Changement climatique : de nouvelles perspectives dans la dynamique d’expansion de la chenille processionnaire du pin

Le changement climatique modifie profondément la répartition des espèces animales et végétales. Parmi les cas emblématiques en Europe figure celui de la chenille processionnaire du pin (Thaumetopoea pityocampa), un insecte forestier réputé pour ses ravages sur certaines espèces de conifères mais également pour les risques qu’il représente en matière de santé publique. Si l’on sait que l’augmentation des températures favorise sa progression vers le nord, une étude internationale récente pilotée par plusieurs chercheurs d’INRAE met en lumière un nouveau facteur : l’ensoleillement hivernal.

Publié le 08 août 2025

© INRAE

Un ravageur de plus en plus présent

Bien connu pour ses longues files de chenilles, cet insecte est redouté non seulement pour les dégâts qu’il cause aux pins, mais aussi pour les risques sanitaires liés aux poils urticants libérés par les chenilles pouvant s’avérer dangereux pour l’être humain, les animaux de compagnie ainsi que les troupeaux. Originaire du bassin méditerranéen, il colonise, depuis quelques décennies, des régions plus au nord, profitant des températures hivernales plus clémentes.

Afin d’analyser et de définir les limites de cette tendance, une équipe de chercheurs s’est appuyée sur des données historiques pour calibrer des modèles de distribution d’espèces. Ils ont ainsi pu reconstituer l’aire de répartition connue de la chenille processionnaire et simuler son expansion possible dans le futur selon différents scénarios climatiques.

L’ensoleillement en tant que frein écologique

Les résultats de l’étude, publiés dans Science of the Total Environment, confirment le rôle clé des températures minimales hivernales dans l’expansion de l’espèce, mais révèlent également l’influence déterminante de l’ensoleillement. Les chercheurs ont mis en évidence le rôle fondamental du rayonnement solaire, crucial pour réchauffer les nids dans lesquels se développent les larves. Celui-ci pourrait limiter la progression de l’insecte aux latitudes supérieures à 55° de latitude nord. Sans un ensoleillement suffisant, même des températures relativement douces ne garantissent pas le bon développement de l’espèce. Cette barrière écologique, jusqu’ici peu étudiée, devient essentielle pour anticiper les zones à risque.

Une progression lente et des choix d’aménagement à repenser

Autre constat marquant : l’aire de répartition de la chenille n’évolue pas aussi rapidement que le réchauffement climatique. Cela s’explique par la faible capacité de dispersion naturelle des adultes :  les papillons femelles ne volent que sur de courtes distances, ce qui freine l’expansion vers de nouvelles zones favorables. Cette inertie écologique laisse entrevoir des marges de manœuvre pour les territoires encore épargnés, notamment à travers le déploiement d’actions de prévention (surveillance et information, choix des essences forestières ou ornementales, réduction des introductions accidentelles, …).

Enfin, les chercheurs soulignent l’impact des aménagements humains. Certaines espèces de pins, très prisées en milieu urbain en tant qu’arbres ornementaux, sont des hôtes privilégiés de la chenille processionnaire. Une réflexion sur le choix des essences plantées pourrait donc constituer un levier simple mais efficace afin de limiter les risques en zone urbaine.

Les travaux menés démontrent combien l’expansion d’une espèce telle que la chenille processionnaire du pin illustre parfaitement la complexité des réponses des écosystèmes aux évolutions climatiques. Si les températures plus favorables dans de nombreuses régions facilitent son essor, c’est l’ensoleillement qui pourrait en fixer les limites. Mieux comprendre ces interactions permet d’anticiper l’évolution de la répartition de cette espèce, un atout majeur pour une meilleure gestion des risques qu’elle représente pour la santé des forêts, des êtres humaines et des animaux.

Référence

Rossi, J.-P., Battisti, A., Avtzis, D.N., Burban, C., Rahim, N., Rousselet, J., Kerdelhué, C., İpekdal, K., 2025. Warmer and brighter winters than before : Ecological and public health challenges from the expansion of the pine processionary moth (Thaumetopoea pityocampa). Science of The Total Environment 978, 179470. https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2025.179470

Marie-Caroline Devigne

Chargée de communication

UAR ECODIV

Contacts

Jean-Pierre Rossi

Centre de Biologie pour la Gestion des Populations (CBGP)

Jérôme Rousselet

Unité de Recherche de Zoologie Forestière (URZF)

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Le département

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