Biodiversité 3 min

L’adaptation évolutive des ravageurs pourrait-elle devenir prédictible ?

C’est une question qui subsiste depuis longtemps dans les sciences de la vie : sera-t-il possible, un jour d’anticiper l’apparition de nouvelles espèces ? Elle se pose notamment à propos de l’arrivée constante de nouveaux ravageurs dans les cultures. Le projet MUSCADO, coordonné par INRAE et financé par l'Agence nationale de la recherche, explore cette problématique à travers l’étude d’un modèle biologique à l'histoire originale : la pyrale du maïs. Explications.

Publié le 30 mars 2022

illustration L’adaptation évolutive des ravageurs pourrait-elle devenir prédictible ?
© Jeannine PIZZOL

Quand la pyrale du maïs est-elle apparue ?

La pyrale du maïs est un papillon ravageur connu pour déposer ses œufs sur les feuilles de maïs. Ses larves s’en nourrissent jusqu’à creuser des galeries à l’intérieur des tiges et des épis, provoquant ainsi leur cassure ou leur infection par des champignons opportunistes. La pyrale du maïs est un véritable fléau qui affecte considérablement le rendement agricole de cette culture. Par ailleurs, le problème n’existe pas qu’en France : la pyrale du maïs est présente sur toute la surface tempérée eurasienne et d’Amérique du Nord.

Les scientifiques ont découvert que cette espèce n’est apparue qu’au moment des premières importations de maïs en Europe, il y a 500 ans. Elle descendrait de la pyrale sauvage présente uniquement sur le continent eurasien et qui se nourrit seulement de plantes non céréalières fort différentes du maïs. Il s’agit donc d’une histoire d’adaptation et de spécialisation, dont on connaît le début (ce qui est rare !) et qui a mené Vincent Calcagno, directeur de recherche INRAE à l’Institut Sophia Agrobiotech, à collaborer avec plusieurs laboratoires afin de comprendre comment cette évolution s’est déroulée.

Comment la pyrale a-t-elle évolué…

Le projet MUSCADO, financé par l’Agence nationale de la recherche (2021-2025) et coordonné par Vincent Calcagno, réunit 4 laboratoires français et 2 chinois dans le but de déterminer comment 3 grands types d’adaptation combinant des approches spécifiques sont apparus chez les pyrales du maïs. À savoir :

  • la capacité des femelles à localiser et à favoriser le maïs pour la ponte de leurs œufs ;
  • l’adaptation physiologique, qui rend les chenilles résistantes aux composés de défense produits par le maïs ;
  • la tendance à descendre vers le pied des plantes de maïs en hiver, ce qui favorise leur survie lors de la moisson.

Logo du projet MUSCADO

Ces facultés physiologiques et comportementales sont comparées à celles de la pyrale sauvage (son ancêtre), qui ne favorise pas le maïs pour pondre, et dont les chenilles ne savent pas résister à ses toxines et à la moisson. L’intérêt du projet MUSCADO est donc, tout d’abord, de comparer les divergences génétiques et phénotypiques qui se sont établies entre les deux espèces, afin de comprendre comment la pyrale du maïs s’est adaptée au maïs depuis son changement d’hôte. Cela permettrait d’identifier les gènes responsables des caractères spécifiques liés au maïs, ce qui pourrait déboucher sur de nouvelles méthodes de lutte applicables contre ce ravageur.

… de façon similaire sur deux continents ?

Mais l’ambition du projet MUSCADO ne s’arrête pas là. En effet, la pyrale du maïs dite européenne dispose d’un alter ego, la pyrale du maïs dite asiatique. Ce sont deux espèces distinctes, apparues en même temps aux deux extrémités du continent, mais indépendamment l’une de l’autre ! Elles descendraient du même ancêtre, et auraient acquis les trois mêmes caractères spécialisés… chacune de leur côté. C’est ce que l’on appelle une convergence évolutive.

Ainsi, l’originalité du projet MUSCADO est de comparer les changements évolutifs ayant eu lieu en Europe et en Asie, une fois ceux-ci décodés. Cela permettra de savoir si les changements génétiques sont les mêmes pour les deux ravageurs, et donc si face à des mêmes contraintes environnementales, des schémas évolutifs identiques se mettent en place (ou non). Un partenariat est donc engagé avec des laboratoires chinois de l’Académie d’agriculture chinoise (Plant Protection Institute) à Beijing et à Changchun. Cette hypothèse mène à une question plus fondamentale : si des schémas évolutifs sont bel et bien répétables dans la nature, à quel point pourront-ils être prédictibles à l’avenir ? 

Mylène Le CaërRédactriceDépartement SPE

Contacts

Vincent Calcagno Institut Sophia Agrobiotech (INRAE, CNRS, Université Côte d'Azur)

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