants environnementaux (perturbateurs endocriniens et métaboliques), ces résultats illustrent l’importance de prendre en considération les dialogues métaboliques entre les organes et les spécificités liées au sexe dans les domaines de la santé et de la médecine.
*Tissu adipeux : tissu contenant les adipocytes, cellules spécialisées dans le stockage de la graisse
Références bibliographiques :
Fougerat et al. ATGL-dependent white adipose tissue lipolysis controls hepatocyte PPARα activity. Cell Rep. 2022 Jun 7;39(10):110910. doi: 10.1016/j.celrep.2022.110910
Smati et al. Integrative study of diet-induced mouse models of NAFLD identifies PPARα as a sexually dimorphic drug target. Gut. 2022 Apr;71(4):807-821. doi: 10.1136/gutjnl-2020-323323